Intolérable impunité

Assassinats ciblés ? Impunis. Mépris envers les résolutions de l’ONU ? Impuni. Massacre de Jenine ? Impuni. Invasion du Liban ? Impunie. Multiplication des colonies ? Impunie. Mur en Cisjordanie ? Impuni. Invasion de Gaza en décembre 2008 ? Impunie. Blocus de Gaza ? Impuni. La liste est si longue de ces crimes restés à ce jour impunis. Plus il commet d’infractions au droit international plus Israël semble devoir être récompensé par un silence ou des protestations de forme qui ne peuvent légitimement manquer de paraître pour la rue Palestinienne et l’opinion publique internationale comme une honteuse complicité à la fois de l’Occident et du Monde arabe. L’impunité dont bénéficie Israël est devenue un chèque en blanc délivré par les puissants de la planète à l’Etat d’Israël, qui ne manque pas d’ajouter chaque fois un degré supplémentaire aux limites déjà franchies.

En s’attaquant avec une telle violence à 6 bateaux et 700 civils internationaux venus apporter des biens de première nécessité à la population assiégée de Gaza, Israël a montre une fois de plus qu’il ne sait pas garder son sang froid et qu’il ne connait d’autre langage que les armes. Ce dernier crime –l’usage de la force contre des civils internationaux non armés se soldant par une dizaine de morts et plusieurs dizaines de blessés– restera-t-il à son tour impuni ? On peut le craindre. Mais cette impunité ne restera pas éternelle. Et l’Etat israélien devra un jour rendre des comptes devant un tribunal international pour la série de crimes commis depuis sa création sur décision de l’ONU, en 47, ce machin dont il n’a pourtant jamais respecté aucune des résolutions.

Les mensonges répétés de l’ambassadeur d’Israël en France Daniel Shek quant au nombre de convois humanitaires autorisés à délivrer leurs cargaisons à la population assiégée de Gaza n’y changeront rien. Gaza se meurt. Il est urgent de lever ce blocus criminel et l’action Flottille de la liberté permet au monde de prendre conscience de l’horreur subie par 1,5 millions de personnes privées de nourriture, de soins et des moyens de reconstruire leur pays ramené à l’âge de pierre suite à l’opération Plomb durci.

L’opinion publique internationale n’est pas dupe : le but de cette opération n’était rien de moins que de porter un coup fatal aux négociations israélo-palestiniennes actuelles imposées par les Etats-Unis. Il ne faut pas s’y méprendre : Israël n’a jamais voulu la paix et ne la veut pas plus aujourd’hui qu’hier. Israël est confronté de face à son rêve originel de bâtir le Grand Israël sur la totalité des terres palestiniennes. Sa communauté ultra-orthodoxe et ses droites dures sont là pour le lui rappeler sans cesse, qui pèsent sur chaque élection faisant et défaisant les majorités au gré de leurs intérêts et de leur rêve biblique. Ce rêve constitue aujourd’hui le véritable défi auquel est confronté ce jeune Etat à l’histoire si chargée en drames et faits accomplis et dont les victimes sont des Palestiniens innocents de la mémoire de la Shoah dont Juifs et Israéliens ne veulent se défaire.

Quiconque se rend en Israël constate avec acuité combien les médias entretiennent la peur et la haine qui sont les ciments de l’unité nationale. Israël a besoin pour survivre d’une tension perpétuelle quotidiennement entretenue par les autorités et les médias. Depuis l’invasion de Gaza en 2008 la machine de propagande israélienne n’a rien à se mettre sous la dent. Aussi l’armée rêve-t-elle d’en découdre avec l’Iran malgré les appels à l’ordre de l’administration Obama. La paix avec les Palestiniens et le monde arabe, la paix des braves, celle avec un grand P, est un danger pour la survie de l’Etat juif, car elle ferait voler en éclats d’un coup d’un seul le sempiternel argument de la sécurité et de celui de peuple mal aimé et persécuté.

Trois gros pavés pèsent de manière extrême sur la conscience collective israélienne : la mémoire de la Shoah ; la peur entretenue méthodiquement ; et le rêve d’un Grand Israël. Tant que la société israélienne –et juive pour ce qui est de la Shoah– n’entreprendront pas de véritable introspection sur ces points la paix restera aussi éloignée qu’elle ne l’a été depuis 60 ans. A moins que les Américains n’en décident autrement. A moins que la communauté internationale ne décide de dire « stop à l’impunité » !

Israël a toujours privilégié la politique du fait accompli. Son arrogance n’a jamais eu d’autre limite que sa formidable puissance militaire. La liste de ses faits d’armes et de ses provocations ne cesse de s’allonger depuis 67, date de l’annexion de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est, du Golan syrien et du Sinaï égyptien : 1969, le Mossad dérobe à la France sept vedettes mises sous embargo par le Général De Gaule ; 1974, assassinat en Norvège d’un serveur marocain ; 1981, bombardement de la centrale irakienne de Tammuz ; 1982, invasion du Liban (Paix en Galilée) ; 1985, raid sur le quartier de l’OLP à Tunis ; 1987, 1ère Intifada ; 1988, assassinat d’Abou Jihad à Tunis ; 1994, massacre du Caveau des Patriarches à Hébron ; 1996, invasion du Liban (Raisins de la Colère) ; 1997, tentative d’assassinat en Jordanie de Khaled Mechaal ; Septembre 2000, 2ème Intifada ; 2002, massacres de Jenine (opération Rempart) et siège de la Moqataa à Ramallah ; 2002, début de la construction du Mur ; 2003, début de la politique des « assassinats ciblés » ; 2003, assassinat de Rachel Corrie ; Mars 2004, assassinat de Cheikh Yassine ; 2004, décès de Yasser Arafat suite à un empoisonnement ; 2006, invasion du Liban (Pluie d’été) ; 2007, blocus de Gaza ; Décembre 2008, invasion de Gaza (Plomb durci) ; 2010, assassinat à Dubaï de Mahmoud al-Mabhouh… La liste est véritablement trop longue pour la présenter de manière exhaustive. A chaque fois les opérations israéliennes soulèvent un tollé international… qui retombe aussitôt comme un fétu de paille. Cette impunité est intolérable.

Quand sera levé le blocus scandaleux de Gaza ? Quand cessera l’intolérable impunité d’Israël ?

Younes BENKIRANE

younesbenkirane@free.fr