Depuis la prison du Néguev, Salah Hamouri nous adresse ces quelques mots.

“J’ai ressenti une étrange sensation, lorsque, le 23 août, aux
alentours de 4h30, si je me souviens bien, j’étais tiré de mon sommeil
par des bruits sourds. Quelqu’un s’acharnait sur la porte de mon
appartement et appuyait nerveusement sur la sonnette à répétition. Je
me suis dit que je connaissais ce type de vandalisme mais dans les
toutes premières secondes, je pensais qu’il s’agissait d’un rêve. Je
vis dans un bâtiment de six étages, à Jérusalem-Est. Chaque étage est
composé de deux appartements. Les soldats et leur commandant ne
savaient exactement dans quel appartement je vivais, alors, ils ont
frappé brutalement à chaque porte. J’ai alors eu une pensée pour mes
voisins, tous réveillés en plein nuit par les soldats, terrorisant
chaque famille, je pouvais entendre des enfants pleurer.

Les soldats n’ont pas cessé de frapper sur ma porte jusqu’à ce que je
finisse par ouvrir, encore engourdit par le sommeil. Le premier soldat
que j’ai vu portait une cagoule. Je ne pouvais voir que ses yeux
remplis de haine. Il m’a alors hurlé dessus, me demandant ma carte
d’identité. Après vérification, les soldats présents ont appelé du
renfort, en criant qu’ils avaient trouvé la personne qu’ils
cherchaient. A la seconde où j’ai compris que la force occupante
venait bien pour moi, mon cerveau m’a envoyé un ordre clair : « Une
nouvelle bataille commence là pour toi, cet ennemi ne doit pas te
vaincre une seule seconde ». Ils m’ont forcé à m’asseoir sur une
chaise et trois soldats m’entouraient, leurs armes pointées sur moi.
Pendant ce temps-là, leurs collègues ont fouillé tout l’appartement,
bouleversant les meubles, les livres, les vêtements… Je les sentais
fébriles, ils s’énervaient, ils ne trouvaient rien de ce qu’ils
cherchaient dans cet appartement. Le commandant a fini par donner
l’ordre de repli. Ils m’ont alors ordonné de m’habiller pour partir
avec eux. En marchant vers la porte d’entrée de mon appartement, avant
d’en sortir pour une durée qui m’était inconnue, je fixais la photo de
mon fils accrochée au mur. Dans son regard, j’ai puisé de la force
pour affronter les durs moments qui m’attendaient. Je l’imaginais me
dire « Papa, sois fort, on sera vite réunis tous les trois ». Je lui
promettais alors de rester fort et de ne jamais donner l’occasion à
cette occupation de nous confisquer notre humanité et de détruire
notre vie comme elle s’acharne à le faire. Ils me bandèrent ensuite
les yeux et me conduisaient dans une voiture blindée. La marche vers
ce nouveau destin commençait. Une marche pénible vers un monde que je
ne connais que trop bien. Un monde dans lequel nous devons rester
forts, humains et garder notre sourire en toute circonstance. Une
nouvelle fois, je suis conduit dans ce véhicule blindé vers l’endroit
le plus sombre et le plus misérable pour un être humain : une prison
de l’occupant.

En arrivant dans la prison du Neguev, après deux semaines passées dans
le centre d’interrogatoire, tout me semblait tristement familier. Je
suis rentré dans la section 24, j’ai vite reconnu les visages que
j’avais quittés il y a quelques années. Je n’ai pas su quoi leur dire,
j’étais soudainement impressionné de les retrouver ici. Parmi eux,
certains sont derrière les barreaux depuis plus de quinze ans. Ils me
questionnaient et je ne savais pas quoi leur répondre. « Qu’est ce qui
est arrivé, pourquoi es-tu là ? ». Je n’avais pas les réponses à leurs
questions. Pas plus que je n’arrivais à leur parler de l’extérieur,
eux, qui sont là depuis tant d’années. Que faisons-nous pour eux,
pendant qu’ils paient le prix de leur lutte ? En les retrouvant, je me
demandais si j’avais assez agi pour parler d’eux à l’extérieur. On a
ensuite énormément discuté. Un détenu m’a dit « Ah tu es de retour, on
va parler de nous en France alors ! ». J’ai réalisé alors que malgré
ma nouvelle privation de liberté, je n’avais aucun doute sur le fait
que la mobilisation allait se mettre en place en France, c’est un
véritable espoir pour moi et pour eux. J’ai pensé à toutes les
personnes qui avaient déjà lutté pendant ma première incarcération et
depuis, toutes celles et ceux que j’ai rencontrés en France et en
Palestine. Aucun doute qu’ils seraient tous à nouveau au rendez-vous
pour dénoncer l’injustice qui nous frappe.

Et des éléments que je reçois par fragments, je sais que vous êtes
même plus nombreux que la dernière fois ! Des personnalités que
j’apprécie, des élu-e-s, des citoyen-ne-s en nombre plus nombreux
encore vous vous êtes mobilisés pour dénoncer l’injustice,
l’arbitraire et pour exiger ma libération.

Je vous en remercie très sincèrement. Je veux vous dire aussi que je
serai digne du soutien que vous m’accordez. On ne marchande pas la
liberté même si on la paie parfois très chère. Ce n’est pas une
question d’entêtement mais de dignité et de principe : pour la liberté
je ne lâcherai rien. Le peuple palestinien, comme tous les autres, ne
veut pas vivre à genoux. Et quelle force cela nous procure que de
savoir que, vous aussi, vous n’avez pas l’intention de lâcher. Cela,
l’occupant ne le mesure pas. Moi je le ressens au fond de moi. Et
c’est pourquoi même quand il pleut je pense au soleil qui vient…”

Salah Hamouri
Novembre 2017, prison du Néguev, section 24

Bonjour à toutes et à tous,

En vous remerciant très sincèrement de faire partie du Comité de soutien pour la libération de Salah Hamouri, nous souhaitons vous donner aujourd’hui quelques informations.

Salah Hamouri est en détention administrative depuis 80 jours. Il est toujours incarcéré dans la prison située dans le désert du Neguev.

Malgré le silence des grands médias, la mobilisation populaire ainsi que celles d’élu-e-s ont permis des avancées sur le plan diplomatique. Après un rendez-vous à l’Elysée, le 9 cotobre, une prise de position publique de la diplomatie a été effectuée le 25 octobre par le Ministère des Affaires étrangères. Dans son communiqué, le Quai d’Orsay déclare « Nous demandons que l’ensemble des droits de Salah Hamouri soient bien respectés » et « nous espérons sa libération. ». Ce qui a également été confirmé le lendemain au Sénat, lors des questions au gouvernement (voir la vidéo).

A nous de continuer et d’amplifier la mobilisation, partout en France, afin que le verbe « espérer » se transforme en « exiger ». Notre mobilisation a permis ce pas encore timide mais elle montre que nous pouvons aller plus loin. Ne lâchons rien, chaque pierre que nous apportons à l’édifice poussera plus avant l’action nécessaire des autorités de notre pays.

50.000 cartes pétitions ont déjà été envoyées et 50.000 autres cartes sont sur le point d’être imprimées ainsi que des stickers !

Le 30 novembre marquera le 100e jour de détention de Salah Hamouri. En plus de souffrir d’une action ralentie des autorités françaises, la détention de Salah Hamouri est entourée d’un silence profond de la part des médias mainstream. Ce silence constitue une sorte de seconde prison pour lui.

Aujourd’hui, l’AFP n’a produit qu’une seule dépêche concernant notre concitoyen incarcéré arbitrairement en Israël. Mis à part le JT de France 3 Ile-de-France, aucune chaîne de télé n’a daigné consacrer un reportage ni même un flash info à Salah Hamouri. A titre de comparaison, ce sont 66 dépêches que l’Agence France Presse avait publié pour le cas – heureusement résolu – de Lou Bureau, il y a quelques mois.

Aussi pour marquer le 100e triste jour de la détention de Salah Hamouri, nous proposons d’organiser durant la semaine du 27 novembre au 3 décembre de nombreuses initiatives partout en France afin de briser le mur du silence qui entoure Salah.

Lors des différentes réunions du Comité, les initiatives suivantes ont été proposées : semaine nationale de collage, interpellation des médias (tweetstorm, collage à proximité des rédactions, appel de rédactions, manifestations, délégations auprès des rédactions en chef), rassemblements, débats, renforcement de la campagne « écrivons massivement à Salah ». D’autres idées peuvent évidemment être avancées, n’hésitez pas à nous en faire part !

Naturellement c’est aussi vers le Président et le ministre des Affaires étrangères qu’il convient de continuer les interpellations. La carte en cours de réédition est un outil précieux pour cela. Mais les élu-e-s de tous les « niveaux » sont aussi à interpeller. Plus de 30 Conseils municipaux ont voté des vœux, des élu-e-s ont fait circuler parmi leurs collègues des appels de soutien de sorte que nous pourrons prochainement pouvoir annoncer « 1.000 élu-e-s avec Salah Hamouri ».

Une idée est claire maintenant : nous avons, contre vents et marées, fait bouger les lignes. Nous pouvons aboutir à notre exigence légitime : que les autorités françaises s’adressent fermement auprès des dirigeants israéliens pour obtenir la libération de Salah.

Tout dépend de nous et de notre capacité à agir et à élargir le mouvement.

Nous savons pouvoir compter sur vous pour aller en ce sens. Ensemble nous permettrons la libération de Salah !

Nous vous remercions de votre attention et de votre engagement,

Elsa Lefort
Porte parole du Comité de soutien à Salah Hamouri