boycott

Le grand journaliste Gideon Levy a fait de ce 14 juillet une journée mémorable en affirmant dans Haaretz sont soutien total à l’appel BDS.

Ses paroles sont fortes : “La distinction entre les produits de l’occupation et des produits israéliens est une création artificielle. Ce n’est pas les colons qui sont les principaux coupables, mais plutôt ceux qui cultivent leur existence. Tout Israël est immergé dans l’entreprise de colonisation, alors tout Israël doit en assumer la responsabilité et payer le prix pour cela. Tous le monde est impliqué dans l’occupation, y compris ceux qui ont envie de regarder ailleurs. Nous sommes tous des colons.

http://www.haaretz.com/opinion/the-israeli-patriot-s-final-refuge-boycott.premium-1.535596

Traduction française

Le refuge ultime du patriote israélien: le boycott

Avec l’entrée d’Israël dans une nouvelle série d’inertie diplomatique, l’appel au boycott économique devient une exigence patriotique.

Par Gideon Levy

Haaretz – 14 Juillet 2013

Quiconque s’inquiète réellement de l’avenir du pays doit maintenant être en faveur du boycott économique.

Une contradiction dans les termes? On a examiné les alternatives. Le boycott est le moindre mal et il pourrait avoir des effets bénéfiques de portée historique. C’est l’option la moins violente et celle qui a le moins de chances d’aboutir à un bain de sang. Elle serait douloureuse, comme les autres, mais les autres seraient pires.

Si l’on convient que le statu quo actuel ne peut durer toujours, c’est l’option la plus raisonnable pour convaincre Israël de changer. Son efficacité a déjà été prouvée. De plus en plus d’Israéliens ont pris conscience récemment de la menace que représente le boycott. Lorsque la ministre de la justice, Tzipi Livni alerte sur son développement et appelle, en conséquence, à sortir de l’impasse diplomatique, elle apporte une preuve de la nécessité du boycott. Elle et d’autres rejoignent ainsi le mouvement boycott, désinvestissement, sanctions. Bienvenue au club !

Le changement ne viendra pas de l’intérieur. C’est clair depuis longtemps. Tant que les Israéliens ne paient pas le prix de l’occupation, ou tout du moins ne font pas le lien entre la cause et l’effet, ils n’ont aucune raison d’y mettre fin. Et pourquoi le résidant lambda de Tel Aviv devrait-il se soucier de ce qui arrive dans la ville de Jénine en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza ? Ces endroits sont très éloignés et pas particulièrement intéressants. Tant que l’arrogance et l’auto-victimisation continuent au sein du Peuple Elu, le plus élu du monde, toujours la seule victime, la situation réelle du monde n’y changera rien.

Nous disons que c’est de l’antisémitisme. Le monde entier est contre nous, sans que nous ne soyons responsables de son attitude à notre égard. Et par dessus le marché, en dépit de tout, le chanteur anglais Cliff Richard est venu se produire ici. L’opinion publique israélienne est pour l’essentiel coupée de la réalité – la réalité dans les territoires et à l’étranger. Et il y a ceux qui veillent à ce que cette déconnection dangereuse se maintienne. Parallèlement à la déshumanisation et à la diabolisation des Palestiniens et des Arabes, les gens ici sont trop soumis à un lavage de cerveau nationaliste pour retrouver leurs esprits.

Le changement ne viendra que de l’extérieur. Personne – y compris bien sûr l’auteur de ces lignes- ne souhaite un nouveau cycle sanguinaire. Un soulèvement palestinien non-violent est une possibilité mais il est peu probable à court terme. Ensuite, il y a la pression diplomatique américaine et le boycott économique européen. Mais les Etats Unis ne vont faire aucune pression. Si l’administration Obama n’en a pas fait, aucune autre Administration n‘en fera. Et puis l’Europe. La ministre de la justice Tzipi Livni dit que le discours en Europe est devenu idéologique. Elle sait de quoi elle parle. Elle a aussi dit qu’un boycott européen ne s’arrêterait pas aux produits des colonies de Cisjordanie.

Il n’y a aucune raison qu’il s’y arrête. La distinction entre les produits de l’occupation et des produits israéliens est une création artificielle. Ce ne sont pas les colons qui sont les principaux coupables, mais plutôt ceux qui cultivent leur existence. Tout Israël est immergé dans l’entreprise de colonisation, alors tout Israël doit en assumer la responsabilité et payer le prix pour cela. Tout le monde est impliqué dans l’occupation, y compris ceux qui ont envie de regarder ailleurs. Nous sommes tous des colons.

Le boycott économique a prouvé son efficacité en Afrique du Sud. Quand les milieux d’affaires du régime d’apartheid ont interpellé les dirigeants du pays en leur disant que la situation ne pouvait pas continuer comme cela, le sort en a été jeté. Le soulèvement, la stature de leaders tels Nelson Mandela et Frédérik de Klerk, le boycott des sportifs sud-africains et l’isolement diplomatique du pays ont bien sûr contribué à la chute de l’odieux régime. Mais le ton a été donné par les milieux d’affaires.

Et cela peut arriver ici aussi. L’économie israélienne ne résistera pas au boycott. Il est vrai qu’au début cela va accroître le sentiment de victimisation, d’isolement et le nationalisme, mais ce ne sera pas le cas à long terme. Le boycott pourrait donner lieu à un changement majeur d’attitude. Lorsque les milieux d’affaires s’adresseront au gouvernement, le gouvernement écoutera et peut-être agira. Quand la détérioration touchera le porte-monnaie de chaque citoyen, davantage d’Israéliens se demanderont, peut-être pour la première fois, de quoi il s’agit et pourquoi cela arrive.

Il est difficile et douloureux, presque impossible pour un Israélien qui a passé toute sa vie ici, qui n’a pas boycotté le pays, qui n’a jamais envisagé d’émigrer et qui se sent de tout son être attaché à son pays, d’appeler à un tel boycott. Je ne l’ai jamais fait. J’ai compris ce qui motive le boycott et j’ai pu y trouver des justifications. Mais je n’ai jamais appelé d’autres à faire ce pas. Néanmoins, Israël s’engageant dans une nouvelle phase de paralysie profonde tant diplomatique qu’idéologique, l’appel au boycott est une exigence, dernier refuge d’un patriote.

Traduction Sonia Fayman, 15 juillet 2013

The Israeli patriot’s final refuge: boycott
With Israel entering into another round of diplomatic inaction, the call for an economic boycott has become a patriotic requirement.

By Gideon Levy

Haaretz — Jul.14, 2013

Anyone who really fears for the future of the country needs to be in favor at this point of boycotting it economically.

A contradiction in terms? We have considered the alternatives. A boycott is the least of all evils, and it could produce historic benefits. It is the least violent of the options and the one least likely to result in bloodshed. It would be painful like the others, but the others would be worse.

On the assumption that the current status quo cannot continue forever, it is the most reasonable option to convince Israel to change. Its effectiveness has already been proven. More and more Israelis have become concerned recently about the threat of the boycott. When Justice Minister Tzipi Livni warns about it spreading and calls as a result for the diplomatic deadlock to be broken, she provides proof of the need for a boycott. She and others are therefore joining the boycott, divestment and sanction movement. Welcome to the club.

The change won’t come from within. That has been clear for a long time. As long as Israelis don’t pay a price for the occupation, or at least don’t make the connection between cause and effect, they have no incentive to bring it to an end. And why should the average resident of Tel Aviv be bothered by what is happening in the West Bank city of Jenin or Rafah in the Gaza Strip? Those places are far away and not particularly interesting. As long as the arrogance and self-victimization continue among the Chosen People, the most chosen in the world, always the only victim, the world’s explicit stance won’t change a thing.

It’s anti-Semitism, we say. The whole world’s against us and we are not the ones responsible for its attitude toward us. And besides that, despite everything, the English singer Cliff Richard came to perform here. Most Israeli public opinion is divorced from reality − the reality in the territories and abroad. And there are those who are seeing to it that this dangerous disconnect is maintained. Along with the dehumanization and demonization of the Palestinians and the Arabs, people here are too brainwashed with nationalism to come to their senses.

Change will only come from the outside. No one − this writer included, of course − wants another cycle of bloodshed. A non-violent popular Palestinian uprising is one option, but it is doubtful that will happen anytime soon. And then there’s American diplomatic pressure and the European economic boycott. But the United States won’t apply pressure. If the Obama administration hasn’t done it, no American administration will. And then there’s Europe. Justice Minister Livni said that the discourse in Europe has become ideological. She knows what she’s talking about. She also said that a European boycott would not stop at products made in West Bank settlements.

There’s no reason it should. The distinction between products from the occupation and Israeli products is an artificial creation. It’s not the settlers who are the primary culprits but rather those who cultivate their existence. All of Israel is immersed in the settlement enterprise, so all of Israel must take responsibility for it and pay the price for it. There is no one unaffected by the occupation, including those who fancy looking the other way and steering clear of it. We are all settlers.

Economic boycott was proven effective in South Africa. When the apartheid regime’s business community approached the country’s leadership saying that the prevailing circumstances could not continue, the die was cast. The uprising, the stature of leaders like Nelson Mandela and Frederik de Klerk, the boycott of South African sports and the country’s diplomatic isolation also contributed of course to the fall of the odious regime. But the tone was set by the business community.

And it can happen here too. Israel’s economy will not withstand a boycott. It is true that at the beginning it will enhance the sense of victimhood, isolationism and nationalism, but not in the long run. It could result in a major change in attitude. When the business community approaches the government, the government will listen and also perhaps act. When the damage is to every citizen’s pocketbook, more Israelis will ask themselves, maybe for the first time, what it’s all about and why it’s happening.

It’s difficult and painful, almost impossibly so, for an Israeli who has lived his whole life here, who has not boycotted it, who has never considered emigrating and feels connected to this country with all his being, to call for such a boycott. I have never done so. I have understood what motivated the boycott and was able to provide justification for such motives. But I never preached for others to take such a step. However, with Israel getting itself into another round of deep stalemate, both diplomatic and ideological, the call for a boycott is required as the last refuge of a patriot.