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Comme chacun sait, le bleu-marine est une couleur qui sied très bien à une sorte très particulière de playmobils : ceux qui enjolivent le pavé des grandes villes et les abords champêtres des Zones À Défendre (ZAD). Dernièrement, et comme cela arrive régulièrement en France et ailleurs, ce bleu-marine s’est marié avec le rouge du sang d’un manifestant désarmé de 21 ans, Rémi Fraisse, abattu par un de ces gardiens de l’ordre républicain et démocratique qui ne sera pas sanctionné, justement parce que le bleu-marine, ça sert par définition à défendre l’ordre démocratique.

Quand ce genre de chose arrivent, on parle d’un assassinat, ou d’un meurtre, ou, dans le cas d’une milice de l’État, d’une exécution extra-judiciaire. Voire, quand on est encore un peu progressiste et qu’on trouve que quand la police ou (en l’occurrence) la gendarmerie tue c’est tout de même un peu exagéré, on parle de bavure.

Le gouvernement actuel est censé être modérément progressiste, même si c’est difficile à croire. Disons que jusqu’ici, la rumeur publique le situait légèrement à gauche de Christian Estrosi. Pourtant, d’après le ministre de l’Intérieur, le très démocratique Bernard Cazeneuve, personne n’a même bavé : il ne s’agit donc pas d’une bavure, même pas d’un postillon. Rien. Juste un mort, tué par une grenade offensive mais démocratique.

La mort de Rémi Fraisse a suscité et suscite encore des réactions diverses, ce qui est logique, dans un pays modérément démocratique. Certains, de Manuel Valls à Bernard Cazeneuve en passant par tout ce que la France compte d’honorables représentants de la droite modérément démocratique, trouvent que le problème c’est surtout que les gens provoquent les gardiens casqués et cuirassés de l’ordre modérément démocratique, ce qui n’est pas gentil. Certain disent même que c’est post-faciste, c’est dire.

D’autres ont un autre message à faire passer, dans la rue, dans ce qui s’appelle toujours une manifestation, ce qui est, rappelons-le, une des libertés fondamentales dans un pays modérément démocratique. Les braves gens de la« Manif pour tous » le savent : ils en usent et en abusent en toute tranquillité. Le problème ici c’est que s’il n’y pas de bavure, il n’y a pas de raison de manifester. Alors le gouvernement et la préfecture de police de Paris prennent la même mesure d’ordre public trouble qu’en juillet, lors des manifestations contre le massacre de la population civile de Gaza orchestrée par le gouvernement d’extrême-droite de Netanyahou : ils interdisent la manifestation. Outre qu’on se croirait revenus au temps de la guerre d’Algérie, quand les gouvernements de la Quatrième République finissante interdisaient les manifs contre la guerre coloniale, ces interdictions à répétition ne peuvent avoir qu’un sens : elles signifient que le néo-pétainisme ambiant est en train de gangréner le gouvernement « socialiste ». Manuel Valls, Hollande et cie courent derrière les exigences des pires éditocrates réactionnaires et satisfont d’avance les braves gens, les tenants de l’ordre et du droit de construire en paix des barrages, des autoroutes, des aéroports ou des tunnels inutiles, pour le profit des pires mafias bétépistes.

En attendant, respecter l’interdiction de manifester, ce serait laisser l’espace public à une marée casquée : les playmobils bleu-marine, eux, ils sont autorisés à défiler. Avec leurs armes. Ah ! Et puis il ne faudrait pas oublier que le bleu-marine, ce n’est pas uniquement la couleur de leur uniforme. C’est aussi celle de l’opinion politique ultra-majoritaire chez eux, comme l’a bien montré une enquête récente. Alors ? Une position modérément démocratique indique que quand un gouvernement donne raison aux néo-pétainistes et laisse la rue aux troupes brun-marine, il n’y a aucune raison de considérer que sa décision est respectable. Ni oubli ni pardon, le brun-marine c’est bon pour les casernes, pas pour la rue.

http://quartierslibres.wordpress.com/2014/11/02/une-manif-brun-marine/