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STRASBOURG Population Rom
Campements de misère

Les contrôles de police se multiplient dans les campements de Roms. A Strasbourg, des dizaines de familles vivent dans le plus extrême dénuement et dans la peur de l’expulsion. Reportage.

Ces gens ont traversé l’Europe pour manger à leur faim. Ils ont franchi les frontières, Roumanie, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie, Autriche, Allemagne, parfois sous les invectives. Jusqu’à Strasbourg.

C’est au bout de la rue Wodli, juste en contrebas de l’autoroute ; un petit havre de nature au pied duquel glisse sans remous le Fossé des Remparts. L’ombre est légère et la chaleur agréable. La ville et ses habitants sont là, tout autour, mais on ne les voit pas, on ne les entend presque pas.

Seize enfants et une femme enceinte
La ville et ses habitants non plus ne voient pas, ou ne veulent pas voire ce qui se passe ici. Car ce bout de chemin, qui se termine en cul-de-sac, est une zone de naufrage où sombre une certaine idée de la France et de l’Europe.

C’est là que sont venues se réfugier une quarantaine de personnes, dont seize enfants pour certains en bas âge. Ils sont Roms. Ils ont quitté Bucarest, la capitale de la Roumanie il y a quelques mois. « Pour manger », explique celui qui semble être le patriarche, en portant la main à la bouche pour mimer le geste ancestral ; « manger et trouver du travail ». Les enfants ont le sourire et posent volontiers devant l’appareil photo. Mais la terre noire et la poussière salissent leurs pieds parfois nus, leurs bras et dessinent des ombres irrégulières sur les joues.

Il s’agit de Roms dits migrants, qui fuient leur pays, et non de Roms nomades.

Le campement a été installé sur le talus. Une poignée de marches creusées dans la terre rendent la montée plus commode, en tout cas les jours où le sol est sec. Une dizaine de tentes sont posées là. Leurs structures sont parfois faites de branches, plus souvent de tiges en métal et sont couvertes de bâches, de toiles cirées, de bouts de lino. Deux ou trois vraies tentes de camping ont été installées. Des tapis élimés couvrent le sol et les matelas sont posés sur des palettes.

La femme qui offre aux yeux des inconnus son foyer d’errance lève les mains au-dessus de la tête et mime l’eau qui goutte et qui se faufile dans les interstices quand vient la pluie.

Entre les tentes, les chaises dépareillées sont rangées sous les tables car le campement est ordonné. Des sacs ornés des marques de la grande distribution, symboles ironiques de la société de consommation dans ce lieu misérable, font office de garde-manger. On y trouve principalement des légumes.

Le groupe qui compte une femme enceinte vit dans le plus extrême dénuement. Il n’y a pas d’eau, pas d’électricité, pas de toilettes.

Ils ont peur d’être renvoyés en Roumanie
Les rares visiteurs sont pour l’essentiel les bénévoles de Médecins de monde et de l’association Arpomt qui veillent à organiser le suivi médical et la scolarisation des enfants. Évidemment, la police connaît l’endroit aussi. Et les Roms en ont peur. « Les policiers sont venus hier, raconte le patriarche, dont les propos sont traduits par un membre d’un autre campement. À six heures du matin, ils nous ont réveillés. Ils ont demandé les passeports. Ils ont relevé les noms, puis ils sont repartis ».

Le groupe craint qu’il ne s’agisse d’une manœuvre préalable à une expulsion. C’est pour cela que les adultes demandent de ne pas être pris en photo.

Ils ne veulent pas être renvoyés en Roumanie. Et vivre un nouveau naufrage là-bas, dans l’un des faubourgs miséreux de Bucarest.

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