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par Adrien Courtinel 

 

Novembre 1918

La République Soviétique d’Alsace

 

I. Une révolution partant d’Allemagne et se propageant jusqu’en Alsace

A) La mutinerie des marins de Kiel comme épicentre de cette révolution

B) L’Alsace embarquée dans la fièvre révolutionnaire

C) La formation d’un pouvoir révolutionnaire

II. La République soviétique d’Alsace

A) Une ferveur révolutionnaire aux actions néanmoins modérées

B) Des actions politiques néanmoins modérées

C) L’attitude des Alsaciens

III. L’échec de cette révolution

A) Le double jeu de Jacques Peirotes en faveur du rattachement à la France

B) Le dernier conseil soviétique

C) L’arrivée des troupes françaises sonne le glas de cette révolution

 

Bibliographie :

-BAECHLER Christian, Les Alsaciens et le grand tournant de 1918, L’Alsatique de poche, 2008.

-DÖBLIN Alfred, Bourgeois et soldats, Agone, Paris, 2009 (1937).

-GRANIER Jacques, Novembre 1918 en Alsace, Editions des Dernières Nouvelles d’Alsace, Strasbourg, 1968.

-HUSSER Philippe, Un instituteur alsacien, Entre la France et l’Allemagne, journal 1914-1951 publié par Franck Ténot, présenté et annoté par Alfred Wahl, Hachette (La Nuée bleue), Paris 1989.

-HAFFNER Sebastian, Allemagne 1918, une révolution trahie, Éditions Complexe,Paris, 2001.

-MEYER Jacques, Le 11 novembre, Hachette,Paris, 1964.

-RICHEZ Jean-Claude, Conseils d’ouvriers et conseils de soldats, revendication de classe et revendication nationales en Alsace en novembre 1918, Mémoire de maîtrise, Strasbourg, 1978.

-WAHL Alfred et RICHEZ Jean-Claude, L’Alsace entre France et Allemagne (1850-1950), Hachette Littérature, Paris,1994.

Périodiques :

-DAENINCKX Didier, « novembre 1918, le drapeau rouge flotte sur Strasbourg », Amnistia, n°2, décembre 2000-février 2001.

-GRANDHOMME Jean-Noël, « Le retour de l’Alsace-Lorraine », L’Histoire no 336, novembre 2008.

-RICHEZ Jean-Claude, « La Révolution de  Novembre 1918 en Alsace dans les petites villes et les campagnes, Revue d’Alsace, n°107, 1981

-RICHEZ Jean-Claude, STRAUSS Léon, IGERSHEIM François et JONASS Stéphane, Jacques Peirotes (1869-1935) et le socialisme en Alsace, BF, 1989.

Documentaire :

Quand le drapeau rouge flottait sur la cathédrale, film documentaire de Jean-Noël Delamarre ,  2009, diffusion sur la chaîne LCP le 7 et le 9 août 2010.

 

Introduction

« Depuis midi le drapeau rouge flottait sur le toit de la cathédrale, mais l’orgue n’en jouait pas mieux pour autant ». Ce constat ironique tirée du roman d’Alfred Döblin, Bourgeois et soldats illustre bien les effets de cette Révolution qui fut assez fragile compte tenu des attentes enthousiastes qu’elle a pu susciter chez ses contemporains. Alfred Döblin est un célèbre écrivain allemand. Il a écrit notamment Berlin Alexanderpatz. Il fut un témoin privilégié des évènements qui secouèrent l’Alsace en ce mois de Novembre 1918 car, à cette même époque, il était médecin à Strasbourg. Il narre son expérience dans le roman Bourgeois et soldats, premier volet d’une  tétralogie consacrée à la Révolution allemande de 1818-1919.

Le mois de Novembre 1918 marque un moment capital de l’histoire contemporaine de l’Alsace. Le fait qu’elle soit réduite par beaucoup au retour de l’Alsace à la France est à l’origine de nombreux malentendus qui explique ce qu’on a appelé par la suite le « malaise alsacien ». Le refus par la majorité des parlementaires alsaciens de l’autonomie et leur proclamation d’un Conseil National, la formation dans toute l’Alsace de conseils de soldats et d’ouvriers qui s’emparent du pouvoir et l’accueil chaleureux réservée par une large faction de la population aux troupes françaises sont les évènements les plus retentissants qui se sont succédés pendant ce mois qui voit mettre un terme à quatre années de guerre.

Pour expliquer comment comment l’Alsace a pu vivre de tels évènements révolutionnaires il faut remonter au contexte de l’année 1918 qui voit se terminer la Première Guerre Mondiale. En août 1918, l’armée allemande, commandée par Hidenburg et Ludendorff connaît sur le front de l’Ouest ses grands revers. Le 4 octobre, le prince Max de Bade constitue un gouvernement où siègent des socialistes du S.PD. Le 23, gouvernement et armée se voient opposé par le président Wilson un refus à toute négociation tant que l’empereur Guillaume II restera au pouvoir. Le 3 novembre, la révolution allemande a éclaté dans un grand port de guerre de la Baltique, c’est la mutinerie des marins de Kiel. La révolution s’étendra jusqu’à Berlin où le 9 Novembre, un « comité d’action » comprenant des délégués d’usine, des socialistes de gauche et des spartakistes occupe les bâtiments publics.  Ce même 9 novembre, l’empereur Guillaume II abdique et Max de Bade démissionne. Le socialiste Ebert le remplace comme chancelier. Le 11 à Rethondes, l’armistice est signée. L’Alsace, à cette époque fait encore partie du Reich allemand et subit donc de plein fouet ces évènements politiques. C’est ainsi que durant 12 jours l’Alsace connaitra un régime révolutionnaire soviétique sous la houlette des marins mutinés dont une bonne partie étaient alsaciens.

Ces faits restent aujourd’hui très largement ignorés. Lorsque l’on interroge quelqu’un sur Novembre 1918 en Alsace, il répond dans le meilleur des cas « le retour de l’Alsace à la France » et rien de plus. L’historiographie alsacienne et plus encore, l’historiographie française a négligé cet épisode, soit en le passant sous silence, soit en lui consacrant que quelques lignes. Cet épisode de l’Histoire semble minorée alors que l’idée d’une Alsace soviétique qui soit ni allemande, ni française peut se voir comme la première tentative d’autonomie régionale. Cela nous amène tout naturellement à nous demander si cette révolution qui secoua l’Alsace pendant douze jours est un simple produit d’importation des évènements politiques allemands ou bien une véritable tentative d’autonomie régionale ?

Tout d’abord nous démontrerons que cette révolution part d’Allemagne et se propage jusqu’en en Alsace puis nous analyserons ce qu’a été cette République soviétique d’Alsace pour ensuite expliquer pourquoi elle fut un échec.

 

I Une Révolution partant d’Allemagne et se propageant jusqu’en Alsace

Cette révolution a comme épicentre la mutinerie des marins de Kiel et va se propager dans toute l’Allemagne, et ce, jusqu’en Alsace, qui vit alors dans un climat de tensions. C’est ainsi qu’un pouvoir révolutionnaire s’installe dans la région.

A) La mutinerie des marins de Kiel comme épicentre de cette révolution

Pour comprendre l’engouement révolutionnaire que prend l’Alsace en novembre 1918, il faut remonter le récit à la mutinerie des marins de Kiel qui marqua le début de la Révolution allemande de 1918-1919. A l’origine de la rébellion de ces marins, il y a l’ordre donné secrètement par l’amiral Scheer le 24 octobre 1918 qui consistait à négocier la fin du conflit sur un dernier combat naval décisif de la flotte allemande contre la Royal Navy quand bien même cela serait un duel à mort. En effet, dans la mesure où la flotte allemande était littéralement cernée par la marine anglaise, ce combat naval avait tout d’un baroud d’honneur. Alertés par la nature suicidaire du projet, les marins allemands décidèrent de se révolter. Dans la nuit du 29 au 30 octobre 1918, certains équipages de la IIIe escadre refusèrent purement et simplement de lever l’ancre. Cette confrontation dégénéra en mutinerie ouverte et sabotage à bord de deux navires de la Ire escadre car les marins ne voulaient à aucun prix être, à l’aube de la défaite, de la chair à canon pour un combat désespéré uniquement justifié par le code de l’honneur de leurs officiers. Les premiers meneurs se rendirent le 31 octobre et furent mis aux arrêts. Bien que la mutinerie fut stoppée, les amiraux renoncèrent à appliquer l’ordre d’attaque car ils prirent conscience qu’ils avaient perdu la confiance de leur équipage.

De leur côté, le reste des marins et leurs leaders firent tout leur possible pour empêcher de nouveaux ordres et obtenir la libération de leurs camarades. Environ 250 d’entre eux se réunirent dans la soirée du 1er novembre dans la maison des syndicats car dans la mesure où les officiers refusaient de recevoir les délégations de marins dépêchées vers eux, les marins se syndicalisèrent. Les officiers décidèrent de faire appel à la police le 2 novembre, ce qui accentua d’autant plus la radicalité des marins qui appelèrent à manifester en masse le 3 novembre. Cette manifestation rassembla plusieurs milliers de personnes. Les familles ouvrières de Kiel ont rejoint le cortège des marins. Tous exigeaient la fin de la guerre, et le retour à des conditions d’approvisionnement normales, ce qu’ils nommaient Frieden und Brot. Puis ils exigèrent la libération des mutinés. À la caserne de Waldwiese, où les soldats étaient en garnison, on libéra les détenus et l’on pilla les magasins d’armes. À l’approche de la prison, le lieutenant Steinhäuser, chef de la Garde, ordonna à ses troupes de barrer la route aux manifestants, et de tirer dans la foule une fois les sommations faites. Sept manifestants furent assassinés et 29 grièvement blessés. On ouvrit aussi le feu ailleurs que dans la manifestation. Manifestants et soldats se dispersèrent. Cet affrontement armé spontané est généralement considéré comme l’épicentre de la Révolution allemande de 1918.

Au soir du 4 novembre, Kiel était pratiquement aux mains des rebelles. La garnison cessa de lutter et les scènes de fraternisation se multiplièrent. Presque tous les navires se mirent à arborer le drapeau rouge en signe de ralliement à la révolution. Simultanément, les conseils de soldats s’organisaient un peu partout. La révolte se propagea très rapidement  car les marins décidèrent de quitter la ville de Kiel pour s’étendre dans toute l’Allemagne, encouragés par des mouvements spontanés  conduisants ainsi au renversement de la monarchie en quelques jours. Ainsi, des conseils d’ouvriers, de paysans et de soldats, semblables aux soviets s’emparèrent du pouvoir dans tout le pays. Environ 15 000 marins originaires d’Alsace et de Moselle servirent dans la marine impériale allemande. Moult de ces marins alsaciens prirent un rôle actif dans l’insurrection de Kiel. C’est ainsi qu’il décidèrent d’exporter cette révolution dans leur région, comme il se faisait alors dans tout le territoire allemand en ce mois de novembre 1918.

B) L’Alsace embarquée dans la fièvre révolutionnaire

Au même moment, l’Alsace est en proie à plusieurs facteurs de troubles. Un profonde démoralisation de la population et de la jeunesse est constatée. La région est aussi le théâtre de tensions sociales. Des grèves éclatent en Haute-Alsace chez les employés du chemin de fer et les ouvriers. Ces grèves ont pour effet de dérégler le ravitaillement des troupes et de la population. Dans la vallée de la Bruche, des dizaines de milliers d’ouvriers n’ont pas touché leur paie au début du mois de Novembre. La pratique du marché noir, possible uniquement pour les catégories les plus aisées de la population alsacienne ne fait que d’accentuer encore plus la tension sociale. D”autant plus que que l’élévation du coût de la vie a érodé le pouvoir d’achat, ce que les classes moyennes et pauvres ont ressenti très durement. Les militaires en place contestent de plus en plus l’autorité de leurs supérieurs hiérarchiques.

A Strasbourg, il n’est pas rare que les gens du peuple se mettent à bousculer les bourgeois dans le tram en parlant de se mettre à leur place. Dans la nuit du 7 au 8 Novembre 1918, les premières manifestations de rue ont lieues, constituées de jeunes gens et de permissionnaires. Les rues sont animées par de vives discussions entre ouvriers et soldats. L’adjoint Timme, le remplaçant du maire Schwander lance un appel au calme qui n’est pas respecté. En effet, dès la nuit suivante les manifestations reprennent avec encore plus d’intensité. Les manifestants tentent de libérer les prisonniers qu’ils supposent être au gouvernement militaire place Kleber. Dans la nuit du 8 au 9 novembre 1918 des milliers de personnes se réunissent place Kleber. Des manifestants essaient de s’emparer de la prison, rue du Fil mais échouent et se tournent vers l’appartement d’un officier allemand pour le mettre à sac.

C) La formation d’un pouvoir révolutionnaire

Le matin du 9 novembre 1918, un télégramme du gouvernement annonce que des marins révolutionnaires sont en route pour Strasbourg. Un groupe venant par Haguenau arrive à destination à midi. Le second cortège arrive de  Kehl et prend un peu plus de temps. La gare de Strasbourg, dans laquelle campent de façon permanente des milliers de soldats devient le foyer révolutionnaire de toute l’Alsace. Dans la nuit du 9 au 10 novembre un sowiet de soldats s’y forme et donne l’ordre au gouverneur militaire de Strasbourg de s’y présenter devant lui à 8 heures du matin. Parallèlement, un autre mouvement identique se produit parmi les ouvriers du gouvernement militaire tandis que le député social-démocrate Boehle constitue aussi un sowiet. Une entrevue a lieu entre ce dernier et le chef d’État-Major du gouvernement militaire von Holleben. Ordre est donné à tous les régiments de constituer des sowiets. Sur ordre, les officiers laissent faire ou se mettent même à la tête du mouvement. Pendant la nuit du 9 au 10, un habile homme politique, Jacques Peirotes se nomme maire de la ville de Strasbourg. Un conseil municipal nommé par ce dernier se réunit le dimanche 10 Novembre à 11 heures. Ce conseil élit Peirotes au poste de maire et Neureister au poste d’adjoint. Laurent Meyer annonce au Conseil municipal que Riehl, Schulenburg et lui même viennent de fonder un sowiet d’ouvriers qui essayera de prendre les affaires en main. Avec l’accord des soviets de soldats, Jacques Peirotes convoque les représentations des organisations ouvrières en vue de constituer un gouvernement. L’après midi, les représentants des différents conseils de soldats et d’ouvriers, réunis à l’Hôtel de Ville, élisent un comité exécutif de 13 membres. Dans ces membres, on trouve les Alsaciens Charles Frey et Antoni, Reinartz, un capitaine Allemand qui voudra radicaliser le plus possible cette révolution et Rebholtz immigré, secrétaire d’un syndicat d’ouvriers brasseurs dans le civil et sous officier dans l’armée. Ce dernier est élu président du comité exécutif et va avoir une influence assez modératrice. Le soir du 10 Novembre 1918, il y a deux pouvoirs à Strasbourg. Le Conseil municipal avec Peirotes et le comité exécutif des 13 avec Rebholtz. La tâche commune de ces deux gouvernements est de maintenir l’ordre. Pour cela, le Conseil Municipal crée une garde civique dès le 10 Novembre.

 

II La République soviétique d’Alsace

Le pouvoir révolutionnaire étant désormais installé, il va pouvoir bouleverser la société alsacienne toutefois nous verrons que leur action politique sera relativement modéré, ce qui va nous amener à nous pencher sur l’attitude de la population alsacienne pendant cette courte période.

A)  Une ferveur révolutionnaire 

Le 13 Novembre 1918, Le drapeau rouge est hissé sur la flèche de la cathédrale de Strasbourg. Les drapeaux rouges flottent sur toute la ville. Des conseils révolutionnaires se forment dans chaque ville alsacienne : Colmar, Mulhouse, Sélestat, Haguenau, Schiltigheim, Bischwiller, Molsheim, Erstein, Saverne, ainsi qu’à Metz en Moselle. Plus d’une vingtaine de villes, même très petites, sont alors dotées de conseils, dont les fonctions et les orientations politiques sont diverses. La devise des conseils met l’accent sur l’appartenance de classe et évite soigneusement les débats entre francophiles et germanophiles. En effet, des affiches et des tracts sont répandus et qui proclament « Ni Allemands, ni Français, ni neutre, c’est le drapeau rouge qui est vainqueur ».  Généralement, ils font libérer les prisonniers politiques comme par exemple les soldats qui étaient réfractaires à combattre l’ennemi. Ils se chargent aussi des problèmes de ravitaillement et de transport. Les conseils ouvriers se limitent à la gestion des chemins de fer, arsenaux et des ateliers municipaux car la plus grande partie de l’industrie a disparu pendant la guerre. Les réformes sociales restent prudentes : hausse des salaires, améliorations des conditions de travail. Quelques grèves révolutionnaires éclatent, notamment chez les cheminots. Les soviets d’Alsace proclament aussi la liberté de la presse. Une autre composante de cette révolution est la dégradation des insignes des officiers. Ce fait est rapporté par Didier Daeninckx lors d’un entretien avec un des contemporains des faits, Joseph Fish : « Quand j’ai été mobilisé en 1917, je travaillais aux fortifications du Vieil Armand. Le 9 novembre 1918, on nous a rassemblé pour nous envoyer sur le front de l’Est. On a fait étape à Neuf-Brisach. Là il y avait un rassemblement de six milles soldats. La première chose que j’ai vue, c’est un officier supérieur allemand dégradé devant tout le monde, obligé de rendre son épée et ses distinctions. L’atmosphère était surchauffée. La foule entonnait des chansons populaires pleine de joie. Certains chantaient des airs révolutionnaire. La manifestation parcourait la ville et dès qu’on rencontrait un gradé, on l’arrêtait et on disait : « Hop là, donne tes galons sinon tu prends une claque ». Une autre anecdote similaire est rapportée par Robert Heitz qui a un jugement sévère envers les révolutionnaires : « Dans la rue nous voyons de jeunes soldats secondés par des gamins strasbourgeois, arracher à tous les gradés épaulettes, cocardes et autres insignes de leur dignité. Rue de la Mésange, j’ai vu quelques garnements, presque des enfants, arracher ses magnifiques dorures à un général qui se laissa faire sans broncher. J’en avais honte pour lui. »

B) Des actions politiques  néanmoins modérées

Les actions politiques des révolutionnaires sont néanmoins relativement modérées dans la mesure où ils refusent de toucher à la propriété privé. Il y aura quelques tentatives pour donner aux soviets une allure plus révolutionnaire, notamment sous l’impulsion des marins venus de Wilhelmshaven mais elles sont infructueuses car les Alsaciens Frey, Peirotes et Antonis font tout pour les contrer. Il y eut quelques frictions entre révolutionnaires allemands et patriotes français. Par exemple, dès le 12 Novembre, les soviets de soldats ont exigé que tous les drapeaux et cocardes tricolores soient retirés. Cependant, les Alsaciens francophiles se sont efforcés de noyauter les sowiets pour juguler leur ferveur révolutionnaire. Le journaliste Charles Frey a également joué un rôle important à ce mouvement en participant à la formation du sowiet Antoni. Dès le début, Jacques Peirotes veut faire contrepoids au pouvoir des sowiets en prenant en main la mairie et en provoquant la constitution de sowiets d’ouvriers. Dès le 10 novembre, d’autres Alsaciens sous la direction du juge de paix Lévy s’emparent de la présidence de la police et des commissariats de quartier. La garde civique qui est constituée à Strasbourg est à la fois une police pour le maintien de l’ordre et un contrepoids aux bande armées par le capitaine Reinartz. Dans certaines villes d’Alsace les soviets ont eu comme unique rôle le maintien de l’ordre au moment de la dissolution des pouvoirs, sans aucune autre fonction politique. C’est le cas par exemple à Neuf-Brisach ou un soviet rassemblant un mélange hétéroclite de bourgeois et d’ouvriers se constitue à la tête duquel se trouvent le curé Richert, l’entrepreneur de transport Ferrary et le médecin Otto Kiessel.

Du côté des journaux pro-révolutionnaire, la modération est aussi de mise. La Freie Presse, organe officiel des soviets à Strasbourg adopte une vision réformiste en n’hésitant pas à critiquer l’attitude des Spartakistes. Le journal note le 11 novembre que le Conseil municipal et les soviets doivent travailler main dans la main. Le 13 Novembre La Frei Presse fait remarquer que «  pour soutenir dans une large mesure les soviets de soldats dans leur effort pour veiller au calme et à l’ordre, il est nécessaire que le pouvoir civil soit également soutenu par des milieux politiques qui fassent autorité ». Ces citations indiquent clairement les limites du rôle politique des soviets.

C) L’attitude des Alsaciens

La population civile alsacienne ne semble pas attacher beaucoup d’importance politique aux soviets et au conseil national. L’indifférence que suscite cette révolution peut être imagée dans le journal de bord de Philippe Husser, instituteur alsacien ou à propos de la révolution alsacienne il  ne mentionne qu’un : « tumulte à Strasbourg ». daté du 9 novembre et  « Le conseil de soldats a cessé son activité. Sa dissolution est intervenue » daté du 14 novembre. Preuve que cette révolution n’a pas laissé un souvenir impérissable dans l’esprit de certains Alsaciens. Les bourgeois sont néanmoins inquiets car ils craignent d’éventuels excès de la part des sowiets. Certains considèrent que cette révolution est un complot fomenté par les Allemands pour contrer l’armistice. Ce qui préoccupe le plus la bourgeoisie alsacienne est le souci du maintien de l’ordre. Les bourgeois se sont inquiétés de des pillages de réserves de l’armée allemande et des magasins allemands car ils ont peur pour leurs propres biens même sil les sowiets se sont interdits de toucher à la propriété privée. Cette nécessité de faire régner l’ordre est un thème récurrent dans la presse alsacienne.  L’importance  de cette thématique dans l’esprit des Alsaciens peut s’expliquer par le fait que le problème du ravitaillement est directement lié à ce maintien de l’ordre. En effet, le ravitaillement risquerait d’être compromis dans une région en proie aux pillages.  Durant cette période, les pillages furent monnaie courante. Même si l’initiative des pillages venait des militaires, des civils alsaciens y ont grandement participé. La pénurie et les disettes très longue peuvent largement expliquer ce phénomène. L’effondrement de l’armée, la prise de pouvoir par les conseils de soldats mettent à la portée de tous les stocks de l’armée qui regorgeaient de marchandises disparues depuis longtemps du marché. Ces pillages, véritables phénomènes de masse, ont aussi une explication psychologique. Il y a un aspect de revanche contre l’armée, contre les privations, les frustrations, la misère qu’elle a imposé pendant des années.

Chez certains Alsaciens, ce régime soviétique apparaît plutôt comme transitoire car la majorité de la population souhaite être réintégré à la France. Dans les quartiers les plus aisés un slogan court les rues, « Plutôt Français que rouge ». Cette incompréhension entre Alsaciens pro-français et révolutionnaires internationalistes est illustrée dans cet extrait du roman Bourgeois et soldat d’Alfred Döblin nous narrant une assemblée générale animée par un marin internationaliste face à un public alsacien peu enthousiaste : « Le grand quartier-maître Thomas se vit traîné de force jusqu’à l’Aubette. Ce marsouin débonnaire se tenait à la tribune,l’air sombre une carafe d’eau devant lui. Il se mit à décrire les états d’âme d’un marin. Un marin ça voit du pays , ça ne s’attarde jamais nulle part ni dans une ville, ni dans un pays, ça navigue, et avec le temps on devient tout naturellement international. International. International, ça veut dire voir loin. (…) Vers la fin il aborda le sujet des Français. Sur ce point l’assistance et lui-même étaient malheureusement en désaccord. Mais lui, un marin et un socialiste « international », pas question de le mener en bateau  Quant aux Strasbourgeois qui s’exerçaient déjà à crier « Vive le France ! », ils s’en mordraient les doigts d’ici la fin de l’année. Car l’Alsace ne ferait pas partie d’une libre république allemande, mais d’une république française capitaliste  et militariste. Enfin, inutile d’essayer de faire le bonheur des gens malgré eux. Nous devons être alsacien, c’est tout. Mais peu à peu nous secouerons nos vieilles chaînes rouillées et l’Internationale vaincra. » Ce peu d’intérêt que porte les civils Alsaciens pour cette révolution pourrait expliquer son échec. Toutefois il ne faut pas omettre que la plupart des témoignages hostiles à cette révolution proviennent de bourgeois. Un nombre important d’Alsaciens ouvriers, étudiants et marins mobilisés vivent cette révolution avec enthousiasme. Sur la perception de cette révolutions, nous observons un conflit de générations. Les jeunes, soldats ou étudiants, n’ont pas connu la période française et sont plutôt enthousiastes à l’idée d’une République soviétique. Les personnes âgées, en revanche, ont connu l’époque ou l’Alsace était française et sont donc beaucoup plus francophiles et hostiles à cette révolution.

 

III L’échec de cette révolution

La révolution alsacienne a été minée de l’intérieur par Jacques Peirotes qui jouait un double jeu en faveur du rattachement à la France, l’opinion publique étant majoritairement pro-française. Le dernier conseil de soldat aura lieu au palais de justice de Strasbourg le 20 novembre 1918. Le glas de cette révolution sera sonné par l’arrivée des troupes françaises le 21 et 22 Novembre 1918.

A) Le double jeu de Jacques Peirotes en faveur du rattachement à la France

La France sortant victorieuse du conflit, elle revendique une souveraineté entière sur l’Alsace-Lorraine. Par ailleurs, elle a entretenu sur place depuis 1870 une propagande en sa faveur et y dispose de relais, certes minoritaires mais néanmoins puissants. De plus, il règne dans la région un « souvenir français », une nostalgie du pays, de sa langue et de sa culture, de son économie avec lesquels certains se sont enrichis. Il ne faut pas non plus omettre les anciens combattants alsaciens de la guerre de 1870 qui survivent encore en nombre et contribuent à l’entretien d’une forme de mélancolie. Un des relais les plus importants du rattachement est Jacques Peirotes qui fut, avant les événements de 1918, ouvrier du livre puis journaliste, rédacteur du journal Freie Presse : président du parti social démocrate d’Alsace entre 1906 et 1918 et député au Landtag (parlement régional) d’Alsace-Lorraine à partir de 1911 puis de Colmar au Reichstag à partir de 1912. Depuis qu’il s’est nommé maire de Strasbourg le 9 novembre 1918, Jacques Peirotes a toujours joué un double jeu en faveur de la France et au grand dam de la révolution. Il s’est toujours efforcer d’empêcher la radicalisation des soviets pour, en parallèle, entrer en contact avec les troupes françaises afin qu’elles accélèrent leur entrée en Alsace. A Strasbourg, Jean Knittel et Freysz essaient, avec les encouragements de Frey et de Peirotes, de se mettre en rapport avec les troupes françaises par T.S.F dès le 10 novembre. Mais ils échouent, ainsi, Freysz va directement à la rencontre des troupes françaises auprès desquelles il s’acquitte de sa mission. De Colmar également, on y envoie des émissaires qui se rendent à Cornimont auprès du Général Lachapelle, le 14 Novembre, afin de demander qu’on accélère l’entrée des troupes françaises dans la ville. Après les évènements de 1918, Jacques Peirotes est élu maire de Strabourg en 1919 puis réélu en 1925 pour enfin être battu en 1929 par une coalition de communistes et d’autonomistes alsaciens. Dix ans plus tard Jacques Peirotes explique au Conseil quelles ont été ses motivations lors de la Révolution alsacienne : « Puisque je parle de ces temps de transition, je veux souligner aussi ce que le président du Conseil disait sur les efforts tentés par l’Allemagne pour garder l’Alsace-Lorraine puis nous en former un Etat neutre. (…) Et lorsque mes amis et moi nous fîmes, le 10 novembre 1918, véritablement, la révolution à Strasbourg, je ne proclamai point, sur la place Kleber, comme on le souhaitait de l’autre côté du Rhin, la République neutre d’Alsace et de Lorraine, mais seulement la République pure et simple. Ce n’était pas le dernier essai. Berlin nous envoya, quelques jours plus tard, 200 marins chargés de proclamer cette neutralité si chère aux Allemands, à ce moment là. Ce fut encore en vain. La plupart des marins étaient des Alsaciens, et, lorsque je leur eus expliqué la situation, ils renoncèrent, et leur chef, un Allemand naturellement, se vit obliger de céder aussi. »

B)  Le dernier conseil des soviets

La dernière séance des sowiets a lieu le mercredi 20 novembre 1918. Ils constatent qu’avec l’arrivée des Français « toute action politique devient impossible ». En effet, les troupes françaises sont déjà présentes dans une bonne moitié de l’Alsace, plus exactement à Mulhouse, Obernai, Neuf-Brisach, Saint-Louis et Huningue. Cette dernière réunion du conseil d’ouvrier et de soldats de Strasbourg adopte la résolution suivante : « Lors de la dernière réunion commune du conseil d’ouvriers et de soldats, le 20 novembre 1918, celui ci constate avec regret qu’il n’a pas été possible d’assurer les succès connus par le début de la révolution ni de les consolider comme cela aurait été nécessaire dans l’intérêt du peuple tout entier. Il n’y a que la violence qui puisse nous contraindre à abandonner nos visées internationales. Le conseil d’ouvriers et de soldats appelle les employés, les ouvriers et les paysans alsaciens-lorrains à se grouper sous la bannière du socialisme international pour accomplir la libération de l’humanité du joug du capitalisme. En avant vers le combat, en avant vers la victoire ! Vive le socialisme international ! »  Alfred Döblin nous propose un comte rendu de ce dernier conseil : «  Dans une proclamation mélancolique et conciliante, ils demandèrent un ciel serein : « Grâce à cette guerre interminable l’idée de révolution est arrivée à maturité, même chez ceux qui ne s’occupaient jamais de politique. La tâche essentielle consiste à maintenir le calme et l’ordre. La social démocratie qui a suscité le mouvement et détient provisoirement le pouvoir exige que chaque camarade collabore à la construction de l’ordre nouveau. Faute de calme et d’ordre, nous marcherons droit vers la désagrégation et la famine. Abstenez vous de toute exaction ! Ne vous arrogez aucun droit ! Ne vous attardez pas inutilement dans les rues ! Que les enfants et les enfants s’abstiennent de faire partir des pétards, toute pétarade mettant la population en émoi ! » Ce texte était l’oeuvre de révolutionnaires bien élevés. Les bourgeois de la ville lurent avec intérêt et satisfaction qu’on souhaitait leur éviter toute émotion. » A la même journée, le drapeau rouge qui flottait au sommet de la cathédrale de Strasbourg, est décroché par le jeune Schirmann qui le remplace par le drapeau tricolore. Peu à peu ce sont tous les drapeaux rouges qui sont remplacés par des drapeaux français.

C) L’arrivée des troupes françaises sonne le glas de cette révolution

Les troupes françaises sont accueillies en libérateur par les Alsaciens. L’arrivée des troupes fait l’objet de liesse populaires et de grandes cérémonies. L’instituteur Philippe Husser témoigne de la libération de la ville de Mulhouse dans son journal daté du 17 Novembre 1918 : « A midi et demi, les cloches se mettent à carillonner. Les troupes arrivent. En tête, le général et son état-major qui sont accueillis aux cris de « Vive la France ! Vivent nos libérateurs ». Entrecoupé de pauses, le défilé à duré jusqu’au soir. L’accueil officiel se fait devant l’hôtel de ville. Sur la place et rue du Sauvage, on ne passe plus. Les cafés sont bondés et les rues pleines de militaires. Presque tous les passants portent la cocarde tricolore. Au milieu des troupes et des autos, en fin de cortège, avancent des jeunes filles en costume alsacien. Le soir, des fusées ont été tirées à tort et à travers au point de provoquer un incendie ». A Strasbourg aussi, on se prépare à accueillir dans la liesse les troupes françaises. Des mâts sont posés le long du parcours futur, une grande estrade dressée derrière le monument de Kleber et un mât de 20 m de haut y est érigé pour pouvoir y orner un gigantesque drapeau français. Le théâtre, la mairie, les édifices publics sont préparés pour recevoir de nombreux drapeaux tricolores. Des écussons « République Françaises » sont fabriqués de tous côtés.

L’entrée officielle de l’armée française à lieu le 22 Novembre 1918 toutefois les premiers soldats français arrivent dès le 21 Novembre à 10 heures. En arrivant sur la place Kleber ils remplacent les « gardes rouges » qui tenaient l’Aubette. Le 22 novembre, l’armée française défile dans Strasbourg sous la houlette du général Gouraud. Le conseil d’ouvriers et de soldats se dissout. Après 12 jours, c’en est fini de la révolution strasbourgeoise. Les décrets promulgués par les conseils sont aussitôt abrogés, les grèves brisées par la force et les premiers opposants arrêtés. Une fois installé en place, l’administration française se trouve devant de graves problèmes : une situation sociale difficile ainsi qu’une réorganisation administrative houleuse de l’Alsace-Lorraine. Si la l’arrivée des troupes françaises a en partie mis fin à la pénurie de vivres, elle n’a pas apporté de solution à la montée croissante du coût de la vie, tandis qu’un autre problème, celui du chômage, naît de l’achèvement de la guerre. Les industries de guerre doivent faire face à un difficile problème de reconversion et licencient beaucoup d’ouvriers. A ces chômeurs viennent s’ajouter les soldats de retour du front. La remise en marche de l’industrie alsacienne est d’autant plus difficile que bien des machines ont été transportées en Allemagne et que les matières premières manquent .  La révolution socialiste ayant été morte et enterrée, l’Alsace peut désormais embrasser les joies du capitalisme et de ce qui en résulte.

 

Conclusion

Alfred Döblin, dans son roman Bourgeois et soldat, nous propose un constat amer et lucide sur cette révolution avortée : « Il y avait tout juste une semaine qu’à Strasbourg les cent quatre-vingts marins révolutionnaires, drapeau rouge en tête, avaient fait leur entrée sur le Finkmatt. Mais pour l’instant l’ultime petit carré de la révolution se blottissait dans la salle de cour d’assise et chacun remontait le moral du voisin. Une bonne douzaine d’entre eux devait se dépêcher de passer la frontière. (…) Dernière séance du conseil de soldats sous la présidence du sergent Rebholz. Il fit un compte rendu de son activité révolutionnaire et gouvernementale des dix journées écoulées, remercia le conseil national, répéta pour la dixième fois, mais dans le silence absolu et têtu de l’assistance en majorité alsacienne, que la délégation française avait promis d’en rester en Alsace au pouvoir civil en place. Quêtant, implorant même une réponse du regard, il considéra longuement la vaste salle, autrefois si animée et maintenant déserte, qui inexorablement se transformait en cour d’assise et déjà prononçait son verdict : qu’il émigre, lui qui aurait tant aimé rester. Il s’assit en rageant. (…) Que dire d’autre ? Là-dessus se mirent à parler haut et fort ceux qui ne devaient pas tarder à disparaître, et un peu moins fort les Alsaciens. Mais tous se disaient la même chose : Qu’avons nous réalisé ? Il n’y a déjà plus de drapeau rouge sur la cathédrale, nos réunions étaient peu fréquentées, nous avons assuré le service de sécurité. Quel résultat lamentable ! »

Nous pouvons considérer que cette révolution alsacienne fut un phénomène importé d’Allemagne. Le Reich allemand vivait alors à la fin de la Première Guerre mondiale une fièvre révolutionnaire qui sera matée dans le sang en 1919. L’Alsace a donc été entraîné dans un évènement qui fut propre à l’Histoire de l’Allemagne. Néanmoins, il ne faut pas omettre qu’une bonne partie des soldats révolutionnaires était alsaciens. Environs 15000 marins alsaciens ont participé à la mutinerie de Kiel qui fut l’épicentre de la Révolution Allemande. Nous pourrions presque dire que les Alsaciens ont joué un rôle moteur dans cette révolution. En Octobre-Novembre 1918 l’Alsace connaissait un climat pré-révolutionnaire. La population souffrait de pénuries, les ouvriers se mettaient en grèves, les étudiants s’agitaient. Ainsi, cette république soviétique qui s’installa dès le 10 Novembre trouva un écho favorable auprès de certaines populations. Cette Révolution avait aussi comme ambition de créer une région indépendante des puissances françaises et allemandes. Néanmoins, la majorité des Alsaciens voulaient être rattaché à la France. Le maire Jacques Peirote fait toutes les démarches pour aller dans ce sens. Selon l’historien Jean Claude Richez, l’échec de la République soviétique alsacienne s’explique par le fait que :  « Cette Révolution avait deux grands défaut dans l’esprit des Alsaciens. Tout d’abord c’était une révolution et elle était allemande. Or, les Alsaciens n’aiment ni l’un ni l’autre »

Pendant cette période il y eut quelques avancées sociales concernant le temps de travail des ouvriers ainsi que leurs salaires. Néanmoins, lorsque le général Gouraud entre avec ses troupes à Strasbourg, il fera savoir qu’il ne reconnaît ni le Soviet des ouvriers et soldats, ni aucune des mesures qu’il a édictées. Le 22 Novembre, le premier acte symbolique de l’armée française sera d’occuper le Palais de Justice ou siégeait le « soviet de Strasbourg ». La troupe s’empare des usines, les décrets sociaux sont annulés, les salaires ramenés à leur niveau de septembre 1918. Les « agitateurs » seront arrêtés et expulsés. L’assimilation de l’Alsace à la France ne se sera pas de tout repos.  A la suite d’un décret ministériel du gouvernement français, la population d’Alsace et de Moselle est divisée en quatre catégories.  1. Les Alsaciens-Lorrains dont les parents sont nés en Alsace-Lorraine. 2. Les Alsaciens-Lorrains dont les parents sont d’origine étrangères. 3. Les Alsace-Lorrains dont les parents sont originaires des pays alliés de la France. 4 Les descendants d’Allemands, Autrichiens ou Hongrois. Ces derniers devront quitter le territoire. Plus de 100 000 devront quitter l’Alsace-Lorraine. Cette expulsion massive se terminera en septembre 1920. Ce difficile retour de l’Alsace à la France a nourri une incompréhension entre Alsaciens et Français « de l’intérieur » qui est toujours de mise.

 

Courtinel Adrien

L3 Histoire-SH10EM81 : Alsace, terre frontière et champ de bataille (2016-2017)

 

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