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Mercredi 23 juillet 2014 seront présentés en Conseil des ministres les projets de loi sur l’asile et l’immigration. 

Projet de loi sur l’immigration, la continuité dans la répression 

Des mesures fortes étaient attendues dont le texte ne fait aucune mention : 
– réduction de la durée de rétention qui revêt aujourd’hui un caractère punitif ; 
– retour du contrôle du juge des libertés et la détention au bout de 48 heures pour éviter les expulsions sans aucun contrôle de la justice ; 
– rétablissement de la carte de résident que les réformes successives ont peu à peu vidé de son sens, à savoir faciliter l’intégration des étrangers ; 
– alignement du droit applicable en Outre-mer sur celui de la métropole pour mettre fin à un régime dérogatoire injustifiable ; 
– interdiction de l’enfermement des enfants en centre de rétention. 

Et ce que le gouvernement présente comme la grande avancée du texte, le titre de séjour pluriannuel, ne sera pas à même d’apporter stabilité administrative, sécurité juridique et sérénité aux personnes étrangères puisque ce titre de séjour peut être retiré à tout moment par le préfet. Pour ce faire, des pouvoirs de contrôle démesurés lui sont confiés puisqu’il peut vérifier l’exactitude des informations dont il dispose auprès d’interlocuteurs aussi divers que les fournisseurs d’énergie et de télécommunication, les banques, les entreprises de transport des personnes, la sécurité sociale, les collectivités territoriales, les hôpitaux ou les écoles, au risque de dénaturer leurs missions.

Des mesures clairement insuffisantes mais aussi des mesures dangereuses : 
– généralisation du bannissement des personnes expulsées par le développement des interdictions de retour en France et en Europe pour une période de trois ans ; 
– création d’une interdiction de circuler sur le territoire français pour les communautaires ; 
– réduction du délai de recours contre les obligations de quitter le territoire français ; 
– possibilité d’interpeller à leur domicile les personnes assignées à résidence et d’emprisonner celles qui ne respectent pas leur assignation.

Projet de loi sur l’asile, un accueil sous surveillance

Le texte comporte des modifications importantes liées à la transposition –tardive- en droit français des directives européennes ainsi : 
– procédure d’enregistrement et d’examen de la demande d’asile plus rapides, 
– entretien systématique à l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) avec la possibilité d’une assistance par un avocat ou une association, 
– accès aux conditions matérielles d’accueil pour tous les demandeurs d’asile, 
– recours suspensif permettant au demandeur de se maintenir en France jusqu’à l’examen de son dossier par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).

Il contient cependant des reculs importants pour les demandeurs d’asile, tels que l’augmentation des procédures accélérées, la création de procédures d’irrecevabilité et de radiation des demandes, l’examen de certains dossiers par un juge unique à la CNDA et au tribunal administratif

La mesure la plus emblématique de ce texte est le cantonnement des demandeurs d’asile dans leur lieu d’hébergement. Les demandeurs d’asile sont tenus d’accepter la place en Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) qui leur est proposée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), n’importe où en France. Et s’ils quittent leur CADA pendant plus de 48 heures sans autorisation du préfet, l’Ofpra peut purement et simplement clore leur demande d’asile.

Ces deux textes, dangereux à bien des égards, ont en commun le renforcement du contrôle et de la surveillance des personnes étrangères. 

http://www.lacimade.org/nouvelles/5060-Migrations—–quand-la-rupture-avec-l-obsession-de-fermeture-et-de-contr-le–

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Nous voulons accueillir et non contrôler les migrants et les réfugiés !

Que cela soit dans les permanences de nos associations, dans les réseaux de solidarité de nos mouvements, dans les centres d’accueil pour les demandeurs d’asile ou dans les centres d’hébergement, nous accueillons et accompagnons dans leur difficile insertion des migrants, des demandeurs d’asile et réfugiés, quel que soit leur statut.

Attachés aux valeurs d’accueil inconditionnel et de solidarité, nous ne pouvons que nous inquiéter de l’évolution de la politique d’accueil des étrangers, particulièrement des demandeurs d’asile, et craignons qu’à la logique d’accompagnement et d’insertion, qui doit prévaloir dans les missions du travail social, tende à se substituer une logique de contrôle et de surveillance.

Des avant-projets de réforme de l’asile et de l’immigration sont en effet connus et contiennent  des mesures inquiétantes qui mettraient à mal l’accueil et les réflexes de solidarité.

Plusieurs points sont particulièrement inquiétants : l’obligation qui serait faite aux demandeurs d’asile d’être hébergés dans des centres d’accueil  ignore et rejette la solidarité familiale ou l’entraide citoyenne ; l’obligation de contrôler la présence des étrangers dans les structures d’hébergement instaurerait un nouveau type d’accueil sous contrainte ; le régime de l’assignation à résidence pour les déboutés du droit d’asile et les discussions autour de la création de centres dédiés qui remettraient  en cause le principe d’accueil inconditionnel  ; enfin, la possibilité ouverte aux forces de police d’interpeller les migrants à leur domicile, ou au sein même des structures d’hébergement, dissuaderait les actes de solidarité, rendrait suspect tout acte d’hospitalité, et mettrait à mal la relation de confiance qui prévaut entre une association et une personne accueillie.

Les orientations des projets de loi du ministère de l’Intérieur, si elles étaient confirmées, placeraient ainsi les travailleurs sociaux et les bénévoles des associations en contradiction avec l’éthique et les principes de déontologie liés à leur profession ou leur engagement citoyen. Car les associations et les mouvements de solidarité, comme les acteurs du travail social, se donnent pour objet d’accueillir et d’accompagner sans distinction toute personne confrontée à des difficultés sociales : pas de les surveiller !

Parce que nous craignons que ces principes fondamentaux soient remis en cause par ces réformes ; Parce que nous refusons de devenir des auxiliaires de police, chargés de surveiller des personnes fuyant la misère ou l’oppression ; Parce que nous ne voulons pas contribuer au fichage des personnes que nous accueillons en transmettant les données confidentielles sur les personnes accueillies à des fins autres que celles du suivi social ; Parce que nous voulons continuer à développer des actions citoyennes ou à exercer un travail social qui respecte la liberté et la dignité de toutes les personnes ; Parce que nous refusons d’assurer un contrôle des migrants au nom et pour le compte de l’Etat, nous demandons le respect clair des principes de déontologie qui relèvent du travail social à l’égard de tous les migrants, comme nous demandons la reconnaissance et le respect des actes d’entraide et de solidarité développés au sein de la société.

C’est à ces conditions que les associations pourront continuer à accueillir et accompagner dignement les migrants dans le respect des valeurs de solidarité, d’égalité de traitement, et d’accueil inconditionnel.

Thierry Brigaud, président de Médecins du monde ; Véronique Fayet, présidente du Secours catholique ; Louis Gallois, président de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociales ; Jean-Michel Hitter, président de la Fédération de l’entraide protestante ; Geneviève Jacques, présidente de La Cimade ; Thierry Khun, président d’Emmaüs France.

Tribune publiée dans La Croix le 21 juillet 2014.