Saint-Denis, le 21 février 2012

 

 

 

Monsieur le Président,

 

 

 

Le Snesup vous demande instamment de revenir sur votre décision de vendredi concernant la tenue d’une manifestation intitulée “Des nouvelles approches sociologiques, historiques et juridiques à l’appel au boycott international : Israël, un Etat d’apartheid ?”

 

 

Nous ne nous prononçons pas sur le contenu de cette manifestation, ni sur son intérêt ou son caractère judicieux, mais uniquement sur sa nature de manifestation militante offrant un cadre d’expression à des universitaires dans l’exercice de leur libre expression. Compte tenu du statut de la quasi-totalité des participants, il s’agit incontestablement d’une manifestation de ce type, et votre communiqué ne le nie d’ailleurs pas; mais de ce fait les deux raisons que vous invoquez pour lui retirer votre autorisation ne nous apparaissent pas recevables, et ne justifient pas la décision d’annulation.

 

 

Le maintien de l’ordre public ne saurait justifier à lui seul l’interdiction d’une expression collective, si polémique soit-elle. De plus la fin du communiqué présidentiel semble impliquer que le trouble de l’ordre public viendrait, non des organisateurs de la manifestation, mais des oppposants à celle-ci — auquel cas vous autoriseriez ces fauteurs de trouble — non désignés d’ailleurs — à exercer un droit de censure sur les discussions au sein de l’Université, ce qui nous paraît tout-à-fait inacceptable.

 

 

L’indépendance intellectuelle de l’Université ne saurait non plus être menacée par une expression collective universitaire, si militante soit-elle. Ce raisonnement conduirait à interdire le discours militant dans l’Université au seul motif qu’il est militant, ce qui est en contradiction totale avec les libertés universitaires. La réunion prévue est bien sûr d’essence militante, et l’Université n’a donc pas à lui apporter son soutien ès-qualités, ce qui est déjà le cas semble-t-il. Si confusion il y a eu sur le statut non officiel de la manifestation (utilisation non autorisée du logo, par exemple), il est également normal de demander que cette confusion soit levée, et les logos retirés. Mais l’annulation de l’autorisation ne peut s’appuyer sur ce seul motif.

 

 

Aucune des deux raisons invoquées par votre communiqué ne paraît donc suffisante pour justifier ce qui constitue un acte grave dans le cadre d’une Université, l’interdiction de l’expression publique de membres de la communauté universitaire. Une telle interdiction pourrait se justifier uniquement dans le cas d’une expression relevant de l’apologie de crime de guerre ou de crime contre l’humanité, ou de l’incitation à la discrimination ou à la haine raciale. Encore cela serait-il invoquable ex post, et non ex ante, puisqu’autrement il s’agirait d’une censure préalable.

 

 

L’expression universitaire doit rester libre, et limitée par le seul respect des principes de tolérance et d’objectivité que la déontologie universitaire impose. Nous vous demandons donc instamment de garantir cette liberté d’expression, et d’autoriser la tenue de la manifestation “Des nouvelles approches sociologiques, historiques et juridiques à l’appel au boycott international : Israël, un Etat d’apartheid ?”, quitte à prendre toute mesure utile pour que cette manifestation se déroule dans le calme, et sans préjudice des suites que des déclarations contraires aux lois en vigueur pourraient avoir, si de telles déclarations avaient lieu dans le cadre de cette manifestation.

 

 

Nous vous prions, Monsieur le Président, d’accepter l’expression de nos sentiments respectueux.

 

Pour la section,

 

Pierre Gervais