Gentioux  Maudite soit la guerre!

Gentioux Maudite soit la guerre!

Malgré-nous

La Feuille de Chou avait écouté, d’une oreille distraite, une partie du discours du président de la République, devant l’Arc de Triomphe, mais a sursauté en entendant le réviseur et manipulateur permanent de l’histoire, évoquer, à l’occasion de cette commémoration franco-allemande du 11 novembre 1918, (autrefois, une “victoire” pour la France, une “défaite” pour l’Allemagne, le “retour” à la France de l’Alsace-Moselle, abandonnée par Paris en 1871), le sort des Alsaciens-Mosellans “Malgré-Nous“.

Ces “Malgré-Nous” désignent, du moins en Alsace-Moselle, les Alsaciens-Mosellans enrôlés de force dans la Wehrmacht, pendant la seconde guerre mondiale et envoyés sur le front de l’est combattre les Soviétiques.

Dire que les Alsaciens de la 1re guerre mondiale, qui, à l’époque étaient allemands depuis 1871, étaient des “Malgré-Nous” constitue une curieuse révision historique, pour ne pas employer le terme de négationnisme.

Ainsi, pour prendre un exemple, mon grand-père, alsacien (“de souche“…) né en 1869, -donc Français-, a fait ses études en allemand, puis son service militaire dans l’armée du Kaiser Wilhelm II.

Alsacien soldat allemand du second Reich

Maurice Geismar 1869-1958 Alsacien soldat allemand du second Reich

En 1914, âgé de 45 ans, il n’a échappé à la boucherie impérialiste (du côté allemand) que parce qu’il était père de six enfants. S’il avait été enrôlé, il n’aurait été un “Malgré-Nous” que s’il avait opté pour la France, en quittant l’Alsace en 1871, à deux ans…, ou si, vivant en Alsace, il s’était toujours, intérieurement, considéré comme Français et non Allemand. On ne parlera pas à la place d’un mort.

Les Dernières Nouvelles d’Alsace, saisies, dès hier, par des téléspectateurs aussi étonnés que nous, font ce matin une mise au point selon laquelle, d’après Wikipédia (mais pourquoi cette source et pas une source plus proche, alsacienne?) dès 1920, le terme de “malgré-nous” aurait été employé. Par qui? Par des associations d’anciens combattants, francophiles, évidemment, genre “Souvenir français“, ce que les DNA ne disent pas, tout en le laissant entendre entre les lignes.

Les DNA, comme Sarkozy (Guaino?) révisent l’histoire en prétendant que

…au retour de la Grande Guerre, les Alsaciens et Mosellans, allemands depuis 47 ans, entendent se démarquer d’une Allemagne désormais indésirable dans la région.

au lieu de dire ” des Alsaciens-Mosellans”, en réalité les “patriotes” franchouillards à la Hansi …Ce sont ces “patriotes qui ont pratiqué l’épuration ethnique en chassant 130 000 Allemands d’Alsace-Moselle.

* voir plus bas

Si on peut donner un conseil à Sarkozy, qui ne l’écoutera pas, c’est de cesser de jouer avec l’histoire en l’instrumentalisant.

Et aux DNA, quotidien connu pour avoir été et être encore très francophile, pour ne pas dire jacobin, de demander, par exemple, à Bernard Wittmann, d’une part, et à Alfred Wahl, pour l’autre côté, auteurs de nombreux ouvrages sur l’Alsace, ce qu’ils en pensent …

monument aux (2) morts strasbourg

clic!

monument aux (2) morts Strasbourg

lu dans les DNA

Lors de son discours, hier à Paris, Nicolas Sarkozy a-t-il commis une erreur historique en parlant des Malgré-nous dans la Grande Guerre ?
Certains de nos lecteurs nous ont interpellés dès hier pour nous faire part de ce qu’ils considéraient être une « erreur historique » dans le discours du président de la République. Nicolas Sarkozy se serait trompé en parlant des « Malgré-nous » pour désigner les combattants alsaciens et mosellans de 14-18 : « On mesure ce que cette guerre avait d’absurde et de suicidaire en songeant (…) aux “Malgré-nous”, alsaciens et lorrains, placés par les vicissitudes de l’histoire entre deux patries et qui se battaient avec un uniforme allemand et un coeur français (…) ».

Le terme apparaît dès 1920

Le terme « Malgré-nous » désigne généralement les Alsaciens-Mosellans ayant combattu côté allemand pendant la Seconde Guerre mondiale plutôt que pendant la Première. Et pourtant, il ne s’agit pas là d’une méprise historique. Si on emploie effectivement plus rarement « Malgré-nous » pour désigner les combattants de la Grande Guerre, l’expression apparaît bel et bien dès la fin de la Première Guerre mondiale.
L’encyclopédie en ligne Wikipedia parle d’un terme employé pour la première fois en 1920, soit deux ans après la fin du conflit : « Des associations d’anciens combattants alsaciens et lorrains de la Grande Guerre employèrent cette formule pour mettre en avant le fait qu’ils avaient dû se battre, malgré eux, dans l’armée allemande contre la France (…) ».
Mais les deux situations ne sont pas comparables. Les soldats alsaciens et mosellans de 14-18 étaient pour beaucoup nés allemands, dans une région certes annexée par l’Allemagne depuis 1871, mais avec l’accord (et un traité) de la communauté internationale. En 1942, l’Alsace-Moselle est cette fois occupée par la force, ce qui donne au terme « Malgré-nous » tout son sens pour désigner les soldats de l’époque enrôlés, eux-aussi, de force.

«Ces drôles de soldats » qui embarrassaient la République

Pourquoi le terme est-il alors employé dès les années 20 ? Tout simplement parce qu’au retour de la Grande Guerre, les Alsaciens et Mosellans, allemands depuis 47 ans, entendent se démarquer d’une Allemagne désormais indésirable dans la région. Ces soldats du « mauvais camp » choisissent de se « faire tout petits », comme l’expliquait hier dans les DNA Pascale Hugues.
Nicolas Sarkozy a donc reconnu officiellement -et involontairement ?- le statut de « Malgré-nous » à « ces drôles de soldats » qui, comme le rappelait aussi Pascale Hugues, embarrassaient depuis longtemps la République.

Matthieu Mondoloni

Édition du Jeu 12 nov. 2009

Malgré-nous : une confusion du président?

Yves Baumuller, conseiller municipal de Colmar, a vivement réagi hier aux propos du président de la République qui dans son discours du 91e anniversaire de l’Armistice de 1918 a parlé des « Malgré-nous alsaciens et lorrains placés par les vicissitudes de l’histoire entre deux patries… »
Dans sa lettre à Nicolas Sarkozy, Yves Baumuller écrit notamment : « …J’ai été choqué que vous abordiez en évoquant cette guerre (ndlr : 1914-1918), l’histoire des Alsaciens et Mosellans incorporés de force dans l’armée allemande (ndlr: 1942-1945), l’histoire de ceux que l’on dénomme les Malgré-nous ». L’élu s’explique: «Les Alsaciens morts entre 1914 et 1918 étaient tous nés allemands, puisque l’Assemblée nationale avait, par un vote en 1870, cédé l’Alsace et la Moselle à l’Allemagne ».
Le conseiller municipal exprime son indignation « en tant qu’Alsacien et surtout en tant que petit-fils d’un Malgré-nous, né en 1917, ayant fait son service militaire français à partir de 1938, ayant combattu avec la France jusqu’en 1940, puis incorporé de force dans l’armée du 3e Reich en 1942, ayant combattu sur le front de l’Est pour sauver sa vie, fait prisonnier par les Russes, interné dans le camp de Tambow dont tant de jeunes hommes ne sont pas revenus… »
Yves Baumuller conclut : « J’apprécie néanmoins, que vous considériez le drame vécu par ces jeunes hommes, comme l’un des plus poignants de notre histoire commune… Mais ce drame se doit d’être présenté dans sa juste chronologie »

Édition du Jeu 12 nov. 2009

Malgré-nous malgré lui

Alfred Kohler a raconté aux enfants de l’école élémentaire de Lipsheim son histoire, celle des Malgré-nous incorporés de force dans l’armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale.

Alfred Kohler, boulanger âgé de 90 ans originaire d’Eckbolsheim, a vécu le statut des Alsaciens enrôlés pendant la Seconde Guerre mondiale. Déracinement, incertitude, affrontements sanglants… Il a traversé maintes épreuves et dangers en gardant comme objectif de retrouver les siens.
Assis devant les élèves de CM1 et de CM2 à l’école de Lipsheim, Alfred Kohler a tellement de choses à raconter que le récit en est presque décousu. Sa mémoire ne lui fait pas défaut à propos de la guerre. « Je ne me souviens pas de ce que j’ai mangé hier, mais je peux tout vous raconter en détail de cette période de ma vie », assure-t-il. Et le dossier est épais.
Alfred Kohler a été incorporé dans l’armée française à ses 20 ans en 1939 à Châtellerault, à côté de Poitiers. Transféré de caserne en caserne, il a assisté de près à la débâcle des Français. Ce qui a aggravé son inquiétude d’avoir dû laisser sa famille dès les premières hostilités. A la première occasion, il rejoint sa soeur expulsée dans le midi avec « sa petite famille ».
L’Alsace et la Lorraine ont été annexées. Alfred Kohler, comme bien d’autres soldats, a été contraint de rejoindre l’armée allemande en 1943, sous peine de voir sa famille déportée en Pologne. Cette nouvelle situation n’entame pas sa détermination. Il rejoint alors son père à Eckbolsheim pendant cinq jours, sans permission et en voyageant dans les toilettes des trains, au risque d’être fusillé.

De l’huile de sardine chaude

De retour sous l’uniforme, il est chargé de la radio sur le front russe en Lituanie et apprend le morse. Toutes ses tentatives pour tomber malade en se gavant d’huile de sardine chaude sont tombées à l’eau. « J’ai été au milieu du front entre les deux armées, jusqu’à une cinquantaine de mètres des lignes ennemies pour transmettre les informations sur les mouvements de troupe », raconte-t-il. Un poste clé où il a frôlé la mort à plusieurs reprises.
Revenu en Allemagne, il parvient à Soufflenheim où les Américains le font prisonnier de guerre. Cet épisode inattendu avec « Les libérateurs » reste son pire souvenir. « Nous avons été traités pire que des bêtes », relate-t-il dans sa biographie, considérés comme des traîtres sur qui on a jeté des pierres, emmenés dans des trains où il fallait « faire les besoins sur place ». Les Russes, eux, n’ont pas hésité à fusiller les Malgré-nous déserteurs des lignes allemandes.

130 000 Malgré-nous

Le récit captive les enfants, qui posent bon nombre de questions en fin de séance. Transmettre ce vécu aux jeunes générations les fera peut-être réfléchir. L’histoire d’Alfred Kohler, comme celle des 130 000 Malgré-nous, dont plus de 30 000 ne sont pas rentrés chez eux rappelle le maire de Lipsheim René Schaal, illustre parfaitement la complexité de la guerre. Rien n’y est tout blanc ni tout noir et il n’y a pas d’un côté les bons et de l’autre les méchants. Les Malgré-nous ont été bringuebalés d’un camp à l’autre. Une réalité historique qui met en évidence une caractéristique inhérente à la guerre : l’absurdité.

Alexandre Samary

Édition du Jeu 12 nov. 2009