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Le philosophe Michel Henry expliquait que le «fascisme (n’était) rien d’autre qu’une doctrine qui procède à l’abaissement de l’individu de façon que sa suppression apparaisse légitime». En abaissant l’individu ajusté comme étranger au corps national, l’Allemagne nazie s’offrait des victimes d’autant plus admissibles qu’elles avaient été dépouillées de tous les attributs visibles de la dignité humaine, selon les normes édictées par la clique alors au pouvoir. Dans les médias qui les stigmatisaient, rien n’était omis, de leur apparence vestimentaire à leurs affaires de mœurs. Rejetées dans l’ordre du monstrueux, leurs dissimilitudes soigneusement recensées construisaient la mesure d’un déficit d’humanité propre à autoriser leur persécution. On les abattait ensuite, plutôt qu’on ne les fusillait, tant ils ne ressemblaient en rien à l’idée que le pouvoir nazi avait fabriquée de l’allemand de souche –les allemands finirent, eux, par se travestir en allemands de souche pour se ressembler un peu… L’Allemagne nazie planifia sa méthode de façon à ce que la morale nationale n’en souffrît point : on commença par les minorités les plus fragiles, les plus visibles et donc les plus aisées à jeter en pâture avec leur style si éloigné de l’idée nationale du bavarois de souche. On était passé du vêtement et du mode de vie à la densité ontologique : ces individus attifés bizarrement n’étaient plus des êtres humains mais quelque chose comme le chaînon manquant, à mi chemin entre la bête et l’homme. Leurs corps, déshumanisés, pouvaient désormais être livrés à la violence de masse. En frappant sa victime physiquement, en la déformant, le bourreau nazi achevait sa transformation en bête. Leur humanité anéantie, ne restait plus que la vie à leur retirer. Le tout justifié par un discours politique imposant le recouvrement de tout le peuple allemand racialement disponible, dans sa corporéité même. Au nom du politique, on inspecta les aspects les plus intimes de la vie, refoulant le vivant de toute part. « Dès que le politique passe pour l’essentiel, le totalitarisme, conséquence de l’hypostase de celui-ci, menace tout régime concevable», affirme Michel Henry. Mais cet abaissement entraîne toujours la ruine de la société qui l’a produit.

Le sort réservé aujourd’hui aux minorités rroms en Europe rappelle cette stratégie nazie, qui déjà avait pris pour cible ces mêmes rroms. Les politiques ont abusé du racisme, ne cessant de l’instrumentaliser comme un outil de régulation politique destiné à faire le plein des voix électorales. Demain il deviendra un instrument de régulation sociale, triant les bons des mauvais citoyens, montant les populations les unes contre les autres dans une concurrence abjecte. L’UMP, le PS, le FN, ont abusé de ces éléments de langage propre à jeter en pâture les populations les plus fragiles pour cristalliser dans la production de cette figure du bouc émissaire la possibilité d’une réconcliation nationale… 

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