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On vous écrit de Gaza

Lundi 23 mai

Pas de mauvaises surprises pour rentrer à Gaza. Le plus difficile est d’obtenir l’autorisation.

En arrivant d’Ashkélon, le mur apparaît d’un coup avec les miradors.

Puis c’est le poste frontière israélien où les choses sont simples quand on a obtenu, suite à une “demande de coordination” sollicitée par le consulat de France à Jérusalem, la fameuse autorisation. On sort de la zone israélienne par une porte blindée.

De l’autre côté, sur plusieurs centaines de mètres, les Israéliens ont interdit les cultures. On avance à pied dans un très long couloir totalement grillagé (entouré de terrains vagues) jusqu’au poste tenu par l’Autorité Palestinienne suivi de celui tenu par le gouvernement de Gaza. Là il fallait avoir une autorisation sollicitée par une association “crédible” de Gaza (en l’occurrence le PCHR ou l’UAWC). Le papier d’autorisation sera notre sésame en cas de contrôle (peu probable).

Notre ami et partenaire est là.

La première vision de Gaza, c’est qu’il y a eu des reconstructions importantes mais partielles. Et c’est essentiellement tout ce qui permet à l’économie de fonctionner qui a été pulvérisé en premier pendant “Bordure Protectrice” en 2014 : les champs, les puits, la centrale électrique, le traitement des eaux, les petites entreprises, les ateliers, les hangars. Mais pas seulement : maisons, appartements, hôpitaux et écoles ont payé un lourd tribu. Dans Gaza, notre ami s’amuse devant une très grande place remise en herbe : “c’était une prison tenue par les Turcs, puis les Britanniques, puis par les Israéliens, puis par l’Autorité Palestinienne, puis par le Hamas. Les Israéliens ont donné un temps très bref pour l’évacuation de cette prison avant de la détruire”. Pris de court, le gouvernement de Gaza a dû libérer les prisonniers. Notre ami rit en pensant que cette prison n’existe plus.

Nous sommes hébergés de façon extrêmement confortable dans un bel appartement au loyer inaccessible pour la grande majorité des Gazaouis. C’est une obligation exigée par la “Sécurité” de Gaza. Là, nous subirons peu les coupures de courant puisque une ampoule et deux prises sont alimentées par un groupe électrogène. Qui possède ces immeubles sur le front de mer ? Eh bien, la société de Gaza n’est pas égalitaire et, au milieu d’une grande majorité de très pauvres, il y a des riches et même des très riches avec des villas cossues. Pour notre ami, la plupart des fortunes se sont constituées dans la collaboration avec un occupant, l’appui d’un puissant ou le trafic (les tunnels quand ils existaient).

L’UAWC (Union des comités de travail agricole).

Son dirigeant Mohamed al Bakri (qui a fait de nombreuses conférences en Europe) a demandé et obtenu notre autorisation d’entrer à Gaza.

Il nous parle d’abord du blocus. L’an dernier, il y a eu en tout et pour tout 4 jours d’ouverture de la frontière de Rafah (avec l’Égypte).

Du côté Erez où nous avons vu très peu de monde (surtout des malades), les “gens simples” n’obtiennent plus d’autorisation. 3000 personnes qui avaient une autorisation régulière de passer l’ont perdue depuis janvier. Ceux qui passent sont souvent les malades hospitalisés à Beersheva ou Jérusalem.

Le blocus ne concerne pas que les gens mais aussi les matériaux. Le seul ciment qui passe est celui de l’ONU. Les moteurs de bâteaux ou les engrais pour les paysans ne passent pas.

Pour l’électricité, c’est une alternance 8 heures avec, 8 heures sans dans les bons cas. Parfois c’est 6 heures avec, 12 heures sans. Cela cause des problèmes aux industries et aux agriculteurs. Mais aussi aux hôpitaux quand c’est doublé par une pénurie de fuel. Cette pénurie augmente les coûts de production.

Pour la santé le principal problème est la pénurie de médicaments, surtout dans le domaine de la cancérologie.

Les frontières étant presque toujours fermées, les exportations sont limitées et aléatoires selon le bon vouloir de l’occupant, ce qui condamne une partie de l’activité économique.

Il manque à Gaza des décisions politiques. Par exemple, que faut-il planter dans la zone qui jouxte la barrière ? La Croix Rouge a aidé les paysans à réhabiliter les zones dévastées par les chars israéliens mais elle ne les protège pas contre les agressions qui continuent.

Le sort des pêcheurs reste tragique. Ils sont entre 3500 et 4000. Ils ont obtenu l’autorisation de pêcher sur 9 milles au sud et 6 au nord. Mais il y a très peu de poissons dans cette zone côtière. Tous les jours, les Israéliens attaquent des pêcheurs, confisquent des bateaux, tirent. En cas de confiscation du bateau (sur Ashdod), le pêcheur peut être vite relâché mais le bateau qui le fait vivre n’est parfois rendu que des mois après. Le poisson, nourriture traditionnelle, devenue trop rare est très cher et inaccessible pour beaucoup.

Le territoire de Gaza est surpeuplé (2 millions d’habitants sur 360 Km2). Le taux d’accroissement de la population est de 3,9% par an.

On manque d’éducation, de matériel de construction, mais surtout d’eau. L’aquifère produit naturellement 110 millions de m3 d’eau par an et le territoire en consomme 185 millions. Alors la mer remplit ce qui disparaît et l’eau devient inconsommable car salée.

La pauvreté et le chômage ont plein de conséquences : une augmentation très nette des mariages précoces, des divorces, des accidents domestiques, des vols et de l’insécurité.

On assiste à une perte d’espoir dans la jeunesse : tous les ans, 21000 étudiants sortent de l’université avec de hautes qualifications mais il n’y a pas de travail pour 95% d’entre eux.

Il y a un manque d’argent pour créer des affaires. Le manque d’espoir explique les abandons d’étude, l’apparition de boat people venus de Gaza ou l’augmentation des suicides.

Les femmes sont davantage victimes de cette dégradation. Des maladies comme les cancers du sein ou les troubles mentaux se développent et sont directement liées à la situation.

La pauvreté fait que la population se nourrit de produits de très basse qualité parce que la nourriture saine est trop chère. Parfois en cas de coupure de courant, la nourriture avariée par le manque de froid est quand même consommée.

Les gens ne savent plus de quoi demain sera fait. Comment faire des projets utiles ?

L’UAWC essaie de proposer des solutions : accès à la terre, à l’eau, résilience.

Elle donne des filets aux pêcheurs, du matériel aux agriculteurs.

Elle fait des études sur l’utilisation des eaux usées, la culture sous serre ou hors sol (pour économiser l’eau). Dans le domaine des fraises (qui est historiquement une spécialité de Gaza), les résultats sont excellents.

Chronique (2)
http://www.ujfp.org/spip.php?article4934

 

On vous écrit de Gaza

Mercredi 25 mai

On suit la route du bord de mer. La plage est très belle. Il y a des gargotes, des pêcheurs. On traverse le camp de Deir al Balah. On longe l’ancienne colonie de Gouch Katif et sa palmeraie et on oblique vers l’est.

Rencontre avec le maire de Khuza’a, gros bourg agricole de 15000 habitants dans la zone tampon qui jouxte la “barrière de sécurité”. Le maire commence par quelques généralités sur l’amitié avec la France. Il explique : “nous n’avons rien contre les Juifs, nous avons vécu avec eux, nous respectons leur histoire. Nous reconnaissons Moïse ou Jésus comme prophètes. Notre religion appelle au respect de toutes les autres.

Mais nous haïssons le sionisme. Nous savons combien les Européens ont souffert pendant la deuxième guerre mondiale. Nous avons appris de l’Europe et notamment de la France à lutter pour la liberté”.

Il évite toute confusion : “on veut la paix et la liberté, on veut la paix avec les Juifs, on a le droit de se défendre”.

Il exprime sa satisfaction que des internationaux viennent à Gaza : “vous devez témoigner de nos souffrances et être nos avocats”.

On en arrive à la description de ce que Khuza’a a subi pendant l’opération “bordure protectrice” en 2014. “Khuza’a touche Israël, on est voisin, on ne leur fait aucun mal mais ils nous haïssent. Dans cette guerre, personne n’a gagné, tout le monde a perdu”.

“Ils ont bouclé Khuza’a de tous les côtés. Ils ont imaginé qu’il y avait des tunnels partant de Khuza’a. Ils n’en ont trouvé aucun. L’armée israélienne ne pouvait pas rentrer à Gaza ou à Beit Hanoun à cause de la résistance armée. Comme chez nous, il n’y avait ni résistance armée, ni combattants, ils ont voulu prouver qu’ils pouvaient occuper. Notre village leur a servi d’entrainement. En fait, les seuls “tunnels” qu’ils ont trouvés étaient des caves où on stockait le blé et les légumes.”

“Je suis un maire, je n’appartiens à aucun parti politique. Nous n’avons tué personne à la frontière, nous ne faisons que nous défendre. Ils nous haïssent parce que nous sommes palestiniens.”

“L’occupant a détruit totalement 395 maisons, en a rendu 600 inhabitables, en a endommagé moins gravement 300. Ils sont rentrés dans toutes les maisons, le village a été fermé pendant 22 jours. Ils ont amené de nouveaux soldats pour leur montrer comment on fait la guerre contre les civils. Ils ont tué 92 “gens ordinaires”, dont deux enfants, des vieillards, un handicapé sur sa chaise roulante. Parmi les morts, un franco-palestinien de 70 ans qui a montré vainement son passeport français . La clinique a été pulvérisée. Elle nous manque cruellement, on essaie d’installer quelques soins dans le bâtiment de la mairie”.

Il nous pose la question : “pourquoi ? C’est notre vie ici, nous n’avons aucun refuge, aucun endroit où aller.”

“Personne ne veut être tué. On veut la paix, on veut mourir dans notre lit. Depuis 70 ans, Israël fait des expériences sur nous. Nous proposons d’expérimenter 7 ans de paix et de faire le bilan”.

Le maire lance un appel à l’aide pour la reconstruction de la clinique.

À la question “êtes-vous optimiste?”, il répond avec humour “comment être pessimiste quand des gens comme vous viennent jusqu’ici ?”

Notre ami (qui est un farouche défenseur de la solution à un État) lui pose la question. “Je me fous de savoir qui nous contrôle. Donnez-moi la liberté, je me moque du reste. Si tu m’aimes, j’irai dans ta maison. On espère un État, un État d’amour. On ne choisit pas l’endroit où on naît. Je veux être libre de travailler.”

Là, le maire lance un autre appel. Il veut des invitations pour pouvoir venir témoigner en Europe. Il est intéressé par l’idée que nous avons soulevée d’un jumelage avec une commune française.

“L’éthique n’a pas de religion, nous sommes tous des humains”.

Il a rencontré par hasard une Israélienne de l’association des femmes pour la paix dont le fils a été tué à Gaza. Il lui a dit “vous avez perdu votre fils, je pourrais perdre les miens”. Il se demande si les femmes pourront faire la paix quand les hommes font la guerre.

Sur le “vivre ensemble”, il déclare “je pourrais être voisin avec un Israélien, il doit être pour la paix”. Il rappelle que Mahomet a vécu avec les Juifs. Il rappelle qu’avant l’occupation, les Palestiniens ont vécu avec les Juifs. Et il se demande si les sionistes sont vraiment juifs.

Nous faisons un court passage à l’hôpital européen (au sud de la bande de Gaza) où la cousine de notre ami est hospitalisée à la suite d’un AVC et d’un long coma. L’hôpital est propre et bien tenu. La malade est dans une chambre individuelle. Mais pour un cas aussi grave, la famille n’a pas confiance dans certains médecins hospitaliers et songe à un transfert, éventuellement en Israël. Dans ce cas, c’est l’Autorité palestinienne qui aura à donner l’autorisation et qui paiera si elle la donne

Nous sommes reçus par Salim Abou Hatan, de la direction du comité populaire du camp de Khan Younes, un des principaux camps de réfugiés de la bande de Gaza et par Ehsan Abu Abida, responsable de l’association des femmes. Salim a passé trois ans dans les prisons israéliennes alors qu’il n’était pas combattant. Ce camp a une coopération ancienne avec l’association Évry-Palestine et dans la salle où nous sommes reçus, il y a un beau papier datant de 2006 établissant cette coopération, signé entre autre par Hind Khoury (représentante de la Palestine en France à l’époque) et par Manuel Valls, maire d’ Évry à l’époque. Approuve-t-il toujours ce qu’il a signé ? Évry-Palestine a financé la ludothèque du camp.

Après des salutations et un hommage au peuple français, Salim exprime son espoir que, qu’ils soient organisés ou pas, des internationaux viennent à Gaza de manière à pouvoir ressentir combien la situation est injuste. À l’occasion de la commémoration de la Nakba, le comité a organisé de nombreux événements pour essayer de créer des liens de mémoire entre l’ancienne génération et la nouvelle afin que la nouvelle soit consciente. Les enfants avaient un message simple : “s’il vous plaît, soyez juste avec nous”.

Après que nous nous soyons présentés, la discussion devient plus politique.

— “Que pouvons-nous faire ? Nous n’avons pas fait de faute. Tous nos sacrifices, ce n’est pas suffisant ? Ce n’est pas juste. Nous avons besoin de dire “ça suffit”. Les Israéliens doivent-ils nous éradiquer ?”

— “Nous n’avons pas besoin d’aide, nous ne sommes pas des mendiants, nous avons nos droits dont celui d’avoir un État”.

— Une discussion très contradictoire s’engage sur la question un État, deux États. D’une manière assez différente avec ce débat en France, cette question recouvre l’interrogation : “est-il possible de vivre avec son ancien colonisateur ou pas ?” Ceux qui répondent non en disant “ils nous ont fait trop de mal, criminels et victimes ne peuvent pas être égaux” sont pour deux États. Ils sont alors confrontés à la question du droit au retour des réfugiés, question incontournable dans un camp : retourner dans le village d’origine semble contradictoire à l’idée d’une Palestine limitée à la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est. Ceux qui sont pour un État insistent sur le fait que les Palestiniens ont toujours vécu avec des Chrétiens ou des Juifs.

Dans la discussion est évoquée l’idée d’indemniser les réfugiés qui ne rentreront pas. L’indemnisation proposée paraît dérisoire à nos interlocuteurs car elle ne permet pas de reconstruire une vie. Ils lui opposent les indemnités que l’Allemagne a versé et continue de verser aux Juifs victimes du nazisme.

Puis Ehsan nous propose avec un power point un résumé d’un an d’activité. La densité et la diversité des activités sont impressionnantes, allant d’ateliers de formation au leadership à des journées poésie, des sorties d’enfants à l’exposition de centaines de photos anciennes sur la Nakba. En liaison avec le comité populaire, une lutte importante a dû être menée contre les décisions de l’UNRWA visant à diminuer de façon drastique les services rendus : l’UNRWA veut faire passer les effectifs maximums en classe de 36 à 55 élèves et remplacer progressivement l’aide en nature versée aux réfugiés par une carte électronique. Nos interlocuteurs pensent que cette carte sera sélective et rendra opaque leurs droits en tant que réfugiés. La lutte a permis la suspension pour cette année des deux mesures.

Une récente initiative du groupe jeunesse concerne la promotion de la lecture. Avec le slogan “les lecteurs ne volent pas, les voleurs ne lisent pas”, le groupe veut collecter un million de livres dans la bande de Gaza et les mettre à disposition pour une lecture gratuite ou un échange avec un autre livre. Ils ont un site

https://www.facebook.com/mahacultural

On vous écrit de Gaza

Samedi 28 mai après midi (7)

Les structures traditionnelles de la société tiennent bon. Par exemple les très grandes familles (au sens large) sont représentées par un mokhtar élu en leur sein : un homme disposant souvent de biens (mais pas toujours) et respecté pour sa droiture. C’est à la fois un juge de paix et le défenseur des droits de la famille. Ainsi Abou Jamal a été élu mokhtar d’une communauté de 6000 personnes parmi 6 candidats.

À notre grande surprise, il y a dans la bande de Gaza 5 mokhtaras. Nous avons rencontré à Abassam une femme mokhtar qui s’appelle Sumaya al Hanafi. Investie en 2010, c’est la première femme mokhtar de toute la Palestine.

Elle pratiquait déjà la résolution des conflits. Elle a pu d’autre part suivre une formation au leadership faite par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement). Elle en a conclu : “pourquoi n’y aurait-il pas de femme mokhtar dans la Bande de Gaza ?”

Il n’a pas été facile de faire accepter cette idée par les hommes mais elle a eu le soutien de sa famille et maintenant de nombreux mokhtars travaillent avec elle. Il lui manque encore la reconnaissance pleine du statut de mokhtar qui se traduit par la possession d’un sceau personnel. Elle est sûre de l’avoir un jour.

Elle intervient dans la prison des femmes et, parce qu’elle peut rentrer librement dans les maisons, elle peut résoudre des problèmes auxquels un mokhtar comme Abou Jamal n’a pas accès. Et réciproquement. Elle détaille devant nous des exemples.

— Convaincre un veuf remarié que sa nouvelle épouse a droit à avoir un enfant.

— Une affaire de mariage forcé. La mokhtara va découvrir que cela cache une affaire d’inceste.

Une discussion s’engage à propos de l’état de la loi. Le fait qu’en cas de divorce, le garçon soit gardé par sa mère jusqu’à ses 7 ans et la fille jusqu’à ses 12 ans est-elle une preuve de reconnaissance de la place des femmes et de leur rôle de mère ou au contraire les prive-t-elle du droit d’élever leurs enfants adolescents ?

La guerre de 2014 reste gravée dans sa mémoire comme l’horreur absolue. Abou Jamal intervient alors : “j’ai 60 ans et je préfère aller en prison plutôt que de revivre ce que nous avons vécu quand nous nous sommes réfugiés dans l’école”. La mokhtara détaille les conséquences dramatiques pour les familles et les individus qui se font sentir encore deux ans plus tard.

La mokhtara est bénévole, elle demande à ce qu’on aide l’association (Alsadaka) qui lui ouvre ses locaux à Abassam. Elle rappelle que tous les bénévoles paient pour leur propre travail.

Depuis les 10 ans qu’elle assure cette charge, elle a vu les femmes devenir plus fortes, affirmer leurs opinions, mieux se défendre et défendre leurs enfants : “le futur sera meilleur”.

Soutenez la première mokhtara en Palestine !

Tout le monde connaît dans la bande de Gaza la Doctora Mariam. Elle a participé à la lutte armée aux côtés de Leila Khaled. Elle est aujourd’hui membre de la direction du FPLP.

“Le monde vit une période très dangereuse comme avant la deuxième guerre mondiale. Des tendances fascisantes, une montée du racisme, le tout dans un cadre de technologies infiniment plus puissantes et d’un rôle dominant des médias.”

“Les gens ordinaires doivent avoir peur. Tout le monde instrumentalise les Palestiniens. L’occident a installé Israël au Proche-Orient pour détruire les pays arabes. Ce pays grandit chaque jour pour réaliser son rêve d’aller du Nil à l’Euphrate”.

“Les gens ordinaires se sont révoltés avec le printemps arabe. Qu’est-ce qui s’en est suivi ? L’arrivée des islamistes comme les Américains le voulaient. Américains, Israéliens et Européens veulent que les Palestiniens paient la crise actuelle par le sang. Gaza est une prison sans avenir, sans espoir et sans travail. C’est le seul endroit où, quand on veut partir, on ne sait pas quand ce sera possible et quand on reviendra.

Les pénuries sont incessantes. Un jour, il y a du pain, un jour il n’y en a pas. Un malade peut mourir faute de médicaments ou de médecins. C’est comme si la Palestine était en dehors de toute règle, en dehors de l’humanité.

“Il est urgent d’en finir avec la désunion palestinienne. Sans union, nous sommes impuissants.” Il faut aider la gauche. Nous avons besoin de soutien, y compris financier. Il y a besoin de projets pour soutenir les femmes, les jeunes, les étudiants, la médecine et les groupes universitaires qui, contre le discours d’Israël, racontent ce qu’est notre histoire. Il faut combattre le blocus de Gaza et soutenir le BDS. Toutes les organisations palestiniennes sont au côté du BDS.

Il y a des manifestations hebdomadaires de femmes contre la désunion palestinienne.

On essaie de réunifier la gauche palestinienne mais ça prend du temps. S’il y a union, bon nombre de dirigeants perdront leur titre et, en bons bourgeois, ils renâclent. En pays occupé, cette première place ne signifie rien : “Abou Mazen ne peut pas aller aux toilettes sans l’autorisation d’Israël”.

Doctora Mariam considère Liberman comme un aventurier que Nétanyahou utilise comme une marionnette. La possibilité d’une nouvelle attaque israélienne n’est pas spécifiquement liée à cet homme. On constate quand même que les drones qui avaient disparu depuis 6 mois sont revenus.

“Nous sommes contre la solution à deux États. La Palestine, c’est la Palestine. Nous sommes contre Oslo. Nous l’avons combattu. Nous avons essayé d’infliger une défaite aux dirigeants de l’OLP mais nous avons échoué”. Nous avons alors dit : “OK, essayons”.

On a décidé de rentrer à Gaza. Mais 20 ans après Oslo, nous avons perdu tellement de territoire! Oslo c’était un piège avec un appât pour nous faire rentrer dans la cage. Et maintenant, on a perdu tellement de temps et tellement d’autres choses et on a récolté la division. Le pouvoir est un piège. Il faut procéder à de nouvelles élections.

On doit construire une Palestine pour tout le monde. Quand la Palestine sera libre, il sera temps de choisir avec quel système économique et social elle veut vivre.

Tous les partis ont changé, y compris le FPLP. L’importance de ce parti, c’est la qualité de ses militants. Nos dirigeants ont été assassinés ou sont en prison. L’Amérique, Israël, l’Europe, l’Autorité Palestinienne et le Hamas nous combattent.

Le FPLP n’a rien contre les Juifs. On peut vivre ensemble dans un même pays démocratique sous le drapeau palestinien. Mais Israël refuse la solution “un État pour deux peuples.”

On peut accepter la solution du retour aux frontières d’avant 1967 mais comme étape. Il faudra continuer. Doctora Mariam combat l’instrumentalisation de la religion dans cette guerre : “autrefois on ne demandait pas aux gens leur religion : nous sommes tous palestiniens”.

On parle toujours de la peur des Israéliens. “Ils ont peur parce qu’ils ont volé”. On regrette toujours qu’il n’y ait pas eu de caméra au moment de la Nakba. Aujourd’hui il y en a mais les gens ferment les yeux. Voyez le bruit qu’a fait l’attentat en France. Ces attentats sont quotidiens en Palestine. Qui dans le monde vit dans les mêmes conditions que nous ?

Quand on dit que les Juifs ont droit de se défendre, ça ne correspond à rien. Quand ils sont arrivés fuyant Hitler, on a ouvert nos maisons et ils nous ont mis dehors.

Nous passons la soirée chez un jeune couple hispano-palestinien. Parlant de la place des femmes, l’homme met l’accent sur la permanence du système patriarcal qui est un grand frein à la libération individuelle et qui pose un vrai problème pour le projet national.

On met en avant leur rôle dans la société civile. Il y a 60% de femmes dans la base sociale du Hamas mais vous n’en trouverez quasiment pas dans les échelons de la hiérarchie. Le FPLP met en avant Leila Khaled ou Doctora Mariam mais il n’y a pas plus de 5 ou 6 noms. Idem au Fatah.

Même dans les organisations de gauche, on veillera à ce que les femmes rentrent avant 14 h plutôt que de lutter contre les stéréotypes.

Tous les comités créés par Yasser Arafat au moment de la conférence de Madrid de 1991 ont été transformés en ministères au moment de la création de l’Autorité Palestinienne sauf … le comité des femmes.

Sur la division politique, on a besoin d’une vraie action, voire d’une révolution pour obtenir des élections. La situation actuelle convient à l’occupant. Elle est tellement économique : c’est nous qui payons tout.

Dimanche 29 mai

Nous n’avions, lors dans notre entrée à Erez, que le permis de séjour habituel à Gaza soit 7 jours. D’autre part il avait fallu fortement insister pour que cette mission, comme la précédente, puisse rentrer à Gaza. Nous sommes donc allés à la Sécurité, accompagnés de notre référent, le président de l’UAWC. La Sécurité qui s’était montrée cassante lors des démarches de nos amis pour que nous puissions rentrer, nous a accueilli avec le sourire, a posé un nombre vraiment minimum de questions, nous a donné la prolongation de notre séjour et a envisagé positivement la venue de nouvelles missions semblables à la nôtre.

Nous sommes reçus au PCHR (Centre Palestinien des Droits Humains) par Hamdi Shaqqura, vice-directeur.

“Israël semble souhaiter le maintien de la situation actuelle pour des générations, c’est-à-dire un blocus hermétique et l’échange “tranquillité contre tranquillité”. Ils ont besoin de cette tranquillité à Gaza, pour le reste, ils se fichent de savoir qui dirige Gaza. Ils pourraient même souhaiter que ce soit Daesh à partir du moment où ils se conforment à cette règle. Ce serait même mieux pour eux puisqu’ils souhaitent entretenir la peur du terrorisme.

C’était cela la guerre de 2014 :”si vous cassez la tranquillité, alors la réponse est la destruction totale, c’est le prix à payer”.

Les bénévoles constituent une grande partie de la capacité à résister. On en est arrivé en Cisjordanie à ce qu’il n’y ait plus d’espace pour une négociation. Qu’est-ce qui est sorti d’Oslo ?

Pourtant, au moment de la publication de la déclaration des principes d’Oslo, la population était descendue dans la rue pour crier sa joie et lançait des fleurs aux soldats israéliens. L’espoir était que ces accords mettent fin au conflit et ouvrent un nouveau chapitre.

20 ans plus tard, tout est détruit : les droits, l’autodétermination, le droit au retour, il n’en reste rien. Le “processus de paix” est mort. Après le rapport de l’ONU intitulé Gaza 2020, un nouveau rapport a été publié par une autre agence de l’ONU concluant de même à une situation désastreuse et affirmant que les principaux indicateurs actuels son tombés en dessous du niveau de 1967. Le nombre de colons a été multiplié par 5.

C’est cela le résultat d’Oslo. J’étais pourtant tout à fait d’accord avec un article d’Oslo : l’intégration de la Cisjordanie et Gaza en une seule entité avec libre passage entre les deux. Car la liberté de mouvement, c’est la pierre angulaire de l’identité palestinienne et cela, Israël le sait. Avec l’intégration des 3 composantes (Cisjordanie, Gaza, Palestiniens d’Israël), une identité politique moderne émergeait en liaison avec la montée en puissance de l’OLP. Les Israéliens ont senti ce nouvel esprit et compris que son moteur essentiel était la liberté de mouvement. Immédiatement après Oslo, ils ont mis des barrières entre Gaza et la Cisjordanie pour aboutir à la situation actuelle.

En réalité Israël veut que l’État palestinien à venir soit réduit à Gaza. C’est cela leur stratégie mais pour les 20 ans à venir, ils ne le diront pas. Ils continuent à grignoter systématiquement la Cisjordanie.”

Hamdi réaffirme le soutien du PCHR au BDS, le refus de sa criminalisation et la défense d’Omar Barghouti.

Pour ce dimanche 29 mai, nous sommes les invités de Ziad Medoukh pour son émission hebdomadaire en français “Gaza la vie”. L’émission sera visible très rapidement sur Youtube. Ziad a terminé l’émission par un remerciement appuyé à l’UJFP pour son rôle dans le mouvement de solidarité. Il a insisté sur le fait que les Palestiniens n’ont de problème de cohabitation avec personne : “regardez-moi, je suis assis entre deux Juifs, c’est parfait !”