Et la France lui emboîtera le pas…

20 juillet 2014 par Michel Warschawski

palestine

Au cours des 45 dernieres annees j’ai participe a de tres nombreuses manifestations, de petits rassemblements faits de quelques irreductibles a des manifestations de masses ou nous etions plus de 100,000; des manifestations calmes, voire festives et des manifestations ou nous avions ete attaques par des groupes de droite voire par des passants. J’ai pris des coups, j’en ai rendus, et il m’est arrive, surtout quand j’avais des responsabilites, d’etre nerveux. Mais je ne me souviens pas avoir eu peur.

Mobilise – en fait détenu en prison militaire pour avoir refuse de rejoindre mon unité qui devait aller au Liban – je n’ai pas participe, en 1983, a la manifestation ou a été assassine Emile Grunzweig, par contre j’ai été responsable du service d’ordre de la manifestation qui un mois plus tard, traverse Jerusalem pour commemorer cet assassinat. Nous y avons connu l’hostilite et la brutalite des passants, mais la non plus je n’ai pas eu peur, conscient que cette hostilite d’une partie des passants ne depasserait pas une certaine ligne rouge, qui pourtant avait ete transgressee un mois plus tot.

Cette fois j’ai eu peur. Il y a quelques jours nous etions quelques centaines a manifester au centre ville de Jerusalem contre l’agression a Gaza, a l’appel des « Combattants pour la Paix », A une trentaine de metres de la, et separes par un impressionnant cordon de policiers, quelques dizaines de fascistes qui eructent leur haine ainsi que des slogans racistes. Nous sommes plusieurs centaines et eux que quelques dizaines et pourtant ils me font peur: lors de la dispersion, pourtant protégée par la police, je rentre chez moi en rasant les murs pour ne pas être identifie comme un de ces gauchistes qu’ils abhorrent.

De retour a la maison, j’essaie d’identifier cette peur qui nous travaille, car je suis loin d’etre seul a la ressentir. Je realise en fait qu’Israel 2014 n’est plus seulement un Etat colonial qui occupe et reprime les Palestiniens, mais aussi un Etat fasciste, avec un ennemi interieur contre lequel il y a de la haine. La violence coloniale est passe a un degre superieur, comme l’a montre l’assassinat de Muhammad Abou Khdeir, brule vif (sic) par 3 colons; a cette barbarie s’ajoute la haine envers ces Israeliens qui precisement refusent la haine envers l’autre.

Si pendant des generations, le sentiment d’un « nous » israeliens transcendait les debats politiques et – a part quelques rares exceptions, comme les assassinats d’Emile Grunzweig puis de Yitshak Rabin – empechaient que les divergences degenerent en violence meurtriere, nous sommes entres dans une periode nouvelle, un nouvel Israel. Cela ne s’est pas fait en un jour, et de meme que l’assassinat du Premier Ministre en 1995 a été precede d’une campagne de haine et de deligitimation menee en particulier par Benjamin Netanyahou, la violence actuelle est le resultat d’une fascisation du discours politique et des actes qu’il engendre: on ne compte plus le nombre de rassemblements de pacifistes et anti-colonialistes israeliens attaques par des nervis de droite.

Les militants ont de plus en plus peur et hesitent a s’exprimer ou a manifester, et qu’est-ce que le fascisme si ce n’est semer la terreur pour desarmer ceux qu’il considere comme illegitimes? Sur un arrière fond de racisme lâché et assumé, d’une nouvelle legislation discriminatoire envers la minorite palestinienne d’Israel , et d’un discours politique belliciste formate par l’ideologie du choc des civilisations, l’Etat hebreu est en train de sombrer dans le fascisme.

Michel Warschawski