« Espace Hoche », un camp pour Roms, grillagé et surveillé, à Strasbourg, siège de la Cour européenne des Droits de l’Homme.

Dossier évolutif et participatif.

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« Le camp est l’espace qui s’ouvre lorsque l’état d’exception commence à devenir la règle ».   Giorgio Agamben, Homo Sacer, Seuil, 1997

« Il ne faut pas oublier que les premiers camps de concentration en Allemagne ne furent pas instaurés par le régime nazi, mais par les gouvernements sociaux-démocrates qui, après la proclamation de l’état d’exception, en 1923, internèrent sur la base du Schutzhaft des milliers de militants communistes… » Homo Sacer

Depuis quelques mois, à Strasbourg, dans un silence médiatique et politique assourdissant, est entré en fonction un projet expérimental de camp pour Roms-Migrants, situé à 12 km de Strasbourg, sur le terrain militaire du Fort Hoche.

Là, derrière une double clôture, répartis par famille dans une trentaine de caravanes, une centaine d’hommes, femmes et enfants vivent, surveillés 24h/24.

Au discours normatif de la Ville, qui justifie ses bonnes intentions par le transitoire de la situation et le coût exorbitant de l’investissement, nous préférons nous interroger sur le statut et les enjeux réels du projet « Espace Hoche » et dénoncer sa double illégalité: celle de contraindre la libre circulation et installation de citoyens européens et celle de les regrouper sur critère ethnique. Autrement dit: Pourquoi des citoyens européens, au seul prétexte d’être des Roms-migrants, sont-ils rassemblés sur un site militaire grillagé et surveillé, à 12 km de la ville ?

Au delà de savoir si ce nouveau camp est meilleur ou non pour les Roms que le bidonville de Saint-Gall, il s’agit de saisir pourquoi les pouvoirs publics, au prétexte du “relogement” des habitants de St Gall après son démantèlement, ont fait le choix du projet “Espace Hoche” dans toutes ses dimensions y compris celles contraire aux constitutions française et européenne rédigées après-guerre.

Voir aussi notre dossier : La politique anti-Rom de la ville de Strasbourg 2012-2014 et sa version pdf

 

L’évacuation du campement St Gall

Dernières images du campement St Gall avant sa destruction : notre diaporama

Le 19 décembre 2013, le campement Saint-Gall de Strasbourg-Koenigshoffen, a été  totalement évacué  sous la responsabilité du chef de la mission Rom de Strasbourg qui a prétendu nous interdire de faire des photographies, et d’un responsable de la police municipale.

Voir notre article : Le campement rom St Gall évacué ce matin et rasé dans l’après-midi

A la différence d’autres évacuations de campements dans d’autres villes, aucun média ni associatif n’était présent sur place, excepté la Feuille de chou (média indépendant, également membre de Latcho Rom, association de défense des droits des Roms) et, après coup, un journaliste de Top Music.

Ce jour-là, contrairement à leur habitude, les Roms nous ont à peine adressé la parole et peu nous ont salués. Nous avons appris par eux plus tard que le chef de la mission Rom de la Ville les avait menacés de ne pas être relogés en caravanes sur le camp Hoche s’ils nous approchaient, allant même jusqu’à accuser Latchorom de vouloir les laisser dans le camp boueux de Saint-Gall !

La position de Latchorom était bien sûr, au contraire, depuis plus de deux ans, de ne pas les laisser sur un terrain insalubre infesté de rats. C’est d’ailleurs grâce aux pressions et demandes incessantes de l’association depuis octobre 2012 que la ville avait daigné accorder quelques commodités (poubelles, WC, eau) aux Roms.

En revanche, il est vrai qu’ayant découvert une semaine avant, le site du camp Hoche, tenu volontairement secret par la ville, une première localisation possible au Port du Rhin ayant été abandonnée, nous étions très dubitatifs, et déjà critiques et inquiets du choix des lieux.

Voir notre article : Premières images du nouveau camp rom de Strasbourg

Les familles ont chargé leurs affaires dans un camion. Elles mêmes ont été véhiculées dans des camionnettes vers un terrain militaire, le Camp Hoche, situé au sud de Strasbourg, Chemin de l’Oberforstweg, près du Pont Pflimlin, à 12 km du centre ville par la route du Port du Rhin ou 16km par l’A35 et l’autoroute vers Offenburg. L’environnement le plus immédiat ce sont les forêts, le Grand canal du Rhin, invisible depuis le camp situé en contrebas de la digue, et un rond-point haut-lieu de la prostitution.

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L’« Espace Hoche », à première vue…

Du point de vue du confort matériel il n’y a pas de doute que la situation des familles qui survivaient dans un environnement insalubre, s’est améliorée puisqu’elles sont relogées dans des caravanes acquises par la Ville, qu’elles ont le chauffage, disposent de sanitaires, WC, lavabos, douches et machines à laver le linge.

La nourriture leur est fournie gratuitement, pour le moment encore, par la Croix Rouge à qui la Ville a confié la gestion du camp, avec trois éducateurs présents sur place,  supervisés par un bénévole. Une épicerie sociale serait mise en place par la suite, avec paiement de la nourriture.

Le camp Hoche, terrain militaire est toujours entouré de grillages même si les barbelés trop voyants du début ont été partiellement enlevés. La partie du camp qui rassemble les caravanes, sous un hangar ou près de lui a été lui-même entouré de grilles pour le séparer du reste du terrain. L’entrée du camp est gardé jour et nuit par deux vigiles. Il y a aussi des rondes avec chien à l’extérieur, la nuit.  

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Au vu de l’amélioration indéniable des conditions de vie des populations sur ce terrain, certains, ne voyant que cet aspect, nous disent, comme la mairie, que c’est un progrès et la preuve de la politique humanitaire menée par la Ville de Strasbourg.

C’est le cas, en particulier, du responsable du MRAP-Strasbourg qui a bénéficié le 12 mars d’une visite guidée du camp par J C Bournez et qui faute de penser l’invisible, s’en est tenu aux seules apparences.

Rappelons cependant que le dit « Espace Hoche », comme l’Espace 16 et son extension, et le campement de l’Écluse, sont le résultat de l’évacuation obtenue en justice de quatre campements dits illicites.

Il s’agissait pour la ville, à la demande du conseiller général Eric Elkouby, de faire disparaître de la vue des habitants des gens jugés indésirables.

Eric Elkouby :

« Valls a raison », « Si nous voulons être de bons politiques et gérer correctement le pays, il faut être réaliste. La position de Valls sur les Roms est exacte et je la partage, pour connaître d’immenses difficultés quant à cette affaire dans les quartiers que j’ai l’honneur de représenter et qui commencent à ressembler à de grands bidonvilles. » Eric Elkouby, conseiller général et adjoint au maire.

Voir l’article complet : http://la-feuille-de-chou.fr/archives/56893

La ville continue d’ailleurs de harceler quasi quotidiennement les populations qui vivent encore dans des campements dits illicites ou sauvages.

Voir notre article : Nettoyage de Roms à Strasbourg

Notons aussi que les Roms de Roumanie vivant sur ce camp Hoche sont interdits de travailler à l’intérieur du lieu, puisqu’ils n’ont pas le droit d’entasser les métaux qu’ils récupèrent traditionnellement pour la vente et qui constituent la source de revenu des hommes.

Quant aux femmes qui vivent beaucoup de la mendicité, un bus les emmène du camp à une station de tram vers Strasbourg pour les ramener le soir. Strasbourg a donc institué un service public de la mendicité…

Les enfants qui étaient scolarisés dans le quartier de Koenigshoffen bénéficient aussi d’une navette.

 

« Espace Hoche »: un projet basé sur un partenariat entre Affaires sociales de la Ville, Préfecture et police municipale

A la différence des deux autres camps « officialisés » par la Ville (« Espace 16 » et « Écluse »), l’ « Espace Hoche » est le résultat d’un partenariat entre les Affaires sociales de la Ville (M.-D. Dreyssé, élue EELV), la Préfecture (donc l’État) et la police municipale.

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M.-D. Dreyssé

La gestion du camp est entièrement confiée à la Croix-Rouge (un responsable, bénévole, et trois salariés sur place). Plus deux agents d’une entreprise privée de sécurité.

L’ouverture du camp et l’accueil des familles initialement prévus mi-janvier ont été avancés d’un mois à la demande pressante du Préfet, lui-même soumis à une demande de Paris. Le projet « Espace Hoche » est particulièrement suivi depuis les ministères concernés, l’Intérieur notamment, ce qui nous fait dire que le projet strasbourgeois est un projet-pilote sans doute amené à se développer dans d’autres villes, et qu’il se joue à Strasbourg autre chose que de la misère que l’on cache le temps des élections.

 

Éloignement et isolement volontaires

Les Roms se sont installés fin décembre 2013. Malgré les menaces constantes d’expulsion de Hoche et le discours pour nous décrédibiliser, nous n’avons jamais cessé d’être en contact avec la plupart des Roms de l’ancien bidonville Saint-Gall , même si nous avons très tôt compris que nous, Feuille de chou (média critique indépendant) et Latchorom (association de défense des droits des Roms), étions sur la liste noire des personnes interdites d’entrer sur le nouveau camp Hoche, ce qui en disait déjà long sur le caractère exceptionnel et “hors de vue” du nouveau camp. La Feuille de Chou est interdite d’entrée dans le camp Hoche sur ordre de J-C Bournez. Ordre sans valeur donc.

Contrairement au discours officiel de la Ville « c’est loin mais c’est mieux », repris en cœur par l’ensemble des médias locaux la semaine suivant l’ouverture du camp (qui évite à tous de se poser la question « pourquoi des citoyens européens sont illégalement parqués sur un camp militaire grillagé et surveillé 24h/24 »…), l’éloignement du camp Hoche n’est pas dû à « faute de mieux, en attendant ».

Tout indique, au contraire, que le choix de la distance est idéal à plusieurs titres car l’isolement n’est pas que géographique. Il n’y a pas que les conditions de vie matérielles qui ont changé, c’est tout l’environnement et l’accompagnement des Roms qui ont été volontairement modifiés lors du passage du bidonville Saint-Gall au camp Hoche.

Isolement médiatique par rapport aux médias officiels , coupure par rapport au suivi médical : Médecins du Monde qui assurait depuis des années ce suivi des familles chaque mercredi sur le campement Saint-Gall n’a pas été reconduit au même rythme à Hoche sous prétexte de la présence de la Croix Rouge, et surtout isolement juridique puisque l’association Latchorom est interdite de camp également. Dès leur arrivée au camp Hoche, les Roms nous ont dit qu’ils devaient désormais répéter « Latchorom pas bon ».

A Hoche, “loger, nourrir, blanchir”, se transforme en “gérer, entretenir, contrôler”.

 

Surveillance et sécurité. Pressions psychologiques.

Personne de l’extérieur ne peut entrer sur le camp sans avoir décliné son identité et donné le numéro de plaque minéralogique de son véhicule.

Les Roms nous en parlent parfois comme d’une « semi-prison » et se plaignent d’être toujours sous surveillance. Ils nous ont raconté que pendant les semaines qui ont suivi l’ouverture du camp, la police municipale entrait quotidiennement en voiture dans la partie du camp qui rassemble les caravanes et sillonnait en voiture entre les caravanes. Par la suite, les patrouilles se sont faites à pied, les véhicules restant garés à l’extérieur de l’enceinte des caravanes.

Certaines femmes nous ont également raconté que la police leur avait fait un prélèvement ADN.

Et tous nous ont confirmé des propos racistes et un chantage permanent à l’expulsion (y compris pour leur faire faire le ménage des sanitaires!) de la part d’élus et fonctionnaires de la Ville (PS-EELV), nous demandant souvent: « Pourquoi ils font ce travail s’ils n’aiment pas les Roms? Ils n’ont qu’à changer de travail s’ils sont racistes! »

Nous leur expliquerons comment s’inscrire sur listes électorales et porter plainte contre propos discriminatoires et racistes. A bon(s) entendeur(s)…

 

Le discours officiel

La Ville ne cache pas le caractère expérimental du projet, par la voix des élus dont Christian Spiry (PS) et l‘adjointe aux Affaires sociales M.-D. Dreyssé, comme lors de la journée d’échanges sur « l’anticipation et l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites : point d’étape » organisée par la DIHAL le 27 septembre 2013 dont les actes ont été publiés ici. On y retrouve tout le discours de management libéral appliqué à la gestion de populations…

Un « espace temporaire d’insertion »… (selon le chef de la Mission Rom, JC Bournez)

Jean Claude Bournez répond à Hamzé 
25 juillet 2013 à 19 h 41 min: (…) « j’espère qu’il n’y aura jamais de camp rom à Strasbourg (de sinistre mémoire) mais un espace temporaire d’insertion ! Nous devons trouver des solutions pour ces familles qui vivent des situations très difficiles cela passe essentiellement par le travail qui leur permettra d’accéder aux logements sociaux. Elles y aspirent toutes.» (http://www.rue89strasbourg.com/index.php/2013/07/25/societe/limpossible-camp-rom/)

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Jean-Claude Bournez entouré de 2 vigiles devant l’entrée du camp Hoche

Extrait du CR de A. Zimmer : « J’ai pu le visiter en tant que Président du comité du MRAP le 12 mars 2014 entre 14h30 et 15h30 environ. J’ai été invité par Jean-Claude Bournez de la mission Rom à la Ville de Strasbourg.

J.C. Bournez  dit que cette situation à l’Espace Hoche est provisoire, dans l’attente de la réalisation d’un espace plus central. Le but de cet espace d’insertion temporaire  est que les personnes présentes puissent trouver un travail et  ensuite accéder à un logement dans le parc social de la CUS, si leur souhait est de rester à Strasbourg.»

Ce projet « Espace Hoche » étant présenté par la Ville comme “expérimental“, nous avons cherché s’il existait d’autres expériences passées ou présentes d’espaces de rassemblements de populations selon critère ethnique, hors état de guerre, et avons retenu les 3 exemples suivants:

1/ Le Camp pour Tziganes de Montreuil-Bellay

Un des plus grands camps de concentration pour Tsiganes de France, créé dès 1938 par le gouvernement français et non sur ordres allemands (détails ici). Comme il est indiqué dès les premières secondes du documentaire, ce camp de concentration regroupait des tziganes, qui n’avaient rien à se reprocher, n’avaient pas été jugés, ne subissaient pas de sévices corporels, étaient nourris (il y avait même une cantine pour les enfants), « pas un camp de transit, pas un camp de la mort, un camp où on les concentrait là sans raison… »

http://www.memorialdelashoah.org/attachments/article/167/A1_seltextes_167_hubert.pdf


Montreuil-Bellay. Un camp tsigane oublié (2012) par lhistoirestuncombat

 

2/ Les premiers « Centres spéciaux de rassemblement » pour étrangers

Rieucros, premier camp de la IIIème République: camp ouvert sur la base des décrets-lois de Dalladier en 1938 qui ont permis d’activer l’éloignement effectif des étrangers expulsés.

Download/Télécharger (FischerN_camps-11.pdf,PDF, 320KB)

 

3/ Décembre 2013: Israël invente les centres de détention “ouverts” pour éloigner les immigrés de ses villes.

Israël a adopté une nouvelle loi sur l’immigration. Celle-ci met notamment en place un système de détention en “centres ouverts”, éloignées des villes et qui ont surtout pour objectif de mener la vie dure aux migrants venus d’Afrique subsaharienne. Un concept qui paraît contradictoire mais dont le principe est en fait simple : permettre aux migrants de circuler librement la journée, tout en étant tenus de dormir dans un centre la nuit, de 22h à 6h du matin. Nourris et soignés, les détenus, ou plutôt 10 à 20% d’entre eux selon les chiffres évoqués par les autorités israéliennes, auront même la possibilité d’être employés par l’État, moyennant, en théorie, un maigre salaire, selon le quotidien israélien Haaretz. Il est vrai que, sous des apparences de souplesse, les centres de détention ouverts semblent avant tout le moyen de mener la vie dure aux migrants illégaux et de les pousser à accepter de quitter le territoire au bout de quelques mois de ce traitement.

Lire l’article: Israël invente les centres de détention “ouverts” pour éloigner les immigrés de ses villes

 

Il est à noter que les 3 exemples décrits sous le dénominateur commun de regrouper en un lieu des personnes sur critère ethnique sont tous qualifiés sans hésitation de « centres spéciaux de rassemblement », « centre de détention » ou « camps de concentration » (concentrer des personnes en un même lieu). Nulle part n’apparait le terme d’ « espace temporaire d’insertion »…

 

« Espace Hoche », un camp pour Roms ?

Au vu de l’ensemble de ces éléments, pourquoi parler de camp ?

Tout d’abord il faut s’ôter de l’esprit les images qui viennent à tout un chacun quand on parle de camps.

Rappelons d’abord qu’un camp de concentration n’est pas un camp d’extermination. Mais plus encore, un camp, et on s’appuiera sur Agamben, ne se définit pas par les traitements plus ou moins indignes ou criminels subis par les habitants.

« On appellera donc camp aussi bien le stade de Bari où, en 1991, la police italienne entassa provisoirement les immigrés albanais clandestins avant de les renvoyer dans leur pays, que le Vélodrome d’Hiver où les autorités de Vichy rassemblèrent les Juifs avant de les remettre aux Allemands ; aussi bien…les zones d’attente dans les aéroports internationaux français où sont retenus les étrangers désireux de se voir reconnaître le statut de réfugiés. Dans chacun de ces cas, un lieu apparemment anodin (par exemple l’Hôtel Arcades à Roissy) délimite, en réalité, un espace où l’ordre juridique normal est en fait suspendu et où commettre ou non des atrocités ne dépend pas du droit, mais seulement du degré de civilisation et du sens moral de la police qui agit provisoirement comme souveraine ‘par exemple pendant les quatre jours où les étrangers peuvent être retenus dans la zone d’attente avant l’intervention de l’autorité judiciaire)”. Homo Sacer. Le camp comme nomos de la modernité. p. 187-188. Seuil.

Comme le fait Agamben, appliquons sa méthode au cas d’espèce de l’ «Espace Hoche », « Au lieu de  déduire des événements qui s’y sont produits, la définition des camps, nous nous demanderons plutôt : qu’est ce qu’un camp, quelle est sa structure juridico-politique pour que de tels événements aient pu y trouver leur lieu ? ».

C’est cette méthodologie qui nous fait dire à propos du dit « Espace Hoche » qu’il s’agit d’un camp, sans doute expérience pilote pour d’autres villes de France .

En effet, ce camp rassemble des populations ciblées selon un profil ethnico-national, puisque ce sont des citoyens roumains d’origine Rom, des citoyens européens donc qui devraient bénéficier des mêmes droits que les autres Européens.

Qu’est ce qui justifie qu’on concentre des Européens pauvres vivant en bidonvilles selon des critères ethniques et nationaux ? Qu’en est-il du droit commun ? Surtout après le 1er janvier 2014 qui voit leurs droits élargis, notamment concernant le travail. Ils peuvent en théorie voter aux élections locales et européennes, ils peuvent s’inscrire à Pôle Emploi, bénéficier de la CMU.

Cette expérience n’est-elle pas vouée à s’amplifier au delà des Roms, aux refusés du droit d’asile, aux étrangers sans-papiers, aux SDF, puis aux populations pauvres françaises même à terme ?

N’est ce pas une conséquence prévisible du libéralisme économique de droite et de gauche selon lequel tout ce qui n’est pas rentable doit être mis en marge ? L'”espace Hoche” a toutes les caractéristiques d’un camp même s’il ne ressemble pour le moment à aucun des camps historiquement connus et étudiés.

C’est un espace éloigné de tout, sur un terrain militaire, entouré de clôtures, dont l’entrée est surveillée et filtrée par des gardiens de sécurité privée. Les habitants du camp peuvent en sortir et y entrer en apparence librement- ce n’est ni un Centre de rétention administrative, ni une prison-, mais leurs allées et venues ainsi que les personnes qui y entrent sans y vivre, sont sous surveillance.

Selon les décisions des responsables du camp certaines personnes ou associations sont interdites d’entrée. C’est le cas de Latchorom et de la Feuille de chou. A d’autres, collaborant loyalement, on distribue de généreuses subventions et on organise même des visites guidées afin qu’ils disent tout le bien possible des lieux, aveugles à la réalité de l’exception.

 

Conclusion

Rappelons d’abord que l’association Latchorom et la Feuille de chou se sont engagés dès le début pour la défense des droits des Rom, pour leur accès au logement, au travail et au droit commun.

Elle avait défendu un projet d’auto-construction de maisonnettes qui supposait que la ville alloue un terrain. La ville a fait défaut.

Si les « espaces » ouverts par la mairie de Strasbourg constituent du point de vue des conditions matérielles de vie, un progrès par rapport aux bidonvilles occupés avant par ces populations, il n’en reste pas moins que la « solution provisoire » présentée par la mairie risque de n’être qu’un rideau de fumée.

L’Espace 16 est promis à fermeture en octobre à cause de l’existence des fortifications classées monument historique. On ne peut croire un moment, au vu de la lenteur des processus, que les dizaines de personnes qui y résident actuellement seront entrées dans le droit commun d’ici là. Que deviendront ces populations qui n’auront ni travail ni logement ?

Quant à l’Espace Hoche, il est prévu officiellement jusqu’en juin 2014. La centaine de personnes présente ne sera pas plus intégrée d’ici là, car ce camp dispose d’encore moins de moyens humains que Espace 16.

On peut craindre au contraire que les populations Rom qui vivent encore actuellement sur des terrains dits illicites soient, comme c’est le cas tous les jours, chassées ou concentrées elles aussi sur le camp Hoche qui est très vaste.

Au delà de Strasbourg, il est à craindre que cet « Espace Hoche », soit une opération pilote pour d’autres villes de France. Et que cette exception juridico-politique n’essaime et au delà même des Roms-Migrants, ne puisse accueillir la « misère du monde », celle qu’à défaut de faire mourir, on escamote loin des yeux des citoyens au mépris des lois européennes et des Droits de l’Homme.