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12 balles dans la peau?
Snowden peut être qualifié de traître à la démocratie“.

La faute à Bourdieu
S’agissant d’abord de la formation des journalistes, il relève une dégradation de l’éthique journalistique due notamment à l’intérêt de nombreux étudiants pour l’idéologie de Bourdieu, selon laquelle il y a des dominants et des dominés dans toute société, et que dans cette différence réside le principe de base de l’organisation sociale.

Lynchage
Le lynchage médiatique subi par exemple par l’ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy, est, quoi qu’on en pense, inacceptable de la part d’une profession qui doit informer le public.

Internet
La circulation des informations n’est pas régulée et le < < journalisme-citoyen >> est responsable de la rumeur et du complot.

“Philippe Val aux Amis du CRIF

Suite à la polémique engendrée par les déclarations de Philippe Val lors de la conférence devant les Amis du CRIF le 29 avril, il nous a demandé de publier le texte suivant qui explicite ses déclarations :

Devant plus de 200 personnes, Philippe Val a exprimé sa foi en un journalisme responsable, sérieux et documenté et a fait part de son inquiétude face à un journalisme sujet à l’éthique de conviction.

Il a d’abord rappelé que la loi sur la presse de 1881 a été décisive pour la démocratie française, car elle a permis à la presse de s’affranchir du régime d’autorisation préalable et de cautionnement, donnant ainsi naissance à la liberté de la presse et à la liberté d’expression – terme aujourd’hui galvaudé.

Le fait que le prix Pulitzer ait été attribué aux journalistes qui ont révélé l’affaire Snowden est symptomatique de cette confusion sur le terme de < < liberté d'expression. >> La liberté d’expression est strictement encadrée (cf. loi Gayssot de 1972, lois sur la diffamation et l’insulte…) et ne peut avoir cours qu’au sein même d’un état de droit. Or, les informations révélées par Snowden concernent les affaires internationales et les relations entre Etats au niveau mondial, qui ne relèvent pas de l’état de droit, mais de l’état de nature. En mettant en danger la vie d’un certain nombre d’agents qui opèrent sur des terrains extérieurs, en révélant ce qui doit rester de l’ordre du < < secret-défense >> et qui engage la sécurité des citoyens, Snowden peut être qualifié de traître à la démocratie.

La crise que traverse aujourd’hui le journalisme est due, selon lui, à plusieurs facteurs.

S’agissant d’abord de la formation des journalistes, il relève une dégradation de l’éthique journalistique due notamment à l’intérêt de nombreux étudiants pour l’idéologie de Bourdieu, selon laquelle il y a des dominants et des dominés dans toute société, et que dans cette différence réside le principe de base de l’organisation sociale. Or, selon Philippe Val, le journalisme n’est pas une affaire de dominés ou de dominants, de bien ou mal et encore moins de morale. Les journalistes ne doivent pas se laisser influencer par leurs propres convictions pour rendre compte du réel et bien faire leur travail. Il faut accepter le fait que le réel n’est pas moral et qu’il est parfois contraire à ses opinions personnelles. Le lynchage médiatique subi par exemple par l’ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy, est, quoi qu’on en pense, inacceptable de la part d’une profession qui doit informer le public. La démocratie impose un devoir de vérité et les non-lieux devraient occuper la même place dans les médias que les mises en examen.

La crise est également due au fait que l’information ne donne < < plus faim.>> Le rôle de la presse est d’offrir au public un contenu qui les honore, ceci est particulièrement vrai pour les < < indécis. >> La chute des ventes de journaux s’explique par de nombreux facteurs, mais l’un d’entre eux réside bel et bien dans la médiocrité des contenus proposés et dans l’incompréhensible hiérarchisation de l’information. On peut s’interroger aujourd’hui sur l’audience qu’auraient les chaînes de télévision publiques si ces dernières n’étaient pas gratuites.

Enfin, Philippe Val est revenu longuement sur le rôle d’internet dans cette crise du journalisme. Internet est un magnifique outil de liberté, mais s’agissant du journalisme et de l’information, il est une jungle dans laquelle la réalité peut être < < physiquement >> loin derrière le mensonge. Il devient alors un outil qui nourrit la < < démocratie des crédules. >> (cf. livre de Gérald Bronner). Il suffit de taper < < 11 septembre 2001 >> dans la barre de recherche pour constater que ce sont d’abord – et en grande majorité – des sites négationnistes et complotistes qui ressortent dans les résultats. La circulation des informations n’est pas régulée et le < < journalisme-citoyen >> est responsable de la rumeur et du complot. On prédisait que les contenus de la presse écrite se retrouveraient – du fait de l’évolution des moyens de < < consommation >> de la presse – sur internet : or aujourd’hui, c’est parfois le pire d’internet que l’on retrouve dans les < < vrais >> journaux. La presse numérique a noyé le contenu de qualité des médias dits traditionnels.

La crise provient aussi du manque d’esprit critique et de culture des journalistes qui invitent toujours les mêmes prétendus < < experts >> sur les plateaux, alors même que certains d’entre eux ne sont pas des analystes, mais des militants. Philippe Val est convaincu qu’il faut honorer les lecteurs, auditeurs et téléspectateurs avec un vrai travail d’investigation qui rend compte de la réalité. Il a conclu les débats en soulignant que l’information peut rendre plus libre, en ce sens qu’elle a pour but de nourrir notre intelligence du monde

Les questions soulevées étaient passionnantes et auraient permis plusieurs heures supplémentaires de débats, plusieurs adhérents des Amis du CRIF n’ayant pu poser leurs questions. Le public était conquis par l’intelligence, la force de conviction et la foi de Philippe Val envers le journalisme.