Compte rendu de l’audience au MEN.

Les quatre délégués étaient JM Vaillant pour la FSU, Philippe Derrien pour la FCPE, Christian Moser pour l’UNSA et Claude Hollé pour laïcité d’Accord.

L’audience avait été préparée de longue date par des échanges de courriels et directement le 14 novembre par une réunion.
Contrairement à ce qui avait été annoncé, nous n’avons pas été reçus par M. Delahaye mais par Mme Barasz, ayant pour titre “Conseillère technique, argumentaire, discours et mémoire”, donc moins proche du ministre que M. Delahaye. Elle était accompagnée d’un membre du pôle juridique qui est peu intervenu.

La Conseillère a écouté avec attention et compréhension nos exposés, manifestant quelques fois sont approbation, l’écoute était cordiale.
Le juriste a joué son rôle de juriste, essayant de temps à autre (en fait 3 fois) de mettre un peu en difficulté l’un d’entre nous tout en présentant cette intervention comme étant en notre faveur :

*En contestant que le rectorat ait écrit qu’il préconisait de n’accorder “qu’à titre exceptionnel” certaines demandes de changement d’avis pour l’inscription ou non à l’ER, ce que Christian Moser a contredit preuve à l’appui.

*En contestant que le Conseil constitutionnel ait constitutionnalisé le principe de prorogation de la législation locale. Son interprétation est fausse car le C.C. en a fait un “Principe fondamental reconnu par les lois de la République” ce qui vaut constitutionnalisation. En fait le juriste voulait nous indiquer que cela n’empêchait nullement un gouvernement de modifier ou abroger ces législations. Nous en étions d’accord.

*En nous mettant en garde contre la demande de suppression de l’obligation de demander une dispense, car alors l’ER pourrait être considéré comme absolument obligatoire. Ce en quoi, il négligeait le fait que l’abrogation des articles D 481-5 et 6 du code de l’Education devait être accompagnée d’un décret ministériel précisant que l’ER serait “réservé aux seuls élèves dont les parents en feront la demande” comme le stipulait notre demande de modification de l’article D 481-2.
Rien de méchant en vérité.

En tout premier lieu, nous avons rappelé que nous représentions de nombreuses associations et organisations laïques d’Alsace et de Moselle et que certaines de nos demandes étaient en phase avec le cercle Jean Macé de Strasbourg qui avait été reçu, avant nous, par M. Delahaye.

Nous avons rappelé le contexte anti-républicain et clérical qui a présidé au vote de la loi Falloux (lors de l’éphémère 2e République débouchant directement sur le second empire) et des lois de prorogation de 1919 et 1924 préparées par la “chambre introuvable” dite encore “bleu horizon” ultra conservatrice. Puis nous avons rapidement évoqué l’opacité entretenue des législations locales. Nous avons également rappelé que cela faisait près de 100 ans que l’Alsace et la Moselle étaient revenues dans la République laïque française et qu’il était plus de temps d’en tenir compte.

Ensuite, nous avons abordé les problèmes éthiques et pédagogiques de fond liés au SSL : atteinte à la liberté de conscience, non-respect de la neutralité de l’Etat et discrimination locale entre élèves et entre les élèves d’Alsace et de Moselle avec ceux du reste de la France (se reporter aux documents déjà diffusés) pour déboucher sur la revendication de suppression de l’obligation de demande de dispense par l’abrogation des articles D481-5 et 6 du code de l’Education. Cette demande a été étayée par l’évolution considérable de la société devenue plurielle en Alsace et Moselle et par l’inégalité de traitement engendrée vis à vis d’élèves dont les parents ne séjournent que temporairement en Alsace ou Moselle et qui auront eu des cours amputés par rapport aux élèves qu’ils vont retrouver hors Alsace et Moselle.
Les problèmes techniques liés à la mise en place de l’heure d’ER ont été développés.

Nous avons abordé aussi durant cette phase la nécessité pour le ministère d’intervenir auprès de Mme le Recteur de Strasbourg pour que les circulaires rectorales relatives à l’ER respectent pleinement la neutralité de l’Etat.

La lecture de quelques passage de ces morceaux d’anthologie ont même déridé nos interlocuteurs tellement ces textes sont ouvertement cléricaux (certains semblent bien avoir été directement écrits par les cultes et signés ensuite par le Recteur).

Ensuite est venu un plus gros morceau, la nécessité de faire sortie l’ER des 24 heures légales d’enseignements du programme. Nous avons distingué le programme légal qui est du seul ressort du Ministère du programme de l’ER qui est du ressort des cultes et qui ne peut que se surajouter au programme légal sans l’amputer. D’où la proposition de modifier l’article D 481-2 en supprimant l’inclusion de l’ER dans les 24 h. de cours (cf documents déjà diffusés).

Est venue ensuite une discussion juridique pour réaliser nos demandes. Nous avons argumenté que les articles L 481-1 (législatif) et R 481-1 (Décret du Conseil d’Etat) ne faisaient que codifier l’existence des lois de prorogation, en rappelant, comme l’avait fait le CE en 2001, que l’Etat a l’obligation d’organiser un ER. Ces articles ne fixaient aucune modalité pratique pour cette organisation.

Les modalités pratiques sont clairement fixées par les articles D 481-2 à D 481-6. C sont des articles de caractère réglementaire et non législatif (décrets ministériels). Ils peuvent donc être modifiés ou abrogés par de nouveaux décrets ministériels.

Nous avons ensuite indiqué que la période actuelle était particulièrement favorable à ces changements qui pouvaient s’inscrire dans la réforme des rythmes scolaires et que si cette opportunité était gâchée, nous resterions pour de nombreuses années dans la situation insupportable actuelle.

Après les espoirs mis dans le candidat F. Hollande pour la progression de la laïcité et quelque peu déçus par la suite, les laïques d’Alsace et de Moselle étaient en droit d’attendre les avancées que nous proposions.

Bien que la Conseillère nous ait signalé que le ministère de l’Education nationale n’était pas compétent pour l’Enseignement supérieur, elle a accepté que l’on fasse le point sur tous les problèmes qui sont liés aux facs de théologie et au département de théologie de Metz. Elle comprenait que cela posait problème.

Avant de partir, nous avons demandé si elle était d’accord pour considérer que nos demandes ne devraient pas poser de problèmes majeurs sur le plan juridique. Le juriste ne s’est pas prononcé mais la Conseillère a estimé que ces demandes étaient “cohérentes” en fonction des arguments présentés et parce qu’elles étaient modérées.
Elle a aussi ajouté que le problème était politique et que c’est à ce niveau que se prennent les décisions.
(Nous en sommes conscients, mais ce n’est pas forcément pour nous rassurer).
Enfin, elle a accepté de transmettre au ministère de la Justice le document sur le blasphème que nous lui avons remis.

Conclusion.
Une entrevue positive, mais dont on ne pas présager la suite politique qui lui sera donnée.
Si le ministère de la Justice ne nous contacte pas rapidement, nous relancerons notre demande d’audience.
Pour les facs de théologie, nous allons envoyer dans les 2 jours qui viennent une demande d’audience. Nous demanderons ensuite à la Conseillère du MEN qui nous a reçu de bien vouloir transmettre aussi le dossier Supérieur au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Enfin, the last but not the least, le rectorat de Strasbourg a répondu rapidement à la demande d’audience faite par l’UNSA, le SGEN, la FSU, le FCPE et Laïcité d’Accord pour :
*En attendant les modifications officielles par décret ministériel, faire disparaître la référence à la dispense des circulaires rectorales en ouvrant simplement le choix entre inscription à l’ER ou non-inscription (avec, dans le primaire, choix de l’enseignement de morale).

*faire disparaître des circulaires toutes formes de prosélytisme en faveur de l’ER et d’entraves à la demande dispense, toute allusion à “l’héritage judéo-chrétien” à la formation de “l’identité culturelle et relationnelle” des élèves, toute tentative de faire croire les programmes d’ER sont des programmes officiels de l’Education nationale etc…

* Modifier les avantages scandaleux offerts à l’ER ouverture dès 5 élèves inscrits, dédoublements à partir de 15, création de modalités de secours ECR et HAA…

*réglementer les interventions des cultes dans les établissements publics dans le respect de la neutralité.

L’audience aura lieu le 13 décembre avec le Secrétaire général et son adjoint, deux hauts responsables. Cela risque d’être animé.

A suivre…
C.H.