Lettre ouverte aux auteurs
participant à la deuxième édition du salon littéraire
« Ecritures Méditerranéennes » à Marseille, du 26 au 28 novembre 2010
Madame, Monsieur,
Vous avez accepté l’invitation qui vous a été faite de participer au salon « Ecritures Méditerranéennes », à Marseille, du 26 au 28 novembre 2010. Nous respectons et apprécions, voire pour certains aimons sincèrement votre travail. C’est le motif qui nous amène à vous interpeler à la veille de votre venue dans notre ville.
L’homme qui préside aux destinées de l’Opération d’Intérêt National Euroméditerranée et vous accueille à ce titre « car [il est] convaincu que la culture est un vecteur de croissance dans un monde frappé par la crise financière » (cf. son éditorial sur le site Ecrimed), a d’ordinaire peu à voir avec les thèmes que vous aborderez au cours des tables rondes prévues les 27 et 28 novembre : « double culture, une seule langue : comment s’en sortir ? » ; « Ecrivains de langue française natifs de la Méditerranée : des Français d’origine étrangères ? » ; ou encore « La littérature sert-elle aussi à faire la paix ? ».
Le 25 mai 2010, M. Tessier s’adressait en ces termes au ministre de la Justice : « La FNAC a organisé un concours de photos le vendredi 19 mars 2010, où elle a primé dans la catégorie « politiquement incorrecte » un homme qui s’est essuyé le postérieur avec le drapeau tricolore. La loi permet maintenant de punir ce genre d’outrage, seulement la presse est restée silencieuse sur ce fait et ceux qui restent attachés à ce symbole en sont profondément blessés. Il faut respecter la liberté intellectuelle, mais il ne faut pas que cela bafoue notre identité et ceux qui sont fiers d’être Français. C’est pourquoi, il souhaiterait savoir si des sanctions sont prévues concernant ce concours. »
Vous devez savoir que cet homme, Guy Tessier, est un député de l’Union pour un Mouvement populaire (UMP) soutenant activement l’actuel pouvoir français dans une politique à l’égard des étrangers et des Français issus d’immigrations : expulsions collectives des Rroms et des « sans papiers », déchéance de la nationalité française pour les citoyens français depuis moins de dix ans, restrictions du droit d’asile, suppression de l’aide médicale gratuite aux étrangers, etc.
M. Tessier s’est illustré à plusieurs reprises aux côtés d’un nouveau mouvement créé par des députés UMP et intitulé « droite populaire », qui s’est donné pour but de damer le pion au Front National sur son propre terrain. On leur doit notamment des propositions de lois sur les tests ADN obligatoires pour le rapprochement familial, sur la suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire, le rétablissement de la manifestation de volonté et l’institution d’un serment « républicain » afin d’obtenir la nationalité française, ou encore l’interdiction du port de « tenues » dissimulant le visage dans les lieux ouverts au public et sur la voie publique.
Nous voulions attirer votre attention sur l’ensemble de ce contexte avant de relever que, pour cette deuxième édition comme pour la première, nul ne semble s’étonner qu’aucun auteur palestinien n’ait été invité alors que des écrivains israéliens sont toujours présents. Sans aller chercher très loin, on aurait pu trouver à Paris, Elias Sanbar, auteur en 2010 d’un « Dictionnaire amoureux de la Palestine » (Plon édit.) que vous ne manquerez sûrement pas de connaître.
Au lieu de cela, sur le site internet d’Ecrimed, le mot « Palestine » ne figure même pas dans l’animation qui égrène tous les pays méditerranéens. Pour illustrer Israël c’est une image de Jérusalem, qui a été choisie : Jérusalem, ville occupée par Israël en 1967, annexée en 1981 en dépit des résolutions de l’O.N.U., et colonisée depuis, toujours au mépris du droit international. Il faut dire que M. Teyssier est aussi vice-président du groupe d’Amitié parlementaire France-Israël, qu’il ne manque jamais une occasion de soutenir la politique coloniale de l’Etat d’Israël.
Dans ces conditions, comment croire que vous pourrez, au cours des tables rondes auxquelles vous participerez, aborder véritablement les questions de la double culture, de l’apport des artistes français d’origine étrangères ou du rapport entre littérature et paix ?
Ce salon littéraire, qui se déroule à Marseille en même temps que la dix-septième édition des Rencontres d’Averroès (4 novembre-19 décembre) et les deuxièmes Rencontres nationales des Luttes de l’Immigration (26-28 novembre), sera vécu par bon nombre de Marseillais d’abord comme une opération de communication en faveur d’Euroméditerranée et des politiques qui sous-tendent cette institution. Et ensuite comme une énième tentative de « normaliser » les rapports avec un Etat condamné par de multiples résolutions des Nations Unies, par la Cour internationale de Justice et officiellement accusé de crimes de guerre après l’opération «Plomb durci ».
Bien qu’éloignés, pour certains d’entre vous, des contingences de la vie politique française, il était important pour nous que vous le sachiez.
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