Rompre avec la politique endogamique juive!

Esther Benbassa avait écrit au CRIF, Théo Klein, ex président de cette institution,lui avait répondu sur le site du même CRIF, mais ce dernier a refusé que la réponse d’Esther Benbassa soit publiée au même endroit.

Voir le dossier plus bas.

A vrai dire, cela ne nous étonne pas du tout et ici à Strasbourg, nous vivons depuis des semaines un véritable ostracisme de la part des dirigeants communautaires, quoique membre de cette Communauté israélite de Strasbourg.

Le dernier incident, mineur, mais qui relève d’un véritable harcèlement,dont on informa ici dans les jours qui viennent s’est déroulé mardi après-midi, au Club III, pendant la conférence sur la Police Judiciaire.

A peine le seuil du sas franchi à l’entrée du centre, j’ai été interpellé par deux jeunes de la sécurité, qui sont sortis de la loge.

Ils prétendaient vérifier le contenu de mes poches! J’ai refusé ce contrôle antijuif par des Juifs. L’un d’eux m’a demandé si j’avais un appareil photo? Est-ce la dernière arme de destruction massive à la mode? On sait bien que le judaïsme est iconophobe concernant toute représentation d’Hachem, mais de là à interdire les appareils photo, j’avoue ignorer ce commandement “divin”.

Avant d’entrer dans la salle de conférence, un besoin pressant mais humain m’a poussé vers les toilettes au fond d’un couloir; j’ai eu droit à l’escorte d’un de ces jeunes gens! Il s’est cependant arrêté à la porte. J’ai donc manœuvré la fermeture de ma braguette tout seul.

Je suis entré dans la salle sans bruit étant donné que la conférence avait commencé.

Quelques minutes après l’un des pandores en herbe a traversé la cour, entrouvert la porte de la salle et observé.

Un peu après l’autre jeune chiot de garde est entré aussi,restant près de la porte.

Puis un troisième gaillard, plus âgé leur a succédé. il est resté un long moment dans l’ouverture, scrutant dans la relative pénombre, due à l’usage d’un rétroprojecteur à la recherche d’un improbable ennemi des Juifs.

Enfin il a aperçu l’objet de sa quête éperdue, moi.

Il est entré dans la salle, s’est approché de ma chaise de plastique, s’est posté à ma gauche et m’a interpellé par mon nom, exigeant que je me rende illico dare-dare chez le directeur administratif…

Comme je lui faisais signe avec mon index devant la bouche qu’il dérangeait le conférencier, il insista, puis prétendit que j’étais malpoli(!) alors que je me contentais d’essayer de suivre l’orateur, tout en refusant l’invitation péremptoire.

Le cerbère repartit la queue basse.

Après les dernières questions et réponses, jugeant peu amicale l’ambiance à mon égard, et ne me voyant pas prendre comme si de rien n’était le kaffe-kuhre avec ces dames du comité ou le président qui l’an dernier déjà m’avait “interdit” par courrier de fréquenter le Club III, rappelons le, ouvert à tous, même les “goyim” selon les DNA, je me suis levé et suis parti, non sans avoir encore été rappelé à l’ordre par celui qui exigeait que je me ndisse chez le directeur administratif.

Au dehors, l’air était encore frais, mais le temps déjà printanier, et je respirai le bon air des Contades…

Et maintenant, la parole est à Esther Benbassa

Chers amis, collègues et lecteurs, La tribune sur le CRIF (“Le CRIF, vrai lobby et faux pouvoir “) que j’ai publiée le 17 février dernier dans Libération a suscité quelques remous. Le CRIF a publié sur son site une lettre que mon ami Théo Klein m’avait adressée en réaction à cette tribune. Vous trouverez ci-après: 1) le texte de cette lettre de Théo Klein; 2) ma réponse à Théo Klein. J’ai demandé au CRIF la publication de ma réponse sur son site web ainsi que sa diffusion auprès des abonnés de sa newsletter. Le CRIF vient de me signifier son refus. Cette attitude ne fait hélas que confirmer mon diagnostic. Vous souhaitant une bonne lecture, bien cordialement,
Esther Benbassa

La lettre de Théo Klein (19 février), telle que publiée sur le site du CRIF

Chère Esther Benbassa,

J’ai pris connaissance avec étonnement et regret des termes sulfureux de votre article sur le CRIF publié dans Libération, plus exactement sur son dîner annuel, dont d’ailleurs j’ai été l’initiateur en 1985.

Le déferlement de qualificatifs dérisoires et méprisants dont vous souhaitez balayer le dîner, l’institution et ses dirigeants n’apporte cependant en dehors de la manifestation de votre colère et de votre mépris aucune contribution, pas la moindre suggestion : votre balayage, vous le souhaitez total et définitif.

Vous parlez de communautarisme à ce groupe humain auquel vous avez longtemps appartenu et appartenez peut-être encore, dans la méconnaissance de l’esprit de la kehilah qui marque ce groupe sans doute depuis la Babylonie et certainement depuis la fin du deuxième Temple et de toute autorité juive sur la terre ancestrale.

Il y a bien longtemps que je déplore certains propos dans des discours de présidents du CRIF et que, d’ailleurs, je leur fais part de mes critiques.

Je n’assiste que rarement au dîner lui-même en manifestant cependant par ma présence au moment des discours de la permanence au sein de l’institution de femmes et d’hommes ouverts à d’autres idées que celles qui sont exprimées publiquement.

Nos juifs sont tels qu’ils sont et le problème est de savoir si nous restons avec eux pour les aider à sortir du ghetto dans lequel ils s’enferment au moindre vent mauvais ou si nous les abandonnons mais alors pour aller où ?

J’ai été inquiet et triste en vous lisant, car dans la voie où vous vous êtes lancée avec votre ardeur habituelle, vous risquez de vous retrouver bien seule et de ne plus être celle que vous étiez.

Bien cordialement vôtre.

Théo Klein

Ma réponse à Théo Klein (21 février)

Cher Théo Klein,

Dès réception de votre lettre, le 19 février, je vous ai appelé au téléphone pour, au nom de l’amitié et de l’estime que je vous porte, débattre directement avec vous. Ce que nous avons fait en toute cordialité. Vous m’avez annoncé que votre lettre serait publiée sur le site du CRIF. Maintenant qu’elle l’est, je me permets à mon tour de vous répondre publiquement.

Il me semble que vous avez focalisé votre attention sur le dîner dont vous avez été l’initiateur. Dois-je pourtant vous rappeler que lorsque vous étiez vous-même président du CRIF, ce dîner, porte ouverte aux échanges, avait une autre tonalité ?

De fait, le CRIF d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec le CRIF d’alors.

C’est un CRIF de repli, un CRIF dont les actes et les discours portent préjudice aux Juifs plutôt qu’ils ne les protègent, en entretenant le mythe d’une puissance juive omniprésente.

La droitisation de cet organisme est un fait patent. L’entrée de M. Gilles-William Goldnadel au sein de son comité directeur n’est pas due hasard. Je vous renvoie aux déclarations faites à ce sujet à la presse par M. Serge Hajdenberg, lui aussi ancien président du CRIF.

Dans ma tribune, c’est tout cela que je déplorais. Et si je l’ai écrit, c’est parce que je constate chaque jour un peu plus l’hostilité antijuive certes blâmable que le CRIF contribue à sa façon à nourrir, et ce plus encore depuis l’offensive israélienne contre Gaza et les déclarations faites alors par M. Richard Prasquier.

Dans votre missive, vous m’écrivez qu’il faut vivre avec les Juifs tels qu’ils sont. Je vous rappelle que, depuis 1790-1791, les Juifs français sont émancipés légalement et que rester membre de la « communauté » est désormais affaire de choix individuel. J’assume pour ma part pleinement ma judéité. C’est précisément pour cette raison que je critique le CRIF tel qu’il est.

Je m’octroie en outre le luxe de décider de vivre avec des Juifs qui sont pour l’existence d’Israël, mais sont aussi capables de le critiquer quand il le faut et ne rechignent pas à défendre la cause des Palestiniens. Bref, avec des Juifs dignes de l’humanisme et de l’universalisme auxquels, autrefois, on les identifiait. Le nombre ne fait pas la qualité, et si « isolée » je devais être, je préfère l’être avec ceux que j’ai choisis.

Je crois aux vertus du débat public, y compris s’agissant des questions « communautaires ». C’est précisément là ce que le CRIF rejette, ainsi qu’il l’a encore démontré en refusant à France Info, le 17 février, d’envoyer un de ses membres dialoguer publiquement avec moi sur les ondes, et en optant pour ce que j’appellerai la « guerre entre Juifs », comme dans le ghetto d’antan.

Vous me demandez quelle suggestion je puis faire.

Profitons de l’exemple nord-américain et de la naissance du mouvement J-Street qui, se distinguant des institutions juives existantes, cherche à promouvoir, concernant Israël, un autre discours juif, aussi bien auprès du Congrès que dans le pays.

Exigeons du CRIF qu’il devienne effectivement représentatif des Juifs de France, dans toute leur diversité, qu’il donne droit de cité en son sein à toutes les nuances de l’opinion juive (telles Une autre voix juive, l’Union juive française pour la paix, etc.), qu’il cesse de frapper d’illégitimité de principe telle ou telle d’entre elles, et de taxer de haine de soi ou de trahison les Juifs critiques de la politique israélienne.

C’est en rompant avec sa politique endogamique actuelle que le CRIF aura quelque chance de faire entendre une voix juive équilibrée et donc crédible.

Avec toute mon amitié.

Esther Benbassa