Entretien. Olivier Leberquier est délégué CGT à Fralib à Gémenos (13). Il nous parle de la victoire importante remportée par les salariés après plusieurs années de mobilisation.

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Peux-tu nous résumer les nouvelles de ces derniers jours et ce qui a été gagné ?
Après l’annulation de quatre PSE, Unilever a fini par céder sur plusieurs points importants : le transfert des installations administratives et industrielles du site à la Scop des salariés, pour l’euro symbolique ; le soutien financier au démarrage et au développement du plan alternatif des salariés en sécurisant les acquis obtenus et en ouvrant des perspectives sérieuses, notamment par diverses mesures contribuant au développement commercial (recherche de débouchés de production, construction d’une marque, renforcement de l’appareil commercial et administratif…) ; une contribution de 20 millions d’euros au fonds de roulement ; le financement d’une formation pour les salariés de la Scop ; la participation à la remise en état, au développement, à la modernisation et à la diversification de l’outil de travail ; le maintien des institutions représentatives du personnel pendant une période suffisante permettant la maîtrise du dossier jusqu’à la création officielle de la Scop ; l’obtention d’une prime substantielle de préjudice pour chaque salarié en lutte, venant s’ajouter aux indemnités légales.
C’est vraiment dans la dernière ligne droite que l’État a enfin agi pour que le conflit aboutisse, ce qui est à noter, surtout quand on voit ce qu’est la politique de ce gouvernement « de gauche ». Certains ministres d’aujourd’hui s’étaient engagés à réquisitionner la marque « Éléphant », ce qui n’a jamais été tenu. Précisons aussi qu’avec l’ANI mis en place par ce même gouvernement, notre lutte n’aurait pas pu exister et nous serions morts.

Quel sentiment après trois ans et demi de lutte ?
D’abord, une immense satisfaction, surtout dans le contexte général et après le dimanche noir qui a vu le FN arriver en tête aux élections européennes. Notre victoire est un peu un camouflet pour ce FN qui a été le seul parti à ne jamais dire un mot de soutien à notre lutte, alors que tous les autres partis, même avec une dose plus ou moins forte de mauvaise foi, ont fait un jour ou l’autre une déclaration de soutien.
Notre victoire est la preuve qu’il n’y a jamais de fatalité, même contre une grande multinationale. Unilever, c’est 53 milliards de chiffre d’affaire et 5 milliards de bénéfice net par an. C’est aussi deux milliards de produits vendus dans le monde. Notre lutte était celle du « pot de thé contre le pot de fer », et nous l’avons gagnée.

Au-delà de la victoire, que représente votre lutte ?
Notre combat pour la Scop, dans lequel nous entrons maintenant, n’est pas gagné d’avance. Le capitalisme est hélas toujours là, et on va être obligé de vivre dedans. Nous ne serons qu’une poche de résistance.
Mais nous avons rencontré beaucoup d’autres travailleurs en lutte comme les ex-Pilpa qui ont inauguré leur Scop, ou une petite entreprise de charpentes à Gardanne qui continue à fonctionner.

Et maintenant ?
Il est difficile de fixer une date précise de démarrage de la Scop. Nous allons d’abord liquider tout ce qui tourne autours du conflit, y compris les aspects individuels. 14 d’entre nous continueront à être payés par Unilever pendant 2 ans, en comptant le congé de reclassement. Mais nos 1 336 jours de lutte ont aussi permis à certains salariés, qui n’avaient pas les annuités pour partir à la retraite, de les gagner. À partir de maintenant, 50 à 60 ex-salariés d’Univeler entrent comme coopérateurs et vont se mettre au travail.
Nous allons pouvoir concrétiser les liens que nous avons noués avec des petits producteurs de thé et de plantes aromatiques, pour établir des rapports sur la base d’échanges équitables, et fabriquer des produits de meilleure qualité… sans avoir à rémunérer des actionnaires. Mais d’ici là, nous allons organiser une grande fête dans notre usine pour fêter la victoire avec toutes celles et tous ceux qui ont été à nos côtés sans répit depuis le début.

Quel message à celles et ceux qui luttent ?
Se dire toujours qu’il n’y a pas de fatalité, et que si la victoire n’est jamais acquise d’avance, seuls ceux qui ne luttent pas sont assurés de la défaite.

Propos recueillis par Jean-Marie Battini