par le Docteur Georges Yoram FEDERMANN

Nous sommes tous des médecins grecs.

Il y a 4 ans, j’ai proposé ma candidature afin d’essayer de rendre
plus familière l’idée que nous puissions tous ensemble et avec
l’accord des bénévoles de l’Institution «rendre Médecins du Monde
inutile en douze ans ». L’objectif n’est pas encore atteint.
Dans l’intervalle la situation politique et sociale s’est aggravée à
l’échelle européenne et l’exemple de la Grèce devrait nous inciter à
investir professionnellement les marges de nos sociétés.
Si nous n’en prenons pas l’initiative, nous serons aussi les victimes
des effets des mécanismes d’exclusion qui frapperont de plus en plus
de nos patients et nous deviendrons les médecins des riches.
J’ai toujours la conviction qu’il est possible que la Corporation
Médicale puisse faire un signe très fort à la Communauté des Citoyens
en signifiant qu’elle est prête à réduire, pour tendre à la faire
disparaître, l’exercice d’une médecine à deux vitesses.
Il s’agirait toujours d’envisager la mise en place de quelques
aménagements relativement simples comme un  numéro vert gratuit qui
permettrait aux usagers d’aboutir à des régulateurs qui offriraient à
tous les Strasbourgeois la possibilité d’accéder aux cabinets libéraux
en toutes circonstances.
Les régulateurs orienteraient vers un groupement de médecins
volontaires (généralistes et spécialistes).
L’idéal étant que nous fassions tous partie de ce groupement.
Nos engagements multiples au plan professionnel, les charges de
travail énormes qui pèsent sur nous et souvent l’horizon indépassable
de la gestion du cabinet et de notre adaptation sociale, font que nous
ne voyons peut-être pas toujours les énormes souffrances qui
s’accroissent à nos portes et notamment celles des étrangers malades
(qui sont à peine 36000 sur le territoire national).
Or ceux-ci sont peu reçus par les spécialistes et s’adressent
directement aux urgences pour des situations parfois sérieuses mais
qui devraient être traitées « en ville ».
Il n’est pas utopique de pouvoir faire mentir les conclusions de
l’enquête de la HALDE qui soulignaient il y a près de 5 ans que plus
de la moitié de nos confrères spécialistes du Val de Marne refusaient
d’accueillir en première intention les bénéficiaires de la CMU.
Nous devons reconnaître, traiter et soutenir les étrangers malades.
L’expertise Strasbourgeoise, notamment en psychiatrie (60% des 1500
demandes médicales à la DDASS en 2005) s’est imposée et a permis
d’aider des populations très marginalisées.
Le sauvetage des urgences passe aussi par une critique du libéralisme
mondialisé qui est posé (notamment par Mr Duhamel dans ses chroniques
dominicales)comme une évidence ou une fatalité et non pas comme un
adversaire.
Les investisseurs et les fonds de pension (qui ont déjà racheté des
cliniques à Strasbourg) iraient naturellement là où le marché les
guiderait, c’est à dire là où le travail aurait le coût le moins élevé
possible, comme si le marché était au centre de nos intérêts et non
pas l’homme, comme si l’homme était au service du marché et comme si
nos vies étaient au service de cette religion, dont nous serions
dorénavant les prêtres.
Cette parti pris entrainant son lot de détresses humaines
(dépressions, suicides, problèmes de conjugalité et de parentalité,
cancers, maladies psychosomatiques,…)et augmentant la précarité ,le
coût des soins et le recours abusif aux urgences.

Mr Duhamel n’évoque jamais le fait que le salaire qu’il faudrait peut
être préserver et la cotisation sociale, contiennent un extraordinaire
potentiel d’émancipation du capitalisme et de la logique marchande et
favorise la vitalité de structures publiques comme la sécurité
sociale, la retraite ou la maladie.

Dr Georges Yoram Federmann