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Les statues meurent aussi est un documentaire-court métrage français réalisé par Chris Marker et Alain Resnais sorti en 1953.

Il fut commandité par la revue Présence africaine. Partant de la question « Pourquoi l’art nègre se trouve-t-il au musée de l’Homme alors que l’art grec ou égyptien se trouve au Louvre ? », les deux réalisateurs dénoncent le manque de considération pour l’art africain dans un contexte de colonisation. Le film a été censuré en France pendant huit ans en raison de son point de vue anti-colonialiste. En 1960, seules les deux premières bobines ont été autorisées. Le film complet n’est sorti qu’en 1968.


Réalisation : Alain Resnais, Chris Marker
Image : Ghislain Cloquet
Montage : Alain Resnais, Henri Colpi, André Louge
Musique : Guy Bernard, orchestre dirigé par André Hodeir
Production : Présence Africaine, Tadie cinéma

 

Quant à eux, ils savaient tout ce qui se passait en Afrique et nous étions même très gentils de ne pas avoir évoqué les villages brûlés, les choses comme ça ; ils étaient tout à fait d’accord avec le sens du film, seulement (c’est là où ça devient intéressant), ces choses-là, on pouvait les dire dans une revue ou un quotidien, mais au cinéma, bien que les faits soient exacts, on n’avait pas le droit de le faire. Ils appelaient ça du “viol de foule”. L’interdiction eut des conséquences très graves pour le producteur. Quant à nous – est-ce un hasard ? – ni Chris Marker ni moi ne reçûmes de propositions de travail pendant trois ans.

Alain Resnais, sur son entretien
avec deux des représentants de la commission de censure
 [1]


« Il n’a pas paru possible à la commission de suggérer des coupures, tant dans le déroulement des images que dans le commentaire, sous peine d’encourir à ses yeux le reproche de se substituer aux auteurs ». C’est en s’abritant derrière ce « refus de se substituer aux auteurs » que la commission a toujours refusé de nous indiquer ce qui la gênait. Mais un jour, deux membres de la commission sont venus me voir pour me déposséder de la réalisation du film !
[…]

Ils sont venus me voir dans ma salle de montage.Ils me disaient « Vous avez fait un très beau film mais vous comprenez bien qu’on ne peut pas lui donner le visa ! Il suffirait de l’arranger, il est trop beau pour que vous le laissiez perdre… Ne croyez pas que nous soyons contre le contenu, non, non, au contraire ! Si on vous racontait tout ce qu’on sait sur l’Afrique, tout ce qui s’y passe, les villages brûlés… mais me disaient-ils, vous n’en suggérez pas le quart !… Je leur répondais : « je ne fais pas un film sur le colonialisme, ça pourrait éventuellement m’intéresser d’en faire un mais ce n’est pas le sujet de celui-ci ».

Extraits de l’interview d’Alain Resnais réalisée
par René Vautier dans les locaux de Slon rue Mouffetard à Paris
. [1]

 

Notes

[1] Référence : https://groups.google.com/forum/# !t…

repris de LDH-Toulon, merci à François Nadiras

Chris Marker à propos du film :

« Les statues meurent aussi » …voici un film dont on a beaucoup parlé. Un peu trop, sans doute. Et il est probable que relâché par une censure qui le garde sous clef depuis 10 ans, il décevrait. Le « colonialisme » qu ‘il met en accusation dans sa dernière partie, qui le revendique en ces temps éclairés et décolonisateurs que nous vivons ? En fait, et même à l’époque de sa réalisation, les raisons de ce « Grandeur et décadence de l’art nègre » n’ont jamais été très claires. Elles visaient vraisemblablement plus la forme que le fond et plus précisément une certaine règle du jeu, un certain code non respecté de la « forme ». Ainsi, des fonctionnaires qui apparaissaient au hasard des bandes d’actualités utilisées dans la dernière bobine, et dont le visage était aussi inconnu des auteurs que du public, n’ont jamais pu se défaire de l’idée (étrangement flatteuse) qu’ils étaient pris personnellement à partie. Or il est bien établi que le pamphlet, genre admis et honoré en littérature, ne l’est pas au cinéma, divertissement des masses.

Chris Marker. Extrait de son ouvrage « Commentaires » paru au Seuil en 1961. (inhttp://www.larevuedesressources.org/les-statues-meurent-aussi,2239.html)

Lire: 

la transcription par Taos Aït Si Slimane, de l’émission de France Culture,« La Nouvelle Fabrique de l’histoire », (rediffusion) du mardi 18 juillet 2006, passionnante: http://www.fabriquedesens.net/Les-statues-meurent-aussi

Les statues meurent aussi, histoire d’une censure :http://www.grecirea.net/textes/06TexteFF08.html

Sur Présence Africaine :http://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9sence_africaine

Sur le pillage ethnologique colonial des “objets” africains, voir ici même :Main basse sur le Kono.

Sources: http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article5791#nb1 http://campvolant.com/2014/03/23/les-statues-meurent-aussi/