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Strasbourg – Files d’attente interminables à la préfecture « Maltraitance administrative »
MSK
01/04/2017 à 05:00

Depuis janvier, la préfecture du Bas-Rhin n’arrive plus à traiter de manière fluide les demandes de renouvellement de titres de séjour. Il en résulte tous les matins des files d’attente inhumaines à l’extérieur du bâtiment.

« Je suis habituée à un peu d’attente pour le renouvellement de ma carte de séjour », nous raconte Meryem. Mais lorsque la jeune femme arrive un matin à 9 h, il y a une dizaine de jours, elle se rend compte que la file la concernant démarre à l’extérieur du bâtiment, place de la République. Trois fois encore, ces derniers jours, elle viendra, de plus en plus tôt, pour tenter d’accéder au ticket de passage à un guichet. Vers 10 h, 10 h 30 parfois, les vigiles et policiers qui maintiennent l’ordre à l’entrée annoncent la fin des prises en compte de dossiers jusqu’au lendemain.

« Je vais tenter de revenir mardi très tôt, poursuit notre interlocutrice. Je suis assez angoissée parce que mon titre expire le 7 avril. Si je suis en situation irrégulière, je peux être licenciée de mon travail… »
« Are you from Human Rights ? »

Ce vendredi matin, ils sont approximativement 300, canalisés en quatre files entre des barrières métalliques. Les demandes initiales (asile, séjour) ainsi que la file « permis de conduire, immatriculations », accessibles sur rendez-vous seulement, sont traitées selon un rythme fluide. Pour les dépôts de dossiers de renouvellement de titres de séjour, ainsi que les retraits, l’affaire se corse.

« Are you from Human Rights ? », nous lance un jeune homme à la vue de notre carnet et notre stylo. « C’est de la discrimination de nous laisser comme ça dans le froid ! » Le jeune homme piétine le long du bâtiment depuis cinq heures du matin.

« Ça fait un moment que ça dure, cette situation », raconte Gabriel Borgatti. « 300 personnes attendent et 30-40 ont l’espoir de passer ». Ayant perdu ses papiers, notre interlocuteur revient pour la troisième fois dans la file « dépôt de dossiers », la plus éprouvante pour le physique et les nerfs. Juste un peu devant lui, une femme aux yeux cernés fume nerveusement, emmitouflée dans une couverture par-dessus sa veste en jean et son gros pull. « Ils manquent de personnel », croit savoir un de ses voisins. « Pour dix guichets, vous avez deux ou trois fonctionnaires. Ce n’est pas normal ! »

Sur le côté de la file d’attente, des parents avec enfants en poussette ont leur propre sas d’accès à ces précieux guichets. Selon des règles un peu aléatoires. « Les plus fragiles accèdent en priorité », répète un des policiers en charge de ce compte-gouttes désastreux. C’est vrai pour des personnes manifestement âgées et les familles avec une personne en fauteuil roulant. Mais à 10 h du matin, un homme muni d’une carte d’invalidité est toujours sur la touche, désemparé. Les mamans avec poussette passent parfois en coupe-file avant ceux qui ont pris la queue aux aurores. L’occasion de prises de bec sordides entre ceux qui font valoir le confort des bébés et ceux qui manquent leur matinée au travail…
Inutile de venir après 10h30

À 10 h, une dame est sur le point de s’endormir, la tête posée sur une barrière au niveau des retraits de dossiers. L’ouverture pour une dizaine de personnes de la barrière « dépôt » donne lieu à un mouvement de foule inquiétant, des cris, une alerte maximale pour les vigiles et les policiers qui haussent le ton dans un stress allant aussi au-delà de ce qui serait normalement admissible pour eux. Gabriel Borgatti est pâle. Il se sent mal depuis un moment. Il attend en première ligne en se demandant s’il ne sera pas le premier refoulé de cette journée.

À la préfecture, on dit faire face « à un phénomène nouveau, depuis janvier, à savoir la concentration des arrivées pour les renouvellements le matin, très tôt », explique le secrétaire général Christian Riguet. « Du coup, notre capacité journalière de traitement des dossiers (trois agents sur neuf s’occupent des dépôts) est saturée à 10 h 30 »… On peut aussi dire que la capacité de traitement des dossiers fait qu’il est inutile pour une personne en demande de venir après 10 h 30.
Rendez-vous sur internet à partir du 2 mai

Quoi qu’il en soit, les personnes venant pour une immatriculation, un permis de conduire, les étrangers malades et ressortissants européens ont la possibilité de réserver un créneau de rendez-vous sur internet. Contrairement aux étrangers hors UE. Et force est de constater que ce système de rendez-vous est bien plus efficace.

À partir de lundi, les services de la préfecture vont essayer d’améliorer l’accueil en… créant une cinquième file d’attente ! On y fera la queue pour un renouvellement de récépissé, autrement dit, un titre provisoire de trois mois attestant que le titre de séjour est « en cours de fabrication ». Autrement dit, des dossiers dûment remplis sont en cours de traitement depuis plus de trois mois.

La vraie bonne nouvelle est que toutes les demandes de renouvellement de titre de séjour pour tous les étrangers pourront faire l’objet d’un rendez-vous sur internet pour des dates courant à partir du 2 mai prochain. « Les prises de rendez-vous pourront se faire dès le 15 avril, en principe », indique Christian Riguet. En attendant, perdurera ce que la Cimade dénonce depuis plusieurs jours sur son site Facebook comme une « maltraitance administrative ».

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