nouvelobs.com 6 mai 2011
Un Tunisien à l’Elysée pour dénoncer le traitement des migrants
Mustafa Ben Jaafar a remis une lettre à Nicolas Sarkozy demandant le respect de la dignité des Tunisiens.
L’opposant tunisien Mustafa Ben Jaafar, secrétaire général du Forum démocratique pour le travail et les libertés Tunisien (FDTL), est venu pour une journée à Paris et s’est rendu au palais de l’Elysée, ce vendredi 6 mai 2011. Il a souhaité remettre un courrier au Président de la République français, “suite aux arrestations et brimades injustifiées que subissent de trop nombreux citoyens tunisiens en France”, a-t-il expliqué.
Lettre à Nicolas Sakozy
Dans cette lettre, Mustafa Ben Jafaar, dénonce le “traitement injuste et indigne” réservé aux migrants tunisiens en France et demande à Nicolas Sarkozy “qu’un traitement plus humain soit accordé à ces migrants, compte tenu de la transition démocratique en Tunisie”.
Depuis la fuite du président Ben Ali en janvier, plus de 20.000 Tunisiens ont gagné l’île italienne de Lampedusa pour se rendre, pour la plupart, en France. Mais le gouvernement français a adopté une politique de fermeté vis-à-vis de ces migrants, multipliant depuis deux semaines les opérations policières et les reconduites aux frontières.
Ni des criminels ni des terroristes
“Moi, ce que je vois sur les écrans, j’en suis offusqué, je pense que tout le peuple tunisien est très touché par cette manière de traiter les Tunisiens qui ne sont ni des criminels, ni des terroristes”, a déclaré Mustapha Ben Jaafar. Ce dernier, opposant de longue date au président Ben Ali qui pourrait se présenter à la présidentielle tunisienne prévue après l’élection le 24 juillet d’une Assemblée constituante, demande “le respect de la dignité de tout un peuple et de sortir la question de l’immigration de la sphère des enjeux électoraux”.
Tunis le 3 mai 2011,Monsieur le Président de la République Française,
La Révolution du 14 janvier 2011 en Tunisie a été celle de la dignité. Tout un peuple s’est soulevé pour recouvrer la liberté, pour un avenir meilleur.
Je sais que vous avez suivi avec intérêt cet évènement historique auquel vous avez apporté votre soutien.
Les relations très anciennes qui unissent nos pays, notre proximité géographique et culturelle concourent à tisser des liens solides entre nos peuples et ce malgré les incompréhensions ou malentendus ponctuels que nous avons toujours cherchés à dépasser.
Par cette lettre, je viens vous faire part de ma profonde préoccupation qui est aussi celle de l’ensemble de mes concitoyens concernant les conditions à peine croyables de l’accueil réservé à ces quelques milliers de jeunes tunisiens, qui fuyant la misère, se sont retrouvés au péril de leur vie sur le sol français.
Je vous avoue qu’il m’est difficile d’admettre que ces jeunes, ni délinquants ni terroristes, désemparés devant des difficultés nouvelles engendrées par les événements qui secouent actuellement la Tunisie et à la recherche d’un avenir qu’ils espèrent meilleur en Europe, soient pourchassés comme des criminels et maltraités du seul fait de leur nationalité, dans un pays ami dont on leur a toujours répété que c’était la patrie de la Déclaration des droits de l’homme.
Le peuple tunisien dans le contexte particulier qui prévaut actuellement a plus que jamais besoin de l’aide effective de ses amis. Votre gouvernement, il est vrai, n’a cessé tout au long de ces derniers mois de réitérer son appui au processus démocratique en cours et l’on peut espérer qu’il conforte concrètement la révolution du 14 janvier en accueillant humainement, dans la dignité, ces jeunes migrants et en régularisant provisoirement – dans le respect bien compris des lois de la République française et des accords européens-, leur situation souvent dramatique.
Certes la France ne peut accueillir toute la misère du monde. Mais la Tunisie vit, temporairement je l’espère, une situation exceptionnelle, traumatisante pour beaucoup avec tous les aléas de transition démocratique auxquelles s’ajoutent l’afflux massif des frères libyens fuyant la répression de la dictature installée depuis plus de quarante ans, tout autant que les bombardements de l’Otan.
Je ne doute pas, Monsieur le Président, que vous tiendrez compte de ce contexte et répondrez positivement à cet appel pressant d’humanité et de dignité, à l’instar de ce qu’avait fait les gouvernements européens à l’époque de la crise des Balkans quand un nombre plus important de migrants avaient afflué dans toute l’Europe et en France.
Le signal apaisant que vous saurez donné au peuple tunisien ne manquera pas d’être apprécié à sa juste valeur et contribuera certainement au renforcement de nos relations bilatérales privilégiées actuelles et futures.
Ce serait aussi un signal fort pour bâtir un nouveau partenariat fondé sur le respect de valeurs communes et asseoir une nouvelle stratégie de co-développement.
En vous renouvelant mes remerciements pour votre compréhension de la situation et pour la sollicitude dont vous n’avez cessé de faire preuve à l’égard de la Tunisie, je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’expression de ma plus haute considération.
Dr Mustapha Ben Jaafar
Secrétaire Général du Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés
Bulletin de santé de la Feuille de Chou: 1133 connexions hier, le 9 mai 2011
Aucun commentaire jusqu'à présent.