Décision tout ce qu’il y a de plus  favorable aux mineurs isolés étrangers ce mercredi  3 juillet au tribunal correctionnel de Lyon:

Le tribunal correctionnel s’est déclaré incompétent pour juger Mohamed Bah accusé d’avoir menti sur son âge pour “profiter” des aides du Conseil général.

Il renvoie le parquet vers une éventuelle autre juridiction  compétente qu’il lui appartiendra de trouver… Un juge pour enfants…

Ce jugement revient à reconnaître la minorité de Mohamed qui a donc été libéré sans aucune condamnation, lavé des accusations qui pesaient sur lui.

La Présidente, Mme Bloch, a lu en audience les attendus de son jugement qui reprennent  les arguments qu’avait fait valoir  notre avocat Maître Lambert. Je cite en particulier et de mémoire faute d’avoir le texte entier du jugement :

– Les tests osseux ne peuvent à eux seuls tenir lieu de preuves pour définir l’âge des jeunes, avec à l’appui la position critique du Comité consultatif national d’Ethique que l’avocat avait lu en audience.

– L’avis unanime des “professionnels de l’éducation” sur la minorité de Mohamed et sur son comportement d’adolescent est retenu. Ont été entendus à l’audience le directeur du foyer où Mohamed avait été placé, 2 éducatrices, un professeur.

Peut-être d’autres points qui m’échappent à l’instant.

En tout cas un jugement extrêmement important pour nous à Lyon   où la situation des mineurs isolés étrangers est désastreuse (important sans doute aussi  au plan national). Le Procureur n’a pas caché que le parquet de Lyon fait une chasse “systématique” (l’adjectif qu’il a employé) au MIE, avec de “nombreuses accusations” portées pour escroquerie, le conseil général se portant partie civile. Le procureur a été précis : 200 procédures en cours actuellement!

Le procureur a sans doute été gêné par la tournure extrêmement émouvante de l’audience. Il a botté en touche en invoquant, pour l’aspect “humain et sincère” incontestable du dossier, le droit d’asile que la France respecterait … Mais, a-t-il dit, ce n’est pas de cela qu’on parle aujourd’hui… Aujourd’hui, il s’agissait bien pour lui de poursuivre, en fonction de la politique du parquet évoquée ci-dessus, un escroc ayant utilisé un faux document d’état civil pour voler le Conseil général, et la place de foyer à un autre mineur… Enfin, sur la question des tests osseux, il a été plutôt ridicule, essayant de justifier la fourchette de  18 ans à la main gauche à jusqu’à 35 ans à la clavicule par des banalités du genre que certains font plus jeunes que leur âge!!!… Et puis l’argument qui tue ” On en a déjà envoyé plus d’un comme lui en prison”! “Tant mieux pour lui s’il est soutenu mais il a quand même manqué 20 demi-journées à l’école”, et tatati et tatata.. Néanmoins, chose absolument exceptionnelle, alors que le parquet requiert très habituellement  dans ces affaires 2 mois  de prison ferme + 3 ans d’interdiction de territoire + remboursement de dizaines  de milliers d’euros au Conseil général, il n’a requis contre Mohamed “que” 3 mois de prison avec sursis. Le résultat, vous le connaissez…

Pourquoi l’audience a été émouvante et instructive :

– Mohamed a reconnu avoir utilisé un faux acte de naissance  acheté 300 euros à un passeur, et il a très bien expliqué le contexte où ce passeur lui a expliqué qu’il avait besoin de ça pour pouvoir faire les études dont il rêvait. Mais il a affirmé avec force être néanmoins mineur.

– Il a surtout bien fait comprendre, même si c’était très difficile pour lui de revenir sur ce passé,  la situation terrible qui l’a conduit à quitter  seul et enfant d’abord son village pour la capitale, puis la Guinée pour l’Europe. Dans ces conditions, difficile de penser à chercher le bon acte de naissance avant de partir, qu’il n’aurait  d’ailleurs vraisemblablement jamais trouvé vu le caractère aléatoire de l’état civil dans ce pays…

– Depuis le début de cet affaire, le soutien des éducateurs et enseignants de Mohamed a été sans faille. RESF a pris sa part aussi.  A chaque audience, une trentaine de personnes et beaucoup de témoignages. Aujourd’hui, la présence et le témoignage fort, nourri de dizaines d’années d’expérience, du directeur du foyer.

– Et puis, pas question d’oublier l’avocat très efficace et convaincu.

Maître Lambert a dès le départ introduit le doute sur la procédure en cours, faisant état du vide juridique qui règne quand un présumé mineur se trouve amené, interrogé et jugé comme un majeur devant une juridiction pour majeurs, le tuteur (le conseil général) se trouvant faire cause commune comme partie civile avec l’accusateur (le parquet)… Où est la protection due aux mineurs? Pourquoi pas d’administrateur ad hoc pour remplacer le tuteur qui ne joue plus son rôle?

 

Tous ces points forts qui ont joué en faveur de Mohamed, on va dire qu’on  ne les retrouvera malheureusement  sans doute que dans de rares occasions réunis à l’avenir.  Nous constatons en effet que le Conseil général laisse “traîner” de plus en plus de MIE sans environnement éducatif véritable, quelquefois dans des hôtels et sans école. Ces jeunes sont les plus vulnérables, sans infos. Hier encore, un jeune Malien a disparu de son foyer et de son cours de FLE… Il n’était pas scolarisé, pas plus que D. que nous avons découvert récemment, qui a échappé à la prison mais a traîné de novembre à mars sans prise en charge du Conseil général après son arrestation alors qu’il aurait dû être repris dans le dispositif comme il a fini par l’être 6 mois après, mais à 4 mois de ces 18 ans…

Néanmoins, le jugement d’aujourd’hui fera jurisprudence et nous servira comme il servira à d’autres.  Nous en sommes donc, vous l’avez compris,  très contents!
> Il nous appartient de nous coordonner de mieux en mieux dans RESF, mais aussi avec les professionnels et les nombreux acteurs de la protection de l’enfance et du soutien aux migrants, nous tous qui ne supportons pas les attaques portées par ce gouvernement comme par celui d’avant au droit de migrer.

M. François, RESF Rhône (Collectif Jeunes Majeurs)