Les DNA de ce 9 novembre rappellent la fameuse Affaire de Saverne.
En archives, le texte de Lénine republié par la Feuille de chou il y a deux ans.

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Histoire

Le centenaire de l’Affaire de Saverne. Ces « voyous » qui ont fait trembler l’empereur

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Il a suffi d’un simple mot pour mettre le feu aux poudres. Le 6 novembre 1913, un journal de Saverne rapporte qu’un lieutenant prussien a traité les Alsaciens de « wackes » (« voyous »). C’est le début d’une affaire qui, à l’approche de la Première Guerre mondiale, a mis l’Alsace au centre de l’actualité internationale.

Archiviste de la Ville et président des amis du musée de Saverne, Pierre Vonau prépare une exposition sur le centenaire de l’Affaire de Saverne, qui sera inaugurée cet après-midi au musée du château des Rohan. Il explique comment un simple mot, «wackes», a pu secouer l’Empire jusqu’au Reichstag, alors que l’Europe était en pleine course aux armements.
« Des gosses insultaient les officiers »

C’était «un moment où la ville de Saverne a été au cœur de l’actualité internationale», indique la conservatrice du musée de Saverne Gabrielle Feyler. Ceci par l’effet d’«une succession d’incidents locaux plus héroï-comiques que tragiques», précise Pierre Vonau. Car il n’y a pas eu de bain de sang à Saverne en ce mois de novembre 1913, mais plutôt des badauds, dont beaucoup d’enfants, raillant les cadres de l’armée prussienne qui, dans une Alsace toujours allemande, comptait 1 400 militaires basés à Saverne.

Tout commence par un article paru dans le «Zaberner Anzeiger», révélant qu’un certain lieutenant von Forstner, âgé d’à peine 19 ans, a traité les Alsaciens de «wackes» suite à une rixe impliquant un soldat et un habitant. Cette histoire survient dans une période de tensions entre civils et militaires, avec en ville «des bagarres dans les bistrots et les bals».

Si bien qu’après la parution de l’article, Saverne connaît pendant quatre jours une «situation insurrectionnelle». «Des gosses, des apprentis, des ouvriers insultaient les officiers qui passaient dans la Grand-rue», explique Gabrielle Feyler.
Jusqu’aux États-Unis

Le colonel von Reuter, qui dirigeait les troupes basées à Saverne, jugeant «intolérable qu’on se moque d’officiers allemands», place la ville en état de siège le 28 novembre. Une situation qui, comme le décrit Pierre Vonau, répond à des tensions existant plus largement en Alsace, illustrées notamment par «la rivalité entre le gouverneur, accommodant vis-à-vis des Alsaciens, et les militaires qui voulaient plus de sévérité». Ce qui favorise la remontée de l’affaire jusqu’au Reichstag à Berlin, par la voix des représentants alsaciens.

Début décembre, les débats y sont houleux, les députés allant jusqu’à mettre le gouvernement en minorité. «Mais l’empereur maintient le chancelier», ce qui revient à «donner raison à l’armée». S’en suit une « politique plus autoritaire en Alsace, avec une valse des responsables politiques et institutionnels », dont fera notamment les frais le Statthalter de Strasbourg. Si aujourd’hui, «en Allemagne, on parle encore de l’Affaire de Saverne», c’est qu’elle a ainsi été «une sorte de révélateur du caractère autoritaire de l’Empire», en plus de démontrer les difficultés d’intégration de l’Alsace.

Il faut dire qu’accompagnant ces événements, «une bulle médiatique enfle en Alsace, en Allemagne, en France, jusqu’aux États-Unis». Car dans «un contexte de regain de tension franco-allemande et de course aux armements», un incident aux frontières est toujours sensible. Saverne s’apaise ensuite au printemps 1914, avant que la guerre n’éclate. Et «à la fin de la guerre, lorsque les Français reviennent en Alsace, une banderole les accueille à Saverne, indiquant ‘1913 affaire de Saverne, 1918 la délivrance’». Reste que, malgré cette «interprétation patriotique de l’événement», «le retour de l’Alsace à la France ne va pas si bien se passer», rappelle Gabrielle Feyler. Mais ça, c’est une autre histoire…

Au musée du château des Rohan jusqu’au 2 mars, exposition de caricatures, photos, journaux et objets militaires autour de l’Affaire de Saverne. Le 5 décembre, lecture de textes relatifs à l’affaire par des comédiens au château. Le 5 février, conférence au château des Rohan. Les 6 et 7 février, colloque universitaire sur deux jours, au château de Saverne puis aux archives départementales Strasbourg. Le 8 février, spectacle avec la participation du Théâtre alsacien de Saverne. Plus d’info : www.saverne.fr.

par Emmanuel Viau, publiée le 09/11/2013 à 05:00

Zabernism

Par ce mot, tiré du nom allemand de Saverne («Zabern »), l’Affaire de Saverne a laissé sa marque dans la langue anglaise, ce qui démontre son impact international. Tombé en désuétude, il signifie le fait de se révolter contre une autorité militaire jugée abusive.

Archives

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