Communiqué de presse du Syndicat de la Magistrature, le 13 novembre 2013

RACISME : LA DIGUE CÈDE

Il y a cette candidate du Front National aux élections municipales à Rethel qui qualifie la garde des Sceaux de « sauvage » qu’elle préférait« encore voir dans un arbre » qu’au gouvernement, et qui relaye sur sa page Facebook un photomontage la comparant à un singe. Il y a aussi ces enfants – embrigadés dans une « manif pour tous » et incités par d’autres, parce qu’il ne peut en être autrement – qui, lors d’un déplacement de la ministre à Angers le 25 octobre, l’accueillent aux cris de « C’est pour qui la banane ? C’est pour la guenon ! ». Il y a enfin, parce ce que tout est désormais possible, l’ignoble une du « journal »d’extrème-droite Minute, paru hier, titrant « Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane ».

Tout le monde, ou presque, s’accorde aujourd’hui pour dénoncer ce racisme décomplexé, cette expression insupportable d’une frange d’extrémistes haineux. Mais peut-on s’en tenir à cela ? Peut-on ne pas s’interroger sur la responsabilité de ceux qui, dès sa nomination au gouvernement, l’ont clairement désignée pour cible ?

Accueillie par le « Quand on vote FN, on a la gauche qui passe (…) et on a Taubira » de Jean-François Copé, la ministre suscita par la suite, à la moindre de ses annonces, des propos plus nauséabonds les uns que les autres – de Jean-Paul Garraud qui déclarait que « la composition du gouvernement lui donn(ait) mal à la France », ou du député du Var pour qui les auteurs des dégradations commises à l’occasion d’un victoire du PSG étaient « sûrement des descendants d’esclaves, ils ont des excuses.Taubira va leur donner une compensation », aux membres de l’Institut Civitas, arc-boutés contre « le mariage pour tous », scandant« Y a bon Banania, y a pas bon Taubira ».

Tout était en effet devenu bon pour discréditer, avilir celle qui symbolise la volonté d’une autre politique pour la justice – qui romprait avec les antiennes sécuritaires de ces dernières années – et pour l’égalité des droits.

Ce racisme décomplexé s’enracine aussi dans les dérives des tenants de la lutte contre le « politiquement correct qui envahirait notre société » – pour lesquels toute réflexion, tout rappel de l’éthique ne serait que de la« bien-pensance » hermétique à la réalité – tel Eric Zemmour dénonçant celle qui s’en prend aux « hommes blancs » alors qu’il s’agissait simplement de débattre de la lutte contre le harcèlement sexuel.

On pourrait être tenté d’opposer silence et mépris aux récents propos nauséabonds exploités par « le journal » Minute, à ces débordements contre lesquels aujourd’hui tous s’élèvent. On pourrait refuser de s’interroger sur les causes du développement de cette haine. Mais se taire, c’est laisser se banaliser ce racisme ordinaire, qui fleurit sur des réseaux sociaux à l’anonymat « libérateur » ainsi que dans la bouche de certaines personnalités politiques et médiatiques, et qui bouscule ainsi les fondements mêmes de notre démocratie.

Le Syndicat de la magistrature ne se résigne pas au silence et dénonce fermement ces attaques racistes envers la garde des Sceaux. Il exhorte les responsables politiques à abandonner le populisme confortable qui s’appuie sur les peurs et les plus bas instincts au détriment des idées. Il en appelle à un réveil des consciences, demain il sera trop tard…