Vincent Guillot
https://www.histoiresordinaires.fr/Intersexe-Vincent-Guillot-sort-de-la-nuit_a1330.html

Pourquoi je pars à Paris ce soir ?

Je ne vais pas manifester, je vais participer à la révolution.
Je n’ai rien, rien à perdre, je ne possède rien et je vis dans la misère depuis des années, cassé par le travail d’ouvrier, torturé, mutilé par la médecine, même ma vie fut il y a bien longtemps obérée par le biopouvoir et mon espérance de vie fut flinguée dès 1972 puisque les études montre que les Inter mutilés, torturés ont une espérance de vie de moins de 60 ans et j’en ai bientôt 54 avec une qualité de vie tellement mauvaise.
Au delà de ce préambule mes motivations tiennent aux humiliations, au mépris de classe permanent que subissent les prolo dont je suis socialement. Mais je me dois de dire que ce mépris est généralisé et pas seulement du fait du patronat, de la bourgeoisie et des politiques.
Un prolo n’est pas entendable,il ne peut être que dans l’émotion, le ressenti et sera systématiquement invalidé lorsqu’il prendra la parole. De plus dans les mascarades permanentes de pseudo concertations, audition et autres actions de communication, rein n’est prévu pour permettre au prolo d’intervenir car c’est normal, il y a des sachant qui sont prévu pour cela et c’est aussi le cœur de la colère actuelle.
Pour simple exemple je rappelle que mes actions en tant que rapporteur à l’ONU en 2016 qui ont conduit à trois condamnations (bien théoriques ma fois) aux comités des tortures, des droits des enfants et des droits des femmes étaient entièrement financées par des donatrices car rien n’est prévu pour financer ces actions. Par contre j’étais entouré de nombreux hauts fonctionnaires bien jeune ayant fait l’ENA tout frais payés par l’état et des cadres de grosses ONG avec de gros salaires qui parlaient ensemble durant les poses de leurs carrières, salaires, du prix des femmes de ménage à Genève car ils n’avaient pas le courage de le faire, de leurs adresses parisienne pour leurs chaussures faites sur mesure et des plans pour se caser dans les ministères.
Pour mon audition au Conseil National Consultatif d’Éthique, itou, rien pris en charge tu te démerde pour venir de ta Bretagne, te faire héberger, même pas un sandwich, juste un café robusta dégueu et une petite bouteille d’eau minérale en plastique, bien loin des préoccupations environnementales. Ici chacun parle entre les auditions des son entre gens, de son resto préféré de ses vacances à l’autre bout du monde, de sa nouvelle médaille, sa future nomination et bien sûr tout le monde (sauf moi et les stagiaires qui attendent impatiemment leur tour d’obtenir des fonctions) cumul les fonctions professionnelles/politiques/ prestiges. Là (las) les personnes présentent semblent sommeiller, ne posent pas de questions, ou quand elles en posent ne connaissent rien aux thématiques pour lesquelles je suis auditionné et confondent tout, parlent de morale, de société pas prête… bref utilisent les champs sémantiques de l’invalidation du discours des personnes concernées pour cacher la vacuité de leurs pensées, de leurs fonctions : Il n’y aura pas une seule ligne sur la thématique des Inter dans leur rapport, j’ai claqué du fric, perdu un peu plus de ma santé psychique et physique comme alibi du système mais ils sont affables, polis et disent combien le travail que je fais est important. Le seul résultat pour moi sera de errer désorienté dans le quartier chic plusieurs heure, il n’y a pas banc où je puisse me reposer et des boutiques alimentaires auxquelles je n’ai pas accès car je n’ai pas même de quoi me payer la bière qui m’aurait fait du bien. Il ne me reste plus que de plus en plus flou (de plus en plus fou) le sentiment du travail bien fait, du devoir de militant bien accompli.
Audition au Conseil d’État ; Euréka ils prennent en charge le billet de train. Mais pas les 20 euros d’essence pour qu’on m’emmène à la gare (ben oui les transports en commun chez nous ça n’existe plus depuis très longtemps), les tickets de métro, les repas et l’hébergement. Ce seront une fois de plus de généreuses donatrices qui m’aideront et de toute façon j’en serai de ma poche.
L’audition est un vendredi en fin d’après midi. J’arrive à l’heure avec ma convocation et les appariteurs me refusent l’entrée en me disant que je me trompe, que je ne peux pas être auditionné par le conseil d’état, ben oui mon look prolo avec mes croquenots, mes cheveux longs et mon petit sac à dos détonnent dans les ors de la république. Seule une chatte chartreuse hôte de ce lieux se frotte à moi. J’insiste mais il n’y a rien à faire ils rentrent derrière leur vitre blindé et ne s’occupent plus de moi, normal, je ressemble plus à un clodo qu’à un dignitaire. Il faudra que l’inévitable stagiaire tout fraîchement sortie de ses quartier chics et faisant l’ENA soit envoyée à ma recherche pour que je puisse entrer sous la mine étonnée des huissiers qui n’ont vraiment pas l’habitude de voir le peuple entrer dans ces lieux. Cela en dit long si long !
Une fois dans les salons le jeune énarque Conseiller d’État dit rapidement qu’on est vendredi soir, qu’il y a d’autres auditions (d’universitaires et de politiques) et qu’en conséquence mon audition sera informelle, que les prises de notes seront écourtées pour que les stagiaires/secrétaires puissent prendre en note les paroles (bien plus importantes que les miennes) des universitaires et politiques.
Le haut fonctionnaire, petit monsieur est arrogant et me dit que j’exagère, que je grossi le trait, et que de toute façon il s’y est collé car aucun membre du conseil d’état ne voulait que le sujet Intersexe soit abordé et qu’il n’y a aucune volonté politique sur le sujet aussi bien au gouvernement qu’au parlement. Il serai mon sauveur et je devrais me coller sur sa vision du dossier bien pourrie, pathologisante et méprisante. A la pose je vois dans ce grand et beau salon un piano à queue steinway et je blague sur la qualité de travail des membres du conseil d’état. Mon humour tombe à plat et monsieur me répond que oui, il joue lors des pauses, cela le détend, sans se rendre le moins du monde compte du décalage entre lui et moi !
Son rapport ne sera pas mauvais mais il m’a prévenu, le Premier Ministre à demandé que la question Inter soit abordé mais que contrairement aux habitudes lorsqu’un premier ministre demande un rapport il ne sera pas suivi d’une loi, suivi de rien d’ailleurs.
Tribunal administratif de Strasbourg, J’ai traversé la France à mes frais pour y aller défendre une personne Inter en voie d’expulsion, notre dossier est béton, rien n’a été fait dans les règles et il est en fin de vie avec deux cancers dont une leucémie en phases terminale.
J’ai voyagé une journée et une nuit et n’ai pas dormi, je suis à l’heure et j’apprends que cette heure est théorique que convoqué à 9h les juges et avocats ne viendront qu’en milieu de journée. J’y apprend aussi que la personne concernée est déjà au centre de rétention en seine et marne et ne viendra pas car cela coûte trop cher ! C’est fin juin et il fait très très chaud, pas d’argent donc je ne peux pas aller dans un bar.
Enfin ils arrivent. L’avocate représentant l’état arrive avec sa fille de dix ans et déclare qu’il faut que cela aille vite car elles doivent faire des courses pour les vacances d’été qui arrivent. Elle installe la môme sur un banc dans la salle et lui donne son beau téléphone pour qu’elle joue à des jeux. Puis elle refuse de mettre sa robe d’avocate car il fait trop chaud !
Ensuite elle ironise sur ma présence (je suis pourtant là pour mon expertise en tant que rapporteur ONU sur les questions Intersexe et ayant participé (pour une fois rémunéré) au rapport du Conseil de l’Europe sur les droits des personnes Intersexes. Elle dit que Monsieur guillot défend les « petits n’enfants » et n’est pas légitime à témoigner dans cette enceinte. Oui je vous le jure, elle dit les « peti n’enfants » sur un ton de mépris incroyable et alors que notre dossier est béton, mais alors béton avec tout le dossier médical, les témoignages des plus grand médecins spécialistes de la question Intersexe des garanties de représentativité, de prise en charge… l’expulsion est prononcée.
La suite ? Ben le juge et l’avocate parlent du temps qu’il fait, de la chaleur, de leurs vacances à venir et l’avocate de la personne Inter ne me remercie même pas, ne m’offre même pas un café. Elle me dit juste qu’elle est pressée. Il sera expulsé et il a crevé comme un chien.
Je vois l’avocate et sa fille ,famille bourgeoise et joyeuse, partir en parlant des magasins où elles se rendre et je me dit l’espace d’un instant qu’il faudrait casser le genoux de toutes ces ordures qui participent à cette guerre haineuse de classe pour qu’en ces moments banals ont puisse les stigmatiser… En attendant moi je fais un effort incommensurable pour aller à la gare et bouffer le sandwich dégueu que je peux me payer.
Je file dons au tribunal administratif de Melun le lendemain pour l’appel. Rebelotte je suis là à 9h heure de la convocation, j’attendrai jusque dans l’après midi. J’assisterai à toutes les audiences, toujours expédiées avec le même mépris de classe au point que ce concept en perde tout son sens.
J’y voit mon Inter cancéreux sous la surveillance des matons de la paf. Il me dit qu’il est dans le quartier des femmes (il a des papiers féminins et un corps masculin), Qu’il est enfermé toute la journée et que parce que le cadenas qu’ils ont mis est proche du sol, ils oublient de l’ouvrir pour qu’il aille manger. Que pour aller aux toilettes ou manger il y a toujours une matonne qui le lorgne. Qu’ils lui ont demandé de dessiner ses organes génitaux. La matonne de la paf prend donc la parole et ne nie pas elle justifie ces pratiques inhumaines et dégradantes illégales. Mais vous comprenez elle est dangereuse (elle parle bien sûr de lui au féminin alors que son corps est franchement masculin) et puis il y a des petits enfants que l’on doit protéger ! Quand je lui fait remarquer que les petits enfants en cra c’est illégale, elle rie de bon coeur. Et puis elle me dit que c’est normal qu’ils lui demandent comment sont ses organes génitaux que je ne veux tout de même pas qu’ils lui demande de se mettre à poil. Que c’est un monstre ! Oui elle me dit cela en présence de la personne concernée et ne sachant pas que je suis aussi ce monstre dont elle veut connaître les organes génitaux !
Je suis écœuré (au sens physique du terme) désespéré, c’est cela la france de maintenant. Je cherche une issue pour nous enfuir mais tout est claquemuré et ils sont nombreux à être armé, je suis impuissant. Audition rapide, je suis poliment écouté mais entendu, il est expulsable, il hurle sa certitude de mourir dans des conditions atroces, comme un chien, c’est ce qui arriva et moi je repars hébété. Une fois de plus épuisé et n’ayant pas vraiment dormi depuis plusieurs jours je repars en mâchonnant le sandwich dégueu que je peux me payer.
Mais la complicité de beaucoup de personnes vivant plutôt bien dans ce régime ne s’arrête pas là. D’ailleurs, je dois ici que c’est celle qui me fais le plus mal car elle vient de proches, d’alliéEs, principalement des universitaires.
C’est cette invalidation badine de tout nos discours, habitus de classe diriez-vous. C’est cette copine féministe en fin de carrière qui en a marre d’aller toujours à ma « cantine chinoise » quand je viens sur Paris. Un bol de soupe à moins de 10 euros, c’est tout ce que je peux me payer comme plaisir. Elle me propose d’aller manger un couscous. Certes c’est cheap mais trop cher pour moi. Je tente de lui expliquer, me mets à nu parle des mes 350 euros par mois, mes charges… Et là elle me parle d’elle même et de sa copine. Elles avaient un loyer loi 48 donnant sur un parc, proche de son travail et ce depuis son début de carrière. Et là patatras son proprio voulait vendre alors il lui a filé 100 000 euros (!!!) pour qu’elles partent. Elle ont donc acheté dans un quartier populaire pas très beau et puis en vacances elles ont trouvé une charmante maison alors elle l’on acheté, « c’est pas loin de chez toi, tu viendra nous voir, on fait de la peinture, des travaux ». Alors tu comprend hein c’est dur aussi pour nous on ne peux plus aller au resto toutes les semaine ! Amie, je t’aime beaucoup, je t’admire et admire tes recherches, tes publications tes concepts, mais là je n’ai pas osé te le dire tu m’a profondément blessé, tu m’a méprisé sans t’en rendre compte.
Là je participe à un séminaire, j’espérais encore faire ma thèse (naïf que j’étais) Bon je paye mes trajets sur Paris, ma bouffe… Et chaque fois « petit restau » enfin pour moi plus d’une semaine de mon budget bouffe pour manger des trucs franchement pas terrible. Je m’en ouvre à ma « directrice de thèse » qui comme la copine part au quart de tour sur son pouvoir d’achat (elle est prof émérite!). Ben ouais quoi elle est proprio de sa belle maison dans un quartier middle class. Mais trop grande pour elle alors que son fils et sa petite famille n’arrivent pas a ses loger comme il faut. Mais me dit-elle, même si j’ai envisagé de leur passer la maison, je ne l’ai pas fait parce que cela me ferait trop d’impôts ! Et puis si je la vendais je ne pourrai me payer qu’un petit studio à Paris ! D’ailleurs je vais ouvrir un consultation de psychanalyse pour arrondir mes fins de mois… Une fois de plus j’ai fermé ma gueule, prolo docile, elle a généreusement payé la pizza.
Les alliéEs, même quand illes font du bon boulot sont souvent nos pires ennemis. En ce moment illes postent beaucoup sur les réseaux sociaux, la plupart du temps pour délégitimer la révolution, dénoncer « notre » violence ou, et je trouve cela encore plus violant, poster des trucs produits par leurs confrères qui ont des biais d’étude hallucinant ! Mais illes ne sont pas concerné alors illes ne les voient pas.
Un des exemples les plus flagrant pour moi est cette histoire, cette fake news du gouvernement, au sujet du chèque énergie !
A mes ces pauvres (je traduit en langage vernaculaire) ils sont con, ils sont crétin, ils ne savent pas qu’ils ont droit au chèque énergie, c’est la preuve qu’il faut faire de la P.é.d.a.g.o.g.i.e et que quand ils sauront tout rentrera dans l’ordre !
J’ai cherché (bon je n’y ai passé tout mon temps hein) et je n’ai trouvé ni journaliste, ni docte sociologue, anthropologue et je ne sais quels autres sachant pour dire que cette aide (oh bien pauvre) est AUTOMATIQUE ! Il n’y a pas besoin de la demander, et seules les personnes concernées le savent et surtout ont comprises qu’on nous vraiment pour des cons !
Alors il en va de même lorsque nos cherEs alliéEs parlent du péril fasciste comme d’autres parlaient du péril rouge le 10 mai 1981 : Nous serions trop con et nécessairement facho en participant à la révolution, quand bien même nous sommes (je suis) un anti fasciste depuis…. Heu pour moi les années 70. Mais c’est bien connu pour nos élites et alliéEs, le prolo est raciste, homophobe, sexiste et eulles et la bourgeoisie ah non vraiment illes ne le sont pas ! Ah oui et pourquoi les pauvres lois qui condamnent ces délits ne sont pas appliquées ? Ben oui c’est sûr c’est de la faute des prolos !
Combien sont-illes à nous avoir conchié quand nous disions ni macron ni le pen, combien ont appelé à voter pour le suppôt du patronat et de la finance pour faire barrage à l’extrême droite Dèèèèèès le premier tour sans vouloir voir dans quelle merde nous sommes depuis si longtemps et surtout, surtout en invalidant notre discours lorsque nous avions et avons la morgue de répondre en argumentant sur leur belle page FB.
Alors je vous aime bien, je loue vos travaux scientifiques bien que souvent j’en dénonce les biais, mais là mes amiEs, mes alliEs, je pars faire la révolution et j’espère que votre système va péter, tout particulièrement vos universités sclérosées et pourries par le capital.
Ps : à ceulles qui vont dire que je me victimise, que les prolos se victimisent je vous dis d’aller vous faire foutre car vous n’avez vraiment rien compris !