Il y avait au moins 200 personnes pour accueillir Salah : militants de diverses associations, élus, médias dont Radio France International
Salah est apparu éprouvé par sa détention. Il a témoigné sur les conditions de son voyage (menotté) et sur sa volonté de continuer la mobilisation pour son droit à vivre librement à Jérusalem et y accueillir sa famille.

Maintenant il s’agit de continuer un travail persévérant, juridique et de mobilisation politique tous azimuts, pour refuser cette déportation de Salah et pour mettre fin à l’impunité d’Israël

La France condamne la déportation par Israël de l’avocat hiérosolymite palestinien vers la France

19 décembre | Bar Peleg pour Haaretz | Traduction J.Ch. pour l’AURDIP |
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La France a condamné la décision d’Israël de déporter dimanche matin l’avocat palestinien Salah Hammouri, qui détient la nationalité française, par ordre de la ministre de l’Intérieur Ayelet Shaked, à la suite d’un an d’efforts des autorités israéliennes pour révoquer son statut de résident.

‘Aujourd’hui, nous condamnons la décision illégale des autorités israéliennes de déporter Mr. Salah Hammouri vers la France’, dit la déclaration.

‘La France a pris toutes les mesures, y compris au plus haut niveau de l’État, pour s’assurer que les droits de Mr.Salah Hammouri soient respectés… et pour qu’il puisse mener une vie normale à Jérusalem, ville où il est né, où il vit et où ils souhaite demeurer.’

A son atterrissage à Paris, Hammouri a traité la politique israélienne de ‘nettoyage ethnique’.

‘Je n’ai pas peur, et je ne suis pas découragé’, a-t-il dit aux journalistes à l’aéroport. ‘[Ceci] ne nous détournera pas de la voie de la résistance à l’occupation.’

La condamnation de la France fait suite à une récente déclaration de Heba Morayef, Directeur Régional d’Amnesty International pour le Moyen Orient et l’Afrique du Nord, qui a dit qu’au cours des deux dernières décennies, Hammouri a fait l’objet d’un harcèlement sévère, de séparation d’avec sa famille, de surveillance et de menaces constantes de révocation de sa résidence.

‘Cette persécution doit maintenant prendre fin. Les autorités israéliennes doivent libérer Hammouri, publier son statut de résident et lui permettre de poursuivre sans crainte son travail de défenseur des droits de l’homme’, a dit Morayef.

Hammouri a été antérieurement déclaré coupable d’avoir planifié en 2005 une agression terroriste sur feu le Grand Rabbin séfarade Ovadia Yosef, et il a passé sept ans en prison. Il a été libéré dans un échange de prisonniers avec le soldat enlevé Gilad Shalit, avant d’être à nouveau arrêté en 2017 et de passer son temps dans et hors de prison administrative.

Il a également été avocat de la défense de quantité de prisonniers palestiniens et a travaillé dans l’ONG palestinienne de défense des droits de l’homme Addameer jusqu’à l‘année dernière. Cette organisation a été déclarée hors-la-loi après que le ministre de la Défense Benny Gantz l’ait traitée d’association terroriste en même temps que cinq autres ONG palestiniennes travaillant en Cisjordanie.

Shaked avait déjà proposé de révoquer la résidence d’Hammouri en octobre 2021, dans le sillage du ministre de l’Intérieur d’alors Arye Dery, qui avait essayé de déporter Hammouri en 2020. Cependant, en juillet, la Cour Suprême a ordonné qu’une nouvelle audience soit tenue concernant son statut de résident. Il fut ensuite décidé qu’Hammouri, qui jouit également de la citoyenneté française, serait déporté en France. Il était en détention administrative depuis mars.

Dans une lettre à Lea Tsemel, l’avocate qui représente Hammouri, Shaked a écrit que sa décision d’annuler le statut de résident permanent d’Hammouri était fondée sur ses « actions graves et dangereuses ».

Hammouri nie être membre du FPLP et déclare qu’il n’a pas pu voir des preuves contre lui. ‘Où qu’aille un Palestinien, il emporte avec lui ses principes et la cause de son peuple : sa terre natale attachée à lui quelque soit l’endroit où il se retrouve’, a dit Hammouri dans une déclaration.

La déportation d’Hammouri a été rendue possible par une loi votée à la Knesset en 2018 et qui donne au ministre de l’Intérieur le pouvoir de révoquer le statut de résident permanent des Palestiniens vivant à Jérusalem Est qui ont commis des agressions. D’après cette loi, l’État peut faire des Palestiniens hiérosolymites des apatrides si le résident a mis en danger la sûreté ou la sécurité publique, ou s’il ‘trahit l’État d’Israël’.

Ahmed Majdalani, membre du Comité Exécutif de l’Organisation de Libération de la Palestine, a dit que cette déportation était illégale. « Il n’a commis aucun crime pour être déporté de sa terre natale et être expulsé dans un autre pays, où il n’avait séjourné qu’une courte période, même s’il détient la nationalité de ce pays ».

La déportation d’Hammouri apporte un éclairage supplémentaire sur le statut complexe des Palestiniens vivant à Jérusalem Est qui aspirent à un statut de résidence permanente.

Comme le montrent de récentes données, 5 % seulement des résidents palestiniens de Jérusalem Est – 18.982 personnes – ont obtenu la citoyenneté israélienne depuis que la ville a été réunifiée en 1967. 34 % seulement des demandes de naturalisation soumises par les Palestiniens qui vivent à Jérusalem Est sont approuvées et, dans de nombreux cas, l’approbation demande des années.

Dans les premières années qui ont suivi la prise de Jérusalem par Israël pendant la Guerre des Six Jours, de 1970 à 1974, des centaines de personnes ont obtenu la citoyenneté. Les chiffres ont chuté entre 1975 et 2004, avec au mieux quelques dizaines de Palestiniens de Jérusalem Est menant à bien le processus tous les ans.

Au cours des 20 dernières années, 38 % seulement des 16.573 demandes ont été approuvées. La raison principale des refus était la difficulté à prouver que Jérusalem était leur lieu principal de résidence et de travail. Dans les raisons supplémentaires, on trouve le manque de pratique courante de l’hébreu, le refus de renoncer à la citoyenneté jordanienne, des antécédents criminels ou des défauts de sécurité.

L’absence de citoyenneté israélienne a de nombreuses implications. Sans elle, les Palestiniens de Jérusalem Est ne peuvent pas voter aux élections législatives israéliennes ou obtenir un passeport israélien. Pour voyager à l’étranger, ils doivent demander un document de voyage temporaire (laissez passer). Certains emplois ne sont pas ouverts aux non-citoyens. Et très important, à l’inverse des citoyens, leur statut de résidence peut être révoqué.

C’est ce qui est arrivé à plus de 14.000 Palestiniens depuis 1967, principalement à cause d’informations montrant que l’essentiel de leur vie n’était pas à Jérusalem. Avec la perte du statut de résident, ils perdent leur assurance maladie, leurs moyens d’existence et même le droit d’entrer à Jérusalem.

Reuters a contribué à cet article.

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