PROCES DES 4 DE TOURS : LA COUR DE CASSATION CONFIRME
RENDEZ VOUS DEVANT LA COUR EUROPENNE DES DROITS DE L’HOMME

Dans un communiqué, SOIF D’UTOPIES et RESF 37 avaient fait part de leurs
soupçons quant à la transformation d’enfants en appât afin de pouvoir
satisfaire les chasseurs de sans papiers en uniforme. Ils soupçonnaient
également que fichier Base Elèves soit, entre autres, utilisé à cette
fin. Ils avaient osé comparer ces méthodes avec celles employées par la
police sous Vichy.
La cour de cassation vient de rejeter le pourvoi que les 3 des 4 de
Tours avaient formulé. Une militante de RESF 37 a été relaxée par le
tribunal correctionnel et la cour d’appel. Les trois prévenus sont donc
condamnés à payer 7000 €. Grâce à la solidarité, nous pouvons faire face.
La cour de cassation entérine le jugement de la cour d’appel d’Orléans.
Celui-ci précisait que  « compte-tenu de la longueur et des difficultés
soulevées tout au long de cette procédure, il apparaît équitable
d’accorder à la victime [c’est-à-dire le ministre de l’intérieur] une
somme de 3.000 Euros pour les frais irrépétibles engagés en appel » (Les
frais irrépétibles comprennent, notamment, les droits de timbre, d’envoi
postaux, de reprographie ou d’avocat.). Rappelons que c’est le tribunal
correctionnel de Tours qui a reporté 3 fois l’audience, obligeant les
témoins, les personnes apportant leur solidarité et les prévenus à
revenir 4 fois devant celui-ci.
La cour de cassation entérine l’appréciation à propos des témoins
exprimée par la cour d’appel. « Leurs témoignages relèvent plus d’une
tribune politique et d’un désir d’exprimer leur opinion, que d’un apport
utile et précis aux faits imputés, qu’ils approuvent parfois de façon
outrancière. ». Le tribunal correctionnel de Tours avait décidé qu’ « il
lui [la victime] sera alloué 3000 euros, au regard de la longueur des
débats consécutive aux exceptions soulevées et aux témoins cités. »
En clair la cour de cassation, comme les deux autres juridictions,
bafoue les droits de la défense. Nous sommes, entre autres, condamnés
parce qu’on a fait citer 18 témoins à la barre et que les débats ont été
longs.
La Cour d’appel d’Orléans fait écho au Tribunal correctionnel de Tours !
Ni l’une, ni l’autre ne veulent répondre aux questions de fonds qui ont
été soulevées lors de chacune des audiences. Elles ont duré pour celle
d’Orléans 6 h et celle de Tours 8 h. On se demande toujours, au regard
des deux délibérés ce qui s’est passé et dit pendant toutes ces heures !
La Justice ne veut pas se prononcer sur le fond car elle n’assume pas le
caractère politique de ce procès ; l’assumer signifierait qu’elle relaxe
les prévenus puisque c’est un débat de choix de société dont il s’agit.
Officiellement, les tribunaux ne peuvent trancher ces questions.
La Cour de cassation est dans cette logique. Elle affirme que :
* des individus, des structures ne peuvent faire part publiquement de
leurs soupçons sur d’éventuelles exactions, dérives de la part de
l’administration, de la police ou de la gendarmerie
* on ne peut pas faire des comparaisons historiques afin d’analyser les
évolutions actuelles au regard de l’expérience, notamment, du régime de
Pétain. Précisons qu’une comparaison n’est pas un amalgame. Il est hors
de question de dire que Sarkozy c’est Pétain, etc. Comparer c’est
prendre en compte l’expérience historique que nous apporte, en
l’occurrence la période de Vichy, afin d’interroger notre passé pour
agir sur le présent et tenter d’envisager différents avenirs. Faire des
comparaisons et alerter est plus que nécessaire.
* le ministre peut censurer une opinion qui le dérange
* l’Etat peut traiter différemment des individus selon qu’ils soient
notables ou manants. Seul le personnel de la caste politique peut porter
des propos jugés diffamatoires. Cela confirme que la critique politique
ne doit être faite que par les professionnels que sont les élus et
responsables de partis reconnus par le système. Cela ne peut-il conduire
à l’interdiction de conceptions anticapitalistes, comme l’anarchisme ?
* il n’est pas normal, ni souhaitable de s’insurger contre la politique
raciste et xénophobe de l’Etat. Par exemple, comment qualifier la
décision du ministère de l’intérieur ordonnant, à travers la circulaire
du 5 août 2010, la chasse aux Rroms ? Comment se fait-il qu’aucun
fonctionnaire (de l’administration, de la police et de la gendarmerie)
n’ait refusé d’exécuter cet ordre illégal ? Ces questionnements sont
encore d’actualité. La chasse aux Rroms n’a pas cessé, bien au
contraire. Valls est un plus grand virtuose en la matière que ses
prédécesseurs.
Fondamentalement, si l’on ne veut plus que ce genre de procès ait lieu,
si l’on ne veut plus voir des militants, des personnes traînés devant
des tribunaux parce qu’ils dénoncent des exactions de la police, de la
gendarmerie ou de l’administration (qui ne sont pas des bavures, mais
inhérentes à la xénophobie d’Etat, voire au racisme de celui-ci), cela
passe avant tout par la régularisation de tous les sans papiers,
l’ouverture des frontières, la liberté de circulation et d’installation,
la fermeture et la destruction des camps de rétention. Sinon, l’Etat
continuera d’organiser la chasse aux sans papiers, générant les drames
humains que nous connaissons tous les jours, les dérives policières et
administratives. Le régime de Vichy est de ce point de vue riche
d’enseignements. Il faudra bien se confronter à une question
fondamentale. Comment se fait-il que la passage de la Troisième
république au régime de Vichy se fasse sans heurt au sein de
l’administration, de la police et de la gendarmerie ? La politique
xénophobe, raciste des années 30 n’a-telle pas contribué à faciliter
ledit passage?
Nous n’acceptons aucune condamnation. Nous irons devant la Cour
européenne des droits de l’homme. Nous verrons si elle entérine les
remises en causes des droits de la défense. Nous lui poserons les
questions de fond que nous n’avons jamais cessés de soulever devant les
tribunaux.
Tours, le 3/06/2013
Jean Christophe Berreir
Muriel El Kolli
du collectif SOIF D’UTOPIES
0631561756
soifdutopies@yahoo.fr