Tram de Bamako: le maire de Strasbourg entendu par la police
07 juin 2013 | Par Mathilde Mathieu

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Le sénateur et maire de Strasbourg, Roland Ries, a été interrogé le week-end du 1er juin par la police dans l’affaire dite du « tram de Bamako », d’après des informations recueillies par Mediapart. L’audition de ce baron socialiste, qui doit annoncer en juin s’il se représente aux prochaines municipales, était attendue depuis des lustres : l’ouverture d’une information judiciaire pour « favoritisme » et « recel de favoritisme » remonte en effet à 2010.

Son ancien directeur de cabinet, Patrick Pincet, a par ailleurs été convoqué, le 15 mai dernier.

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Dans cette affaire, dont l’instruction a été dépaysée à Metz, Roland Ries est soupçonné d’avoir enfreint le code des marchés publics en confiant à trois entreprises locales la réalisation d’une d’« étude de faisabilité » d’un tramway sur pneus à Bamako, capitale désargentée et cabossée du Mali, qui n’a jamais débouché sur un projet concret. Une drôle d’étude pour laquelle la ville de Strasbourg a tout de même déboursé 50 000 euros sans qu’aucun appel d’offres ait été lancé, ni la moindre mise en concurrence organisée.

La mise en forme de cette « étude », notamment, avait été déléguée à un proche du maire, le rocardien Roland Boehler. Ce dernier, ainsi que les représentants des trois entreprises choisies par la ville, ont d’ores et déjà été entendus par les enquêteurs.

En parallèle de cette information judiciaire, la Chambre régionale des comptes est venue, en mars dernier, accabler le maire dans un rapport sur la gestion de la municipalité. Elle estime en effet que les contrats signés pour cette étude « relevai(en)t bien du code des marchés publics » et pointe « l’absence de mise en concurrence concernant le choix des (entreprises) prestataires ».

Les magistrats financiers tiquent également sur le coût de l’étude payée par la municipalité (« 48 500 euros TTC pour 49 pages »), qu’ils racontent au passage avoir eu du mal à récupérer (« La chambre ne l’a obtenue qu’une fois ladite étude publiée sur un site internet (wwww.mediapart.fr) »).

En défense, l’argumentaire de l’équipe municipale se résume ainsi : elle aurait agi en vertu d’une convention de coopération internationale signée avec Bamako ; l’étude de faisabilité aurait ainsi été ordonnée par Strasbourg « en qualité de mandataire » de Bamako, ville étrangère non assujettie au code des marchés publics ; la municipalité de Strasbourg n’avait par conséquent aucune raison de se plier à ce code.

Tel n’était pas l’avis, à l’époque, du directeur général des services de la ville, qui a saisi le parquet. Ni de l’adjointe au maire alors en charge des marchés publics (Chantal Augé, sans étiquette), qui s’est vu retirer son titre.

« S’agissant d’une étude pour le compte d’un tiers, en l’occurrence le district de Bamako, le code des marchés publics prévoyait de façon explicite qu’il n’était pas nécessaire de recourir à un appel d’offres », assène aujourd’hui Patrick Pincet, l’ancien directeur de cabinet de Roland Ries. Mais la Chambre régionale des comptes n’affirme-t-elle pas qu’il fallait une mise en concurrence? « Il peut y avoir des analyses différentes », balaye-t-il. Enfin, comment expliquer que cette étude de faisabilité, d’aspect relativement indigent, n’ait débouché sur aucun projet de tram au Mali ? « Malheureusement, il y a eu le coup d’État que l’on sait… »

Interrogé sur l’implication précise de Roland Ries dans cette affaire, l’ancien directeur de cabinet répond : « Ça n’était pas un dossier banal, puisqu’il était suivi par le Président de la République au Mali ; par ailleurs, Roland Ries était premier vice-président de la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS) chargé des transports; donc ce dossier était suivi par moi-même en relation avec lui. Mais il n’est pas rentré dans tous les détails techniques. Moi-même non plus… » Quant au choix des trois entreprises bénéficiaires, Patrick Pincet explique qu’il « a été fait de façon collective… »

Sollicité par Mediapart, Roland Ries n’a pas souhaité communiquer sur les réponses apportées ce week-end aux policiers.
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