lu dans les DNA

20081116_dna012474-jc-richez-soviets.1226875053.jpg

Les « conseils » de 1918 annoncent les grèves de 1919

Jean-Claude Richez, historien, ancien élu strasbourgeois, est aujourd’hui directeur de la recherche à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP). Étudiant, il avait travaillé sur les conseils militaires et ouvriers de novembre 1918 en Alsace.

– Comment expliquer ces événements de novembre ?

– On en oublie souvent le contexte. C’est l’effondrement militaire allemand. Il développe l’insoumission et les désertions. Des soldats se rebellent. Il y a beaucoup d’Alsaciens dans la Marine, 16 000 dit-on, et la Marine sera le fer de lance du mouvement révolutionnaire. Le soulèvement des marins de Kiel (sur la Baltique) le 3 novembre sera le début des conseils de soldats.
– Comment réagit le commandement ?
– Le haut-commandement allemand ne s’y oppose pas. C’est un calcul pour essayer de récupérer le mouvement. Mais il est vite débordé. Des conseils se créent en dehors de lui, parfois en conflit avec lui. Ils élisent des simples soldats comme représentants et élaborent des cahiers de revendication.
– Il y aussi un contexte social ?
– La guerre dure depuis quatre ans. L’opinion s’est retournée contre l’Allemagne, qui a pris des mesures dures et a considéré les Alsaciens comme des citoyens de seconde zone. On manifeste contre la cherté de la vie, dans le Val d’Argent par exemple. Le non-paiement de salaires d’octobre provoque des tensions dans la vallée de la Bruche.
– Comment les événements démarrent-ils à Strasbourg ?
– Par des manifestations le 7 novembre, contre l’Aubette (la garnison), la rue du Fil (la prison) – parce que des insoumis et déserteurs y sont détenus – et contre les résidences de notables pro-allemands connus. Puis les trains de soldats arrivent, et les conseils se créent à partir du 8, à Strasbourg, mais aussi dans toutes les villes où il y a des troupes. Des contacts se nouent de façon assez naturelle avec le monde ouvrier, qui créé ses propres conseils dans les grandes villes.
– Ces « soviets » furent sans lendemain ?
– Six mois après l’arrivée des troupes françaises, l’Alsace sera agitée par de grandes grève. C’est d’ailleurs un mouvement européen : spartakistes en Allemagne, « années rouges » d’Italie, etc. Et sur le plan politique, ce sera ensuite le communisme alsacien qui va se constituer après le congrès de Tours (1920) autour d’Hueber et Mourer, sur une ligne révolutionnaire, qui deviendra ensuite autonomisante.

Propos recueillis par J.F.

Édition du Dim 16 novembre 2008

Archives

http://schlomoh.blog.lemonde.fr/2008/11/17/

1918: Drapeau rouge sur la cathédrale de Strasbourg « La Bataille socialiste