Tribune libre à Serge Grossvak

C’est si simple la guerre, pour se donner bonne conscience. La force et la rage pour balayer les doutes et venir en assistance. Une fois, deux fois, trois fois… Un long décompte quasi annuel. Si nous ajoutons les appels à la guerre, les menaces de guerre, c’est devenu banal, la guerre. Terriblement banal. Côte d’Ivoire, Lybie, et il y a eu l’Afghanistan, et la menace Syrie, Iran. Maintenant le Mali.

Alerte ! C’est la guerre.

La guerre c’est évident, c’est toujours évident. Il y a les méchants et ceux à protéger par notre armure vaillante et notre torse bombé. Et puis tombent les bombes. Quel trou creusent-elles ?

Déjà nous pouvons voir l’Afghanistan 10 ans après. Qu’est-ce qui a été construit ? Pourquoi n’en tirons nous pas de leçon ? L’Irak, la Lybie, la Cote d’Ivoire sont mis en pétaudières. La guerre c’est long, ça couve, ça attend le moment, l’étincelle. Et ça repart. Ca attend et ça repart. Il faut réfléchir à deux fois avant de se lancer dans une guerre.

Bien sûr que c’est évident au premier coup d’œil. Il faut sauver des vies et mater l’indigne oppresseur. Il n’y a qu’à cogner, un bon coup et ça va aller… Aller où ? Et ça vient d’où cette tragédie qui nous impose la guerre ? Et puis, et puis… POURQUOI CETTE RECURENCE ? Pourquoi cela s’étend-il et se répète-t-il ?

Je sais que les avions de mon pays bombardent, et ça bourdonne dans ma tête. Je sais les souffrances et les dangers pour mes amis maliens, et j’ai peur pour eux. Où cela va-t-il les mener ? Ou cela va-t-il nous mener ? Et le monde, le vaste monde, à étendre les furies de la guerre, quel va-t-il être ? Quelles rages faisons-nous pousser ?

Les pays vacillent si facilement ! Il suffit d’une bande armée, d’une scorie d’un conflit voisin et le feu prend, un pays flanche. Mali, oh mon ami, n’étais-tu qu’un si petit château de carte ? Qu’est-ce qui t’a rendu si chétif, si misérable ? Mali, oh mon ami, tes voisins sont-ils vraiment mieux lotis que toi ? Leur tour ne va-t-il pas venir, et la guerre s’étendre ?

Il n’y a rien à faire ? Une fatalité ?

La guerre est une impasse sanglante, destructrice. Si nous renonçons à construire la paix aujourd’hui alors ces guerres nous dévoreront demain. Comme il est curieux qu’il soit plus facile de mener la guerre que d’affronter la misère !

Mali, oh mon ami Mali, comment t’est venu ce drame ? Par ces guerres à tes portes venues se propager chez toi. Par ce vieux conflit avec les Touaregs « réglés » avec la force soldatesque. Par cet Etat exsangue et rendu incapable de porter la solidarité de la santé et de l’éducation pour chacun. Oh, mon cher Mali ami, que va-t-il advenir si la réponse passe par l’aveuglement des bombes ?

Quelle immense inquiétude pour demain, lorsque nous aurons fini de bomber le torse et que les bombes seront libérées pour un sinistre feu d’artifice. Face à l’image de mon époque, je pense à un Pasteur d’il y a plus 2 siècles et plus. Il était désespéré devant les ravages de la guerre. Il avait regardé son ami philosophe, E. Kant. Un « projet pour une paix perpétuelle » en était né. Quel désastre faut-il encore pour que nous parvenions à cette sagesse visionnaire ?

Serge Grossvak, le 15 janvier 2013