Voici, en français, une analyse qui commence à tourner localement : la perspective d’un repositionnement US autour d’une alliance avec les frères musulmans avec en point central la Turquie et toujours, bien sûr, l’Arabie saoudite et les pays du Golfe.

D’où l’élimination de Ben Laden et sa disparition, corps et biens comme disent les marins. Exit l’islamisme infréquentable. Bonjour l’islamisme-démocrate ! De figure repoussoire par excellence, l’islam politique serait désormais l’allié essentiel. Le principe parait le même pour la France si l’on en juge les pratiques récentes de Juppé relatées notamment sur le site Oumma.com. Si c’est vrai, c’est pas mal pensé, car effectivement cela casse net l’axe qui était en train de se dessiner au PO entre les frères musulmans d’un côté et l’islam politique chiite de l’autre. Cela offre aussi une explication de la facilité avec laquelle les occidentaux ont finalement accepté la chute des régimes Moubarak et Ben Ali, mais pas celui des pays du Golfe.
On comprend du même coup le silence passablement embarrassé des israéliens. Sur un autre registre, on imagine aussi la tête des Adler et compagnie. Il va falloir réviser les discours sur l’islam-et-son-incompatibilité-démocratique car l’hégémonie, désormais, va se fonder sur un discours inverse.

Reste à savoir comment ces nouveaux régimes traiteront de la question palestinienne et notamment du Hamas qui dans ce schéma devrait occuper une position d’autant plus centrale, avec possiblement, un changement d’allié (Turquie, Egypte) et comment les USA gèreront les contradictions que cette question va continuer de susciter. Car le noeud demeure.

Bref l’avenir dira ce qu’il en est de ce point de vue.
W.

La Syrie reste au cœur des spéculations

Par Scarlett HADDAD | vendredi, mai 6, 2011, l’Orient le Jour

Alors que l’actualité locale fait désespérément du surplace, les yeux des Libanais restent fixés sur la situation en Syrie. Les approches divergent selon le camp politique. Pour le 8 Mars, le président syrien aurait remporté la manche et son recours à la force, accompagné d’un processus de réformes, aurait porté ses fruits, puisque Deraa serait désormais pacifiée et le calme serait en train de revenir progressivement sur l’ensemble du territoire syrien. Le 14 Mars, lui, donne un tout autre son de cloche, affirmant que la semaine qui s’achève aujourd’hui devrait voir une recrudescence des émeutes qui seraient en train de s’étendre à de nouvelles localités, comme la grande ville d’Alep, restée jusque-là calme, alors que les condamnations de la communauté internationale augmentent et celle-ci se dirigerait vers l’adoption de sanctions importantes contre le régime.
Comme on peut le constater, les opinions sont très divergentes. Mais s’il est encore difficile de se prononcer sur l’issue de ce bras de fer entre le régime syrien et ses opposants (ou ses comploteurs, selon la version officielle), on peut déjà constater que, contrairement à certaines allégations, le régime est soutenu par l’armée, qui est restée unie, et ses services de sécurité, ainsi que globalement par les hommes de religion, et enfin par la bourgeoisie commerçante, soucieuse de stabilité. En face de lui, il est désormais clair que les opposants s’articulent autour des Frères musulmans, qui constituent la force la mieux structurée et la plus étendue en Syrie. Ceux-ci se sont dévoilés à travers des réunions et des conférences de presse données en Turquie.
Certains analystes estiment à cet égard que la nouvelle stratégie de l’administration américaine reposerait justement sur l’utilisation des Frères musulmans dans l’ensemble du monde arabe pour combattre l’Iran et ses alliés. Ces analystes ajoutent que maintenant qu’ils se sont débarrassés d’Oussama Ben Laden, les Américains peuvent de nouveau miser sur le courant islamiste pour juguler l’influence iranienne au Moyen-Orient. Ils auraient confié la mission de rendre les Frères musulmans « fréquentables » au parti au pouvoir en Turquie qui représente un islam moderne jugé tout à fait acceptable par l’administration américaine. Cette dernière devait toutefois auparavant frapper un grand coup pour justifier le recours à ces organisations longtemps considérées comme terroristes et non fiables. Ce fut la mort de Ben Laden, considéré comme l’ennemi public numéro 1 des Américains et de la communauté internationale en général. Les États-Unis ont pendant des années justifié leur appui au régime de Hosni Moubarak en Égypte par le fait que la seule relève possible est formée des Frères musulmans. Ces derniers s’apprêtent aujourd’hui à se lancer dans la prochaine bataille électorale en réclamant la moitié des sièges au Parlement, après avoir formé un parti officiellement laïc, comme l’exige la Constitution du pays. En parallèle, les Frères musulmans de Syrie, qui se sont choisi un nouveau leader, Riyad Chakfa, ont le champ libre à partir d’Istanbul. Championne de l’islam à visage acceptable pour les Américains, la Turquie serait ainsi visiblement appelée à remplacer l’Égypte comme leader des pays musulmans proaméricains dans la région. En même temps, les États-Unis ont rapidement réussi à démanteler ce qui était considéré comme l’axe fort de la région et qui était formé de la Turquie, de la Syrie, de l’Iran et du Qatar. Le Qatar s’est ainsi aligné sur la politique turque qui, elle, ne dissimule pas ses critiques à l’égard du régime syrien. Les responsables turcs estiment ainsi que le régime syrien leur avait promis qu’il ne ferait pas usage de la violence contre les manifestants, mais il n’a pas tenu parole et c’est pourquoi ils ont voulu lui rappeler ses promesses, n’hésitant pas à le pousser à accélérer le processus de réformes et à établir un dialogue avec les opposants. Le Premier ministre turc aurait même proposé au président syrien d’organiser un référendum auprès de sa population pour voir dans quelle mesure le régime jouit de l’appui de son peuple. Bachar el-Assad aurait approuvé la suggestion, mais visiblement, il ne compte pas l’exécuter avant d’avoir achevé la mission sécuritaire contre « les comploteurs ». C’est-à-dire une fois que les jeux seront faits… Le Qatar lui aurait prodigué les mêmes conseils, mais le régime a préféré choisir la voie de la solution militaire. Le ministre syrien des AE Walid Moallem s’est d’ailleurs réuni avec les diplomates accrédités à Damas pour expliquer, documents à l’appui, l’existence d’un complot contre le régime, qui aurait profité de la vague de liberté dans le monde arabe pour tenter de le renverser. A-t-il réussi à convaincre ses interlocuteurs ? Nul ne saurait l’affirmer, mais le régime ne veut plus reculer, tout en promettant d’accélérer le processus des réformes dès la fin des opérations militaires. Le parti Baas devrait tenir très bientôt un congrès général et la loi sur le multipartisme serait à l’ordre du jour. S’il a perdu l’appui de la Turquie et du Qatar, le régime syrien cherche désormais à se rapprocher de l’Égypte, alors que les liens étaient quasiment rompus avec le régime de Hosni Moubarak. Les mêmes analystes estiment ainsi que c’est l’une des raisons pour lesquelles aussi bien la Syrie que l’Iran ont facilité la réconciliation interpalestinienne restée impossible pendant quatre longues années. Même affaiblie, la Syrie a encore plus d’un tour dans son sac et les Libanais n’en ont pas fini de spéculer sur la situation dans ce pays. Et si la nouvelle stratégie américaine dans la région, annoncée récemment par la secrétaire d’État Hillary Clinton, devait effectivement reposer sur une alliance avec les Frères musulmans « relookés », le camp adverse prépare lui aussi sa riposte. Tiraillé entre ces deux courants contraires, le Liban, lui, est plus que jamais paralysé.