ISRAËL • En finir avec la politique de la peur

Dans Ha’Aretz, le journaliste israélien Akiva Eldar fustige la politique du Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, fondée selon lui uniquement sur l’entretien de la “haine de l’autre”. Il estime qu’il faut cesser d’inquiéter la population avec de fausses menaces, mais plutôt l’alerter sur l’urgence d’une paix durable.
28.12.2010Akiva| |EldarHa’Aretz
http://www.courrierinternational.com/article/2010/12/28/en-finir-avec-la-politique-de-la-peur
Des flots de réfugiés soudanais menacent de détruire ce que nous avons construit et de ruiner notre existence en tant qu’Etat juif et démocratique. Cela fait peur. L’Iran menace de nous anéantir et le monde, encore une fois, n’intervient pas. Cela fait peur. Si nous partons de Judée et Samarie [Cisjordanie], les Palestiniens enverront des missiles antiaériens sur l’aéroport international Ben Gourion. Cela fait peur. Les Palestiniens refusent de reconnaître Israël comme l’Etat-nation du peuple juif afin de pouvoir inonder l’Etat d’Israël de réfugiés arabes et faire main basse sur une partie de la Galilée et du Néguev. Ceux qui veulent détruire Israël ont entamé une campagne de délégitimation contre l’Etat juif dans ses frontières de 1948. Cela fait peur.

Cette collection de scénarios catastrophe est issue de l’école de pensée de Benyamin Nétanyahou.

En 1996, la campagne de peur contre le terrorisme palestinien et la crainte que Shimon Peres ne divise Jérusalem ont porté Nétanyahou au pouvoir. A défaut de kamikazes et pendant que Peres sommeille dans sa résidence présidentielle, Nétanyahou invente de nouvelles peurs.

Il y a plus d’un siècle, le rabbin Abraham Isaac Kook écrivait qu’une peur exagérée est la source de toutes les faiblesses – physique, morale et intellectuelle. Une telle peur, disait-il, est si pétrifiante que ceux qui l’éprouvent ne pourraient même pas bouger le petit doigt pour sauver leur peau. Il ne fait aucun doute que, d’un point de vue intellectuel, le Premier ministre est conscient des ravages considérables causés par la politique actuelle d’Israël et de ceux qu’elle causera dans le futur. Mais il est paralysé par la peur de prendre des décisions dures et comportant nécessairement des risques. Nétanyahou a plus peur du gel des constructions dans les colonies – qui entraînerait des dissensions au sein de la coalition – que du gel des négociations – qui provoquerait une crise du statut d’Israël dans le monde.

La peur s’est avérée un outil politique remarquablement efficace. Asher Arian – professeur de sciences politiques à l’origine de l’indice annuel de la démocratie, qui est établi chaque année par l’Institut israélien de la démocratie et fournit des données sur la qualité et le fonctionnement de la démocratie et sa perception par la population – a découvert que plus les Israéliens ont l’impression que les Arabes sont une menace, moins ils sont disposés à négocier avec eux ou à renoncer à des territoires. Arian, décédé en juillet dernier, avait également découvert l’existence d’un lien étroit entre une position dure et un niveau de peur élevé. Tout cela s’est manifesté dans les résultats des dernières élections et dans les sondages de l’opinion publique.

La peur est une émotion humaine légitime, et elle peut même être utile. La gauche israélienne essaie, sans grand succès, de faire peur au public en affirmant qu’il faut faire la paix sous peine de voir le risque de guerre augmenter et le pays perdre son identité juive et démocratique. Si Nétanyahou présentait un plan de paix courageux et réaliste, il pourrait mettre à profit la grande expérience qu’il a acquise dans la propagation de la peur.

Mais au lieu d’avertir des dangers qu’il y a à poursuivre le conflit, Nétanyahou a choisi d’exploiter la peur primitive de l’autre. Au lieu de mettre en garde contre l’isolement croissant d’Israël, il accroît la peur de l’inconnu dans la population. Ceux que l’on hait sont ceux que l’on craint, et ceux que l’on tue sont ceux que l’on hait, a dit Nelson Mandela.

Nétanyahou sème la peur, nous récoltons la haine, et nos enfants tuent et sont tués.
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