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Par Peter Schwarz
14 février 2015

La trêve en Ukraine, conclue après une négociation de seize heures menée à Minsk par la chancelière allemande et les présidents russe, français et ukrainien, n’est qu’une pause dans l’escalade de la guerre. Malgré la rareté des précisions ayant filtré sur l’accord, les organes de presse occidentaux ont presque unanimement déclaré que son échec était inévitable – rejetant, comme toujours, la faute sur le président russe.

En réalité, l’accord de Minsk n’a eu lieu que parce que le régime de Kiev, arrivé au pouvoir l’année dernière grâce à un putsch appuyé par l’Occident, avait de toute urgence besoin d’un répit.

L’armée ukrainienne est affaiblie par les désertions et une série de défaites. De moins en moins de jeunes gens sont prêts à ouvrir le feu sur leurs compatriotes et à mourir pour un régime qui n’a que pauvreté et chômage à leur offrir. Les seules forces prêtes au combat sont les volontaires de l’extrême-droite que le régime de Kiev peine à contrôler.

Financièrement, l’Ukraine est en faillite. Sa production économique a chuté de 8 pour cent et ses réserves de change ont fondu à 6,6 milliards de dollars – à peine de quoi financer un mois d’importations. Immédiatement après la conclusion de l’accord, le Fonds monétaire International a promis un plan d’aide de 40 milliards de dollars au régime de Petro Porochenko qui risque d’imploser sous la pression d’une population appauvrie, lassée par la guerre d’une part et des forces de l’extrême-droite au sein de l’appareil d’Etat d’autre part.

En amont des pourparlers de Minsk, Washington avait fait tout son possible pour renforcer la position de Porochenko. On avait préconisé aux Etats-Unis la livraison d’armes et l’entrainement des soldats ukrainiens. Le président américain Barack Obama avait même téléphoné personnellement à Poutine et brandi la menace que les « le prix continuerait de monter pour la Russie » si elle poursuivait « ses avancées agressives en Ukraine. »

A Minsk, la délégation russe a fait d’importantes concessions – allant d’un « plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, » au transfert à Kiev du contrôle de la frontière russe. Selon les déclarations de Merkel et de Hollande, Poutine a aussi poussé les séparatistes à accepter l’accord. Quant à Porochenko, il a à plusieurs reprises menacé de répudier l’accord.

Ce qui se déroule actuellement n’est pas en premier lieu une question interne à l’Ukraine ni une confrontation entre Kiev et Moscou, mais un conflit géopolitique bien plus vaste.

Washington avait financé la Révolution orange de 2004 en Ukraine et soutenu le coup d’Etat contre le président ukrainien Viktor Ianoukovitch en 2014 dans le but d’isoler la Russie et de l’éliminer en tant que rivale. Pour Washington, il ne s’agit pas seulement de contrôler l’Ukraine, mais encore d’imposer sa suprématie au Moyen-Orient où Moscou soutient le gouvernement syrien contre Washington, tout comme en Extrême-Orient où s’annonce une alliance stratégique entre la Russie et la Chine.

C’est pour ces mêmes raisons que Washington attise actuellement la guerre en Ukraine. C’est le but des livraisons d’armes proposées. Celles-ci ne permettraient pas à Kiev de gagner la guerre mais d’engager la Russie dans « une longue et vaste guerre [qui] la rendrait plus vulnérable sur d’autres flancs, comme le Nord-Caucase et l’Asie centrale rebelles » ont dit des experts militaires au journal Financial Times. « Il n’y a tout simplement pas assez de soldats russes pour mener une guerre d’usure en Ukraine,» a dit l’un d’entre eux.

L’Allemagne avait soutenu le coup d’Etat de Kiev et le régime de Porochenko car cela correspondait à son objectif d’abandonner la politique de la ‘retenue militaire’ d’après-guerre et de jouer un rôle plus important dans la politique mondiale, comme l’avait annoncé au début de l’année dernière le président allemand Joachim Gauck. En intervenant activement en Ukraine, que les armées allemandes avaient occupée durant la Première et la Seconde Guerre mondiale, la classe dirigeante s’inscrit dans la continuité de sa traditionnelle politique d’expansion vers l’Est.

Dans un premier temps, Washington et Berlin avaient agi de concert. Ils avaient collaboré étroitement pour consolider l’opposition ukrainienne, planifier le coup d’Etat de février 2014 et renforcer le régime de Porochenko. Toutefois, les récentes et agressives pressions américaines pour une escalade militaire ont provoqué l’inquiétude à Berlin.

Si l’impérialisme allemand reste déterminé à intégrer l’Ukraine à l’Union européenne et à affaiblir la Russie par voie de sanctions économiques, il veut éviter une escalade de la guerre. Celle-ci aurait un impact dévastateur sur l’Allemagne et l’Europe tout entière qui entretiennent d’étroits liens économiques avec la Russie et dépendent d’elle pour leur approvisionnement énergétique. Une guerre durable déborderait inévitablement vers d’autres pays européens, produirait des vagues de réfugiés et déstabiliserait l’ensemble de l’Union européenne. C’est pourquoi Merkel et Hollande font campagne à Minsk en faveur d’un cessez-le-feu.

Lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, Merkel a été violemment critiquée par les responsables américains. Dans une chronique parue jeudi l’hebdomadaire Die Zeit s’était plaint: « L’impatience des Etats-Unis ne vise pas Poutine mais la chancelière Merkel. Quiconque n’accorde pas suffisamment de temps pour que la politique de sanctions de l’UE ait des effets fait le jeu du Kremlin. S’il doit y avoir une escalade, c’est celle des sanctions ! »

L’article conclut en disant, « Bien sûr, l’Occident ne doit pas être divisé. C’est la raison pour laquelle cette fois-ci, les Etats-Unis doivent s’incliner devant les dirigeants européens. »

Il est peu probable que Washington accède à cette requête.

Ce n’est pas un hasard si la Première Guerre mondiale a éclaté en 1914 dans les Balkans. La région est un carrefour où les intérêts des puissances impérialistes se recoupent et où elles ont finalement mené une guerre qui a duré quatre ans et coûta la vie à des millions de gens. De la même façon, la crise en Ukraine révèle des tensions et des contradictions qui risquent de plonger le monde pour la troisième fois dans un holocauste sanglant qui pourrait cette fois mettre fin à la civilisation.

La Russie est la victime et non pas l’auteur de l’agression impérialiste en Ukraine, mais le régime de Poutine est totalement incapable de contrer la menace de guerre qui en résulte. Issu de la dissolution de l’Union soviétique, il incarne les couches les plus réactionnaires de la société russe. En attisant le nationalisme et en lançant des menaces de représailles militaires, Moscou risque de déclencher une guerre nucléaire mondiale.

Ces récents événements confirment l’avertissement du Comité International de la Quatrième Internationale, fait en juillet dernier: « Le risque d’une nouvelle guerre mondiale vient des contradictions fondamentales du système capitaliste – entre le développement d’une économie mondialisée et la division de celle-ci en Etats-nations antagonistes et dans lesquels se trouve ancrée la propriété privée des moyens de production. »

La seule force sociale capable de contrer le danger d’une guerre est la classe ouvrière internationale. Elle doit être unifiée sur la base d’un programme socialiste et mobilisée pour le renversement du capitalisme, la cause première du militarisme et de la guerre. Tel est le programme pour lequel luttent le Comité International de la Quatrième Internationale et ses sections, les Partis de l’égalité socialiste.

(Article original paru le 13 janvier 2015)

http://www.wsws.org/fr/articles/2015/fev2015/pers-f14.shtml

Les Etats-Unis poussent à l’escalade militaire contre la Russie

Par Joseph Kishore
10 février 2015

Au moment où la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande préparent de nouveaux pourparlers avec la Russie et l’Ukraine demain mercredi sur la crise provoquée par la guerre en Ukraine, les Etats-Unis font monter la pression en faveur d’une action militaire.

Il y eut ces derniers jours toute une suite de déclarations belliqueuses de la part de responsables politiques et militaires américains, toutes fondées sur le mensonge que les Etats-Unis doivent agir rapidement pour contrer « l’agression russe » en Ukraine.

La suite : http://www.wsws.org/fr/articles/2015/fev2015/pers-f10.shtml

L’Europe au bord de la guerre

Par Alex Lantier
9 février 2015

L’information que Washington envisageait d’équiper le régime de Kiev soutenu par l’Occident d’armes lui permettant d’attaquer les séparatistes pro-russes dans l’est de l’Ukraine a fait du risque d’une guerre mondiale la question centrale de la vie politique européenne.

Le président François Hollande avait mis en garde contre le risque d’une « guerre totale » au début de la semaine dernière, avant de se rendre à Moscou pour des pourparlers avec la chancelière allemande Angela Merkel et le président russe Vladimir Poutine. Des commentaires repris vendredi 6 février par l’ancien premier ministre suédois, Carl Bildt.

« Une guerre avec la Russie est malheureusement concevable, » a dit celui-ci dans une interview au journal Frankfurter Allgemeine Zeitung à la Conférence de Munich sur la sécurité. « Nous traversons certainement une des phases historiques les plus dangereuses, » a dit Bildt, « surtout si l’on regarde la situation sous l’angle de la perspective européenne. Cela brûle à l’Est et cela brûle au Sud. L’incendie se rapproche de plus en plus. Ce qui rend la situation aussi explosive c’est la grande incertitude au niveau des rapports de pouvoir dans le monde. »

Le capitalisme mondial est confronté à une crise profonde, comparable à celles qui ont par deux fois au siècle dernier – en 1914 et en 1939 – précipité l’humanité dans une guerre mondiale. Des dizaines de millions de personnes furent massacrées dans ces guerres impérialistes qui sembleraient pourtant modérées comparé aux ravages causés par une troisième guerre mondiale entre puissances nucléaires.

Le risque d’une catastrophe nucléaire s’est précisé largement à l’insu de la population mondiale et dans le silence qu’ont gardé des médias complices. Le Frankfurter Allgemeine Zeitung n’a pas posé à Bildt cette question évidente: si le gouvernement suédois peut à présent concevoir une guerre avec une Russie disposant d’armes nucléaires, est-ce qu’il tient compte, quand il formule sa politique, du risque que des missiles nucléaires peuvent tomber sur Stockholm? Croit-il qu’il vaille la peine de risquer l’annihilation de la Suède pour défendre le régime d’extrême-droite de Kiev? Combien de millions de vie les puissances impérialistes sont-elles prêtes à sacrifier au froid calcul de leurs ambitions géopolitiques?

Si les gouvernements de l’OTAN ont signalé le caractère historique de la crise à laquelle ils sont confrontés, aucun d’entre eux n’a la moindre idée de comment la résoudre. Au lieu de cela, ils versent de l’huile sur le feu. Les puissances impérialistes se préparent à envoyer, dans le cadre de la troupe d’intervention rapide de l’OTAN, des dizaines de milliers de soldats dans les pays d’Europe de l’Est qui bordent la Russie, et ils déploient des navires de guerre en Mer noire.

Au moment où Merkel et Hollande se rencontraient pour des pourparlers de paix à Moscou, poussés apparemment par l’inquiétude devant les conséquences de livraisons d’armes américaines à Kiev, la ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, se réjouissait de la participation de l’Allemagne à la force d’intervention rapide dirigée contre la Russie.

« L’Allemagne n’est pas seulement une nation cadre et un déterminant clé de la nouvelle force fer de lance de l’OTAN, » a-t-elle déclaré, « nous contribuons aussi à mettre sur pied le Corps multinational Nord-Est ainsi que les bases que l’OTAN installe dans ses pays membres à l’Est et au Sud. » Elle a loué « l’engagement inlassable du gouvernement fédéral [allemand] pour un renforcement du rôle de l’OSCE [Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe] et pour garantir que l’UE adopte une position commune à l’égard de la Russie. »

Comme alternative possible aux propositions américaines d’armement direct de l’Ukraine, des voix font pression en Europe pour davantage de sanctions économiques, dont celle de couper la Russie du système de transaction bancaire SWIFT – un coup économique pouvant être considéré comme un acte de guerre.

Dans l’intervalle, les médias européens travaillent sans relâche pour empoisonner l’opinion publique, ils dénoncent le Kremlin comme étant l’agresseur et lui font porter la responsabilité de la crise ukrainienne.

Le 6 février, Le Monde a publié une tribune où il avertit que « l’histoire balance entre un conflit encore localisé, même s’il est meurtrier, et un affrontement plus large et plus inquiétant… un de ces enchaînement que l’Europe ne connaît que trop bien. » Le journal poursuit en rejetant catégoriquement la responsabilité de la crise sur Poutine. Il écrit : « au fond, tout ne dépend que d’un homme : Vladimir Poutine. Le président russe estime-t-il qu’il a suffisamment fait payer Kiev du crime de mésalliance avec l’UE ? Veut-il entrer dans un processus d’apaisement ? Ou continuer à entretenir la guerre ? »

Le conte de nourrice présenté par le Monde d’un « enchaînement » à un seul homme fait partie d’une diabolisation de la Russie fondée sur des mensonges absurdes. Ce qui alimente le danger de guerre sont les agissements irresponsables des puissances impérialistes, aiguillonnés par leurs ambitions hégémoniques et par la crise insoluble du système capitaliste.

Washington et les puissances européennes ont été secoués par la crise économique mondiale, par le déclin de leur importance au sein de l’économie mondiale et par la montée de l’opposition à la politique d’austérité au sein de la classe ouvrière. Terrifiés par ce que Bildt appelle l’« incertitude au niveau des rapports de pouvoir dans le monde, » ils ont cherché à renforcer leur position géopolitique en s’emparant de l’Ukraine – au moyen d’un putsch mené par des forces paramilitaires fascistes – et en portant un coup dévastateur à son voisin, la Russie, dans la perspective de transformer ce pays en semi-colonie.

L’année dernière, Washington et Berlin avaient pris la direction des pouvoirs de l’OTAN et soutenu un coup d’Etat à Kiev mené par des forces comme la milice fasciste de Secteur droit. Après avoir renversé le président pro-russe Viktor Ianoukovitch, ils ont installé au pouvoir un régime droitier qui imposa de brutales mesures d’austérité à la classe ouvrière et s’efforça de noyer dans le sang l’opposition dans les régions pro-russes de l’est de l’Ukraine.

Les puissances de l’OTAN se sont vite servies de la résistance armée au régime de Kiev dans l’Est ukrainien, en Crimée et au Donbass pour justifier un renforcement militaire en Europe de l’Est. Elles ont soutenu la guerre menée par le régime de Kiev au Donbass, qui a tué plus de 5.000 personnes et contraint des milliers d’autres à fuir leurs domiciles. Maintenant que le Kremlin a signalé son intention d’intervenir militairement pour arrêter une offensive plus générale contre le Donbass, les puissances de l’OTAN indiquent qu’elles sont prêtes à répondre par une guerre totale.

A la frénésie guerrière des puissances impérialistes, la classe ouvrière internationale doit opposer la stratégie de la révolution socialiste mondiale.

La menace de guerre est devenue un trait constant de la vie politique. On a assisté ces dernières années à une série d’alertes à la guerre – en septembre 2013 lorsque les Etats-Unis et la France avaient failli attaquer la Syrie; en 2014, lorsque qu’on menaça la Russie suite à la destruction en vol, toujours non éclaircie, de l’avion MH17 au-dessus de l’Ukraine et, actuellement, à propos de la guerre dans l’est de Ukraine. En l’absence d’une intervention de masse de la classe ouvrière dans une lutte contre l’impérialisme, l’une ou l’autre de ces crises déclenchera une guerre incontrôlable qui mettra en péril la survie de l’humanité.

Comme l’écrivait l’année dernière le Comité International de la Quatrième Internationale dans sa déclaration, Le socialisme et la lutte contre la guerre impérialiste :

« La collision des intérêts impérialistes et nationaux exprime l’impossibilité, sous le capitalisme, d’organiser une économie mondialement intégrée sur des fondements rationaux et ainsi d’assurer le développement harmonieux des forces productives. Cependant, les mêmes contradictions qui poussent l’impérialisme au bord du précipice fournissent l’impulsion objective pour une révolution sociale. La mondialisation de la production a entraîné une croissance massive de la classe ouvrière. Seule cette force sociale, qui ne doit d’allégeance à aucune nation, est capable de mettre fin au système d’exploitation qui est la cause première de la guerre. »

(Article original paru le 7 février 2015)

http://www.wsws.org/fr/articles/2015/fev2015/pers-f09.shtml