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L’Alsace

Le tribunal correctionnel de Mulhouse a annoncé hier sa décision de relaxer les prévenus dans l’affaire Boycott 68.
Le tribunal présidé par Francis Gatty a décidé de relaxer les douze militants du mouvement Boycott 68, poursuivis pour « provocation à la discrimination nationale, raciale ou religieuse » parce qu’ils avaient distribué des tracts dans un hypermarché d’Illzach en septembre 2009 et en mai 2010, incitant les consommateurs à ne pas acheter des produits en provenance d’Israël et des territoires occupés.

Les militants, qui portaient des tee-shirts avec la mention « Palestine vivra, boycott Israël » et qui faisaient signer des pétitions dans l’enceinte du magasin, avaient fait part de leur consternation lors de l’audience du 17 novembre, expliquant ne pas comprendre qu’on puisse être poursuivis « pour avoir exprimé une opinion politique » et tenter de convaincre les clients d’un supermarché de boycotter des produits en provenance d’un pays « qui ne respecte pas le droit international et les résolutions de l’Onu ».

Ils avaient rappelé au tribunal que le boycott était « un outil politique pacifiste utilisé à plusieurs reprises dans l’histoire », citant notamment l’exemple de l’Afrique du Sud. Lors de cette audience, le parquet avait requis une peine symbolique de 500 € à l’encontre de chacun. Hier, les prévenus ont accueilli le jugement du tribunal avec soulagement. « C’est la liberté d’expression qui a gagné », se réjouit Aline Parmentier, responsable départementale du Parti communiste français et membre du collectif Boycott 68.

Farida Trichine, autre militante de la cause palestinienne, annonce que « les opérations de boycott vont continuer jusqu’à ce que le peuple palestinien recouvre ses droits ».

L’avocat de la défense, M e Thomas Wetterer, qui avait plaidé la bonne foi des prévenus et mis en garde les juges « contre une erreur sémantique », a salué « la liberté, le courage et la rigueur du tribunal qui a appliqué la loi sans se laisser manipuler, ni céder aux pressions des parties civiles et de la chancellerie ».

D’autres procès pour des affaires similaires sont en cours sur le territoire français, d’où l’importance de la décision mulhousienne. « C’est une nouvelle relaxe après celle de la 17 e chambre correctionnelle de Paris et je pense que ce jugement au tribunal de Mulhouse fera jurisprudence. À mon avis, ça fera même boule de neige », dit-il.

le 16/12/2011 à 05:00 par Frédérique Meichler

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DNA

Mulhouse Boycott des produits israéliens Un jugement de relaxe
Le tribunal correctionnel de Mulhouse a rendu hier sa décision dans le procès des 12 membres de « boycott 68 », jugés pour avoir appelé au boycott des produits israéliens. Le parquet avait requis 500 € d’amende pour chacun. Ils ont été relaxés.
Il aura fallu attendre quatre reports successifs et le temps d’un jugement, mis en délibéré depuis la mi-novembre, pour enfin connaître le sort de ces douze membres du collectif Boycott 68. Bref, plus d’un an pour savoir à quelle peine allaient être condamnés ces militants poursuivis pour « provocations à la discrimination nationale, raciale, religieuse par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique ».

Ils avaient distribué à deux reprises des tracts appelant au boycott des produits exportés par Israël et présents dans les rayons de l’hypermarché Carrefour d’Illzach. Les premiers faits remontaient au 26 septembre 2009. Les suivants au 22 mai 2010.
Plus de 5 000 signatures récoltées en faveur des prévenus tous relaxés

Hier, alors que toutes les audiences, jusque-là, avaient été marquées par des manifestations (pacifiques) devant le tribunal, le jugement a été rendu dans le plus grand calme et surtout a été reçu par les mis en cause sans applaudissement ou excès de joie.

Et c’est bel et bien une relaxe générale qui a été prononcée par le président d’audience Francis Gatty, ne suivant ainsi pas les réquisitions du parquet. Le procureur de la République, Michel Defer avait estimé lors du procès qu’il y avait bien eu dans cette affaire « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence » et requis une peine d’amende de 500 € pour chacun des prévenus.

Du côté des militants, le soulagement était visible sur les visages. Farida Trichine, prévenue dans cette affaire a rappelé ses convictions : « Nous savions que le boycott était légal. On peut boycotter tous les pays… pourquoi Israël serait une exception ? Maintenant, le jugement, qu’il aille ou non dans notre sens, n’aurait rien changé. Nous sommes pour la désobéissance civile lorsque la loi n’est pas du côté de la justice ».

La militante a une fois de plus souligné que « la campagne BDS (lire ci-dessous) vise à faire appliquer le droit international, à faire respecter les droits fondamentaux des Palestiniens et à sanctionner l’État d’Israël pour ses outrances, ses crimes de guerre et sa politique discriminatoire à l’égard du peuple palestinien ».
« Je suis fier de la justice de mon pays »

Le collectif poursuivra donc ses actions devant les enseignes qui continuent de distribuer les produits pointés du doigt par le collectif.

Pour sa part, M e Thomas Wetterer, l’avocat de Boycott 68, a salué le courage et la rigueur du magistrat et de ses assesseurs. « Je suis fier de la justice de mon pays », a-t-il dit. Le tribunal correctionnel mulhousien s’est attaché à la règle de droit plutôt qu’à des pressions à la fois de la Chancellerie et de certaines officines. Rappelons tout de même que lorsque les parties civiles avaient déposé plainte en leur temps, la Chancellerie avait adressé une lettre à l’ensemble des parquets afin de les inciter très fortement à des poursuites.

La question qui se pose donc aujourd’hui c’est de savoir si le parquet général fera appel de ce jugement.

Le parquet général fera-t-il appel ?
La décision du tribunal mulhousien risque de faire jurisprudence ou tout du moins boule de neige, sachant que les procédures à l’égard des militants de la campagne BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions), dont se revendique le collectif Boycott 68, se multiplient. Ces militants ont toujours dénoncé, comme ce fut le cas à Mulhouse, « un procès politique diligenté par le gouvernement suite à des plaintes déposées par des organisations soutenant la politique de l’État d’Israël ».

Le jugement mulhousien vient ainsi renforcer celui de juillet dernier ou le tribunal correctionnel de Paris avait relaxé une militante de la cause palestinienne jugée pour avoir mis en ligne une vidéo tournée dans un supermarché d’Evry (Essonne) appelant au boycott des produits israéliens. Le tribunal avait estimé que la campagne, soutenue par des personnalités « non susceptibles de se voir imputer une attitude hostile vis-à-vis du peuple israélien », ne constituait par une « provocation à la discrimination, la haine ou la violence contre un groupe de personnes à raison de son appartenance à une nation ».

Parmi les premières réactions hier à l’issue de l’énoncé du jugement, celle de la Licra du Haut-Rhin, par la voix de son avocat M e Rodolphe Cahn, qui s’est dit étonné, « le tribunal a préféré suivre une décision rendue par le tribunal de Paris, et qui nous semblait tout à fait particulière, plutôt que de se conformer à la majorité des décisions, dont celle de la Cour européenne des droits de l’homme, qui va dans notre sens ». La Licra avait déposé plainte en 2009 avec l’association Avocats sans frontières et la Chambre de commerce franco-israélienne.

Pour les suites ? « Nous attendrons les motivations pour nous prononcer sur un éventuel appel », a ajouté l’avocat mulhousien.