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Florian Borg, président du Syndicat des avocats de France (SAF) dénonce le projet de loi sur le renseignement, examiné à partir de demain à l’Assemblée. De concert avec l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN), il appelle à participer à un rassemblement lundi 13 avril, à 12h30, place Edouard Henriot à Paris.

En quoi les mouvements politiques et sociaux risquent eux aussi de faire les frais du projet de loi sur le renseignement ?

Florian Borg : Il est effarant de voir la gauche gouvernementale mettre en danger les mouvements sociaux et politiques qu’elle est censée protéger. La loi va mettre de nombreux militants progressistes dans le viseur. Au prétexte de la « prévention des violences collectives », les services secrets pourront surveiller tous ceux qui voudraient « porter atteintes aux intérêts économiques ou industriels essentiels de la France ». Ainsi, à titre d’exemple, un militant s’intéressant de trop près la centrale nucléaire de Flamanville est susceptible d’être espionné…

>>> Lire notre décryptage de la loi : Le gouvernement légalise la surveillance de masse

Vous pointez le manque de contrôle des services secrets alors que, justement, la loi entend remettre leurs activités dans le cadre légal…

Florian Borg : Le projet de loi légalise des pratiques illégales et intrusives des services secrets. Ce qui ne signifie pas que ces pratiques deviennent acceptables. Ce texte va accentuer un déséquilibre déjà liberticide : l’usage des moyens de surveillance est entre les mains de l’exécutif, sans contre-pouvoir et sans contrôle solide et indépendant. La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignements, au rôle strictement consultatif, n’est en aucun cas garante de nos libertés. Elle n’a pas le pouvoir d’interdire quoi que ce soit et le Premier ministre pourra toujours passer outre son avis. Toutes les procédures judiciaires fondamentales vont céder le pas devant le secret défense.

Pourquoi contestez-vous le fait que le texte passe en procédure accélérée ?

Florian Borg : En faisant le choix de la procédure accélérée, le gouvernement confisque la discussion démocratique, au profit d’un simulacre de débat. Pire encore, il entretient la confusion sur l’objet de ce texte, présenté à tort comme une loi antiterroriste, dans la foulée des attentats de janvier. Ce texte entend légaliser l’espionnage de masse et, en tant que tel, il doit faire l’objet d’un débat sur les dérives de la société de surveillance.

Lire aussi :

 

http://www.humanite.fr/la-loi-sur-le-renseignement-est-dangereuse-pour-tout-les-militants-570982#xtor=RSS-1

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Communiqué de presse de l’observatoire des libertés et du numérique

Loi renseignement : Tous surveillés !

Présentant le projet de loi relatif au renseignement adopté en Conseil des ministres ce 19 mars 2015, le Premier ministre a fièrement assuré qu’il contenait « des moyens d’action légaux mais pas de moyens d’exception ni de surveillance généralisée des citoyens » !

Certes, ce projet légalise des procédés d’investigation jusqu’à présent occultes. Mais pour le reste, les assurances données quant au respect des libertés relèvent d’une rhétorique incantatoire et fallacieuse. Et, prétendant que ce projet de loi fait l’objet d’un large consensus, le gouvernement soumet l’examen du projet en procédure accélérée, confisquant ainsi le débat parlementaire.

« Pas de moyens d’exception » : sonoriser des espaces privés, capter des images, accéder en temps réel aux données de connexion Internet ou installer des dispositifs de recueil des communications couvrant de larges périmètres de l’espace public, suivant la technique du chalutier jetant son filet pour faire le tri ensuite : voilà donc des dispositifs qui ne constituent pas « des moyens d’exception » ! Faudrait-il donc admettre qu’ils relèveront dorénavant du quotidien le plus banal ?

« Pas de surveillance généralisée des citoyens » : au prétexte de la lutte légitime contre le terrorisme, le projet déborde largement hors de ce cadre. Il prévoit que les pouvoirs spéciaux de renseignement pourront être mis en œuvre pour assurer, notamment, « la prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ». Au nom de la lutte contre le terrorisme, ce sont donc aussi les mouvements de contestation sociale qui pourront faire l’objet de cette surveillance accrue. L’ensemble des citoyens constituera ainsi la cible potentielle du contrôle, à rebours de ce qui est affirmé.

Plus grave, tout le dispositif est placé entre les mains de l’exécutif évitant le contrôle par le juge judiciaire de mesures pourtant gravement attentatoires aux libertés individuelles qu’il est constitutionnellement chargé de protéger.

La vérification du respect des critères, particulièrement flous, de mise en œuvre de ces pouvoirs d’investigation exorbitants, est confiée à une commission qui fonctionne selon une logique inversée : pour les autoriser, un seul membre de la commission suffit, sauf en cas d’urgence, où l’on s’en passe. Mais pour recommander d’y renoncer, la majorité absolue des membres de la commission doit se prononcer, l’exécutif demeurant en dernier ressort libre d’autoriser la mesure. Et si la commission ne dit mot, elle consent. L’atteinte à la liberté devient ainsi la règle, la protection l’exception.
Ce n’est qu’a posteriori, et seulement si le filtre de la commission est passé, que des recours juridictionnels pourront être formés, exclusivement devant le Conseil d’Etat. Et, secret défense oblige, ils seront instruits sans respect du contradictoire. Ils resteront illusoires quoiqu’il en soit, puisque par définition, le plaignant doit être dans l’ignorance des mesures de surveillance qui peuvent le concerner.

Enfin, vice majeur du dispositif, aucune limite n’est fixée pour déterminer à quel moment et selon quels critères le régime du renseignement relevant d’une police administrative d’exception doit laisser place à une enquête judiciaire de droit commun, avec les garanties qu’elle comporte pour ceux qui en font l’objet. Le juge judiciaire pourrait donc continuer ainsi de rester à l’écart d’investigations portant sur des délits ou des crimes dont l’élucidation relève pourtant de sa mission.

Ce projet de loi installe un dispositif pérenne de contrôle occulte des citoyens dont il confie au pouvoir exécutif un usage quasi illimité. Il est à ce titre inacceptable. Seul un véritable contrôle a priori de techniques de renseignement proportionnées et visant un objectif strictement défini relevant de la sécurité nationale, restera respectueux des droits fondamentaux.

L’Observatoire des libertés et du numérique appelle les citoyens et les parlementaires à se mobiliser pour conduire ce projet vers sa seule finalité légitime : mettre les dispositifs d’encadrement de la surveillance et du renseignement en adéquation avec les exigences de l’Etat de droit.

Organisations membres de l’OLN : Cecil, Creis-Terminal, LDH, Quadrature du Net, Saf, SM.

Contacts presse
Syndicat de la Magistrature (SM) : 01 48 80 47 88 Laurence Blisson, SM : 06 75 42 47 06 Feriel Saadni, service communication LDH : 01 56 55 51 08 contact-oln@ldh-france.org

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