Solidarité avec le peuple palestinien dans l’espace public : de l’impartialité de nos institutions

Le 19 mai dernier s’est tenue à Marseille pour la première fois une « action checkpoint » à l’initiative de Génération Palestine et organisée par le Réseau Palestine à Marseille. L’action checkpoint consistait en l’installation d’une réplique d’un checkpoint en centre-ville, avec nos militant-e-s déguisé-e-s en soldat-e-s israélien-ne-s effectuant des contrôles de papiers, des détentions arbitraires et autres humiliations qui sont le lot quotidien de nombreux Palestinien-ne-s. L’objectif était de commémorer la Nakba qui avait lieu le 15 mai, tout en sensibilisant directement nos concitoyen-ne-s sur la réalité de l’occupation et de la colonisation en Palestine. Les passant-e-s se sont prêté-es au jeu et ont pour la plupart manifesté une curiosité certaine sur la situation en Palestine, ce qui a permis de nombreux échanges. L’action s’est donc déroulée dans un cadre règlementaire (déclaration préalable en Préfecture), conformément à ses objectifs initiaux d’information et de sensibilisation et sans débordement aucun. C’est pourquoi nous avons souhaité refaire une action checkpoint dans un autre secteur de Marseille afin de sensibiliser davantage.

Or, quelle ne fut notre surprise de voir que le CRIF a publié un article sur son site internet à propos de notre action checkpoint, accompagné d’un dossier « de presse » avec des photographies prises le 19 mai, annonçant que nous nous apprêtions à organiser une seconde « action choc ». Les auteurs de l’article et du dossier du CRIF citent également une autre action checkpoint organisée par Génération Palestine à Lille. Ils qualifient notre simulation de checkpoint de « mise en scène mensongère et choquante » alors qu’elles correspondent à des situations vécues par des militant-e-s ayant voyagé en Palestine. Ils la considèrent comme une incitation à la haine et la violence, n’hésitant pas à faire un lien entre l’action checkpoint et les propos de personnes (jamais citées ni identifiées) qui se seraient rendues coupables d’actes de violence envers des Juifs.

Ce type de rhétorique de la part d’une organisation communautariste de lobbying sioniste et pro-israélien, devient habituelle à ce stade. Cela dit, suite à notre déclaration en Préfecture pour tenir notre seconde action checkpoint, certain-e-s de nos militant-e-s se sont vu-e-s convoqué-e-s auprès du cabinet du Préfet. Il nous a alors été signifié que selon les photos prises lors de l’action et notre site internet, l’utilisation d’armes factices (des fusils en carton portés par nos acteurs et actrices soldat-e-s) constituait une infraction et une incitation à la haine raciale. Il est sidérant de voir que la Préfecture, représentant l’Etat et donc la puissance publique souveraine chargée de faire prévaloir l’intérêt général et les libertés publiques, adopte, quasiment mot p! our mot, le point de vue du CRIF (et les outils : photos, article) en soulevant les mêmes arguments juridiques. Cela questionne l’impartialité de nos institutions. La représentante du cabinet du préfet à éludé toute discussion de fonds, notamment lors de notre objection quant à la « race » dont il était question ; elle a préféré se focaliser sur la présence de quelques accessoires. Au final, il nous a été recommandé de ne pas utiliser les fusils en carton et quelques autres accessoires, car les observateurs de la police seraient dépêchés sur place et pourraient constater toute infraction. Une seconde action checkpoint a bien eu lieu le 3 juin dernier près du métro rond-point du Prado. Les policiers étaient bien présents et nous ont clairement indiqué que notre action serait filmée et archivée. Nous qui démarchons initialement les services de Police pour assurer notre sécurité, nous nous retrouvons officiellement ainsi « fliqué-e-s ». Nous rappelons dans un premier temps qu’aucun trouble à l’ordre public n’a été causé, ni lors de la première action checkpoint, ni lors de la seconde. Ni même depuis des années durant lesquelles nous n’avons été à l’origine d’aucun incident, quel qu’il soit si ce n’est ceux dont nous avons été victimes. Face aux diverses pressions qui poussent nos institutions à restreindre de façon inique nos droits individuels (liberté d’expression) et libertés publiques (liberté d’association, de manifestation), nous rappelons notre détermination à dénoncer l’injustice et les atteintes aux droits du peuple palestinien et nous affirmons que la complicité de nos États européens fait de nos sociétés des espaces légitimes de débat et d’action politique. Nous notons, avec regret, que la défense des droits du peuple palestinien en France s’accompagne de la défense de nos propres droits à exprimer notre solidarité. Alors, avec force et conviction, il est de notre devoir de rappeler que nous ne sommes pas cel! les et ceux qui cultivons la haine et la discrimination comme il l’a été dit, mais que nous ne faisons que dénoncer celle dont nous avons écho à l’autre rive de la Méditerranée, et dont nous essuyons les effets jusque dans nos droits les plus fondamentaux ici même en France.

Contre les systèmes coloniaux en Palestine et ailleurs, Stop à la complicité économique et politique de nos gouvernements, pour l’autodétermination du peuple palestinien et son droit au retour.

Génération Palestine Marseille