Manuel Valls crie, s’agite et parle d’action. En guise d’action, il fait du spectacle.
Il prétend soutenir les sans-papiers, mais il bluffe. Les forces de police s’en prennent aux sans-papiers comme sous Sarkozy, voire davantage. L’économie du pays profite largement de leur force de travail, le patronat et le consommateur en premier lieu. Main-d’œuvre pas chère, bénéfices garantis et tarifs abordables pour ce qu’on appelle les classes moyennes.
Lorsque Manuel Valls chasse les Rroms, il attise le racisme envers eux et reste silencieux sur les raisons économiques et sociales qui les ont amenés en France.
De la même manière, Manuel Valls refuse qu’on amnistie les syndicalistes – mesure qui constituerait une remise en cause du pouvoir économique qu’il défend avec application.

Dans ce contexte, les luttes des quartiers populaires (logementviolence policièreaccès aux soins ou à la scolaritéprécarité) sont taxées de communautarisme dès qu’elles réclament une égalité de traitement entre les populations vivant sur le territoire. Leurs acteurs sont criminalisés et/ou subissent pressions et répression (contrôles fiscaux, intimidations, procédures judiciaires, etc.).

Tout cela se passe dans un silence absolu. C’est usant.
Les personnes qui mènent ces luttes ont souvent deux options. Soit rallier les dominants afin de faire passer une petite partie de leurs revendications dans unevictoire à la Pyrrhus.
Soit continuer dans le silence et les ténèbres des combats dont les médias se moquent et que le pouvoir fait tout pour criminaliser ou marginaliser. Les rébellions, résultat de ce mépris, justifient ensuite la répression.

Les coups contre les vrais opposants sont feutrés. Les subventions publiques permettent d’étrangler et de contrôler les mouvements considérés comme contestataires alors qu’ils défendent l’application du droit pour tout.e.s.
Pour les plus récalcitrant.e.s les peines de prison, fermes ou avec sursis, finissent par tomber à un moment improbable, sans que personne ne soit au courant. Pas de « peopolisation », pas de caméras. Seul le silence reste présent. Il entoure de sa confidentialité les noms et les visages des personnes qui animent et mènent les luttes.

Quand Dieudonné est promu ennemi public n°1 par le Ministre de l’Intérieur pour un geste grossier devenu une marque déposée, on renifle l’escroquerie. Quand des personnalités publiques absentes des luttes, afin de ne pas planter leur plan de carrière, prennent fait et cause pour le propriétaire de la « quenelle », on tient la preuve que l’ennemi public n’en est pas un.
Là où il y a buzz, il n’y a pas de luttes. Les dominants ne sont pas aux abois et n’en sont donc pas encore à spéculer sur leur propre perte.
Le spectacle et l’engagement militant sont deux choses distinctes. Ils ne se rejoignent que lors d’évènements tragiques ou massifs  justifiant une reprise en main par le pouvoir qui détournait jusqu’alors le regard.

Si le pouvoir désigne de lui-même un ennemi, c’est que celui-ci ne représente pas un vrai danger. Tout le monde connait le geste de la quenelle et Dieudonné. Tout le monde a son opinion sur la question. Certain.e.s font ce geste en croyant qu’il va faire disparaître magiquement le système en place. Les jeunes qui le font aujourd’hui sur une photo de classe auront dans 20 ans la certitude que l’adolescence est un passage difficile et prendront conscience qu’on a ri à leurs dépens.
Ce geste, même les militaires et les policiers le font.

Leur fonction : la défense du système.

Manuel Valls fait la promotion d’un Dieudonné qui ne propose qu’une posture de révolté stérile, sponsorisée et rentable. Attisant les tensions raciales au sein de la population, la chasse à la quenelle est une vraie diversion face à la crise.

S’il voulait vraiment faire taire Dieudonné, Manuel Valls utiliserait la méthode que le pouvoir réserve aux véritables opposants, avec des coups portés en silence. De vrais coups, comme ceux qui ont détruit la vie de milliers de militants.
Pas besoin de gesticuler sur la place publique pour ne pas renouveler le bail du théâtre de la Main d’Or, dont Dieudonné n’est que le gérant . L’obliger à payer ses amendes en ponctionnant directement son compte en banque, comme cela se fait pour les autres personnes qui résident en France, serait un minimum.
Une enquête sérieuse sur le financement iranien de la liste antisioniste de Dieudonné aurait déjà dû aboutir. Remplacez simplement « liste antisioniste » par mosquée ou association et Iran par un état ou une fondation d’un autre pays musulman, et vous vous rendez vite compte du « deux poids, deux mesures » politique et médiatique.

Si les responsables politiques et les comédiens n’étaient pas capables de mensonges, cela se saurait. Cependant, il y a aujourd’hui en France un besoin de croire. A défaut de vouloir changer le monde, les personnes qui habitent en France font tout pour ne pas subir un déclassement généré par la crise économique.

Dieudonné et Valls n’ont pas de solution à cette crise. Tous deux partagent le même point de vue : il n’y a pas assez de place pour tout le monde. Ils font aussi valoir que les personnes vivant sur le territoire français ne peuvent pas prétendre à l’égalité. Ils s’adressent au même public : celles et ceux qui possèdent déjà, et leur désignent des personnes à haïr afin de préserver une répartition inégalitaire des richesses.
Ils font du buzz pour détourner l’attention des vrais problèmes. Ils sont objectivement des partenaires en affaires. Dieudonné se goinfre en instrumentalisant de manière très lucrative le sentiment de révolte ; Valls capitalise en faisant rentrer dans le rang les contestataires craignant d’être taxés d’infamie.

Sur le terrain pourtant, loin des caméras et des gesticulations de Valls et de Dieudonné, le combat continue, pas pour assurer à bon compte la publicité de quelques personnalités mais pour des raisons légitimes et au nom de l’intérêt général.

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