Dernières Nouvelles d’Alsace
Par des enseignants-chercheurs, publié le 13/04/2012 à 05:00
* Josiane Nervi-Gasparini, maître de conférences en mathématiques, Université de Strasbourg William Gasparini, professeur des universités, sociologue, Université de Strasbourg Jean-Claude Val, professeur de sciences économiques et sociales en CPGE, Strasbourg Alfred Wahl, professeur émérite d’histoire, Université de Metz Jean-Pierre Djukic, chercheur en chimie, administrateur de l’Université de Strasbourg Yann Bugeaud, professeur des universités, mathématiques, Université de Strasbourg Roland Pfefferkorn, professeur des universités, sociologie, Université de Strasbourg Pierre Hartmann, professeur des universités, littérature, directeur de l’École doctorale des humanités, Université de Strasbourg Françoise Olivier-Utard, Maître de conférences, histoire, Université de Strasbourg
Concordat
La concorde sans le concordat : ouvrir le débat et rétablir les faits
« Dans un article publié dans les DNA du vendredi 6 avril 2012, Philippe Richert, ministre des Collectivités territoriales et président UMP du Conseil régional d’Alsace, signe une tribune pour la défense du Concordat d’Alsace-Moselle. Dans Le Monde du 10 février 2012, Roland Ries, sénateur-maire de Strasbourg, se revendiquait aussi «concordataire», tout comme les principaux leaders politiques alsaciens – du PS à l’UMP, en passant par le MoDem et Europe Écologie. Ces textes se rajoutent à la longue liste des tribunes associant « identité alsacienne », Concordat et droit local et agitant le chiffon rouge de la fin d’un «âge d’or » incarné par le Concordat. Les laïques ne peuvent pas continuer à faire le dos rond face à ces contre-vérités et confusions construites dans un souci électoraliste.
Séparation organisée
Comme de nombreux Alsaciens, nous pensons que c’est la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 qui assure au contraire la concorde. Le Concordat n’assure pas le «vivre ensemble» mais crée les conditions d’une séparation communautaire organisée entre les religions elles-mêmes (en excluant tout autre culte que les quatre cultes reconnus) et par ailleurs entre les croyants et les agnostiques ou les athées. En séparant les Églises et l’État, la loi de 1905 garantit la liberté de conscience et par conséquent celle de culte. Cette loi de liberté qui doit s’appliquer partout sur le territoire français rappelle que la République ne reconnaît ni ne salarie aucun culte en application des deux principes fondamentaux que sont l’égalité entre les citoyens et l’universalité de la dépense publique.
Un coût très élevé
Le régime concordataire est en contradiction flagrante avec ces deux principes. D’une part, seuls quatre cultes (catholique, protestants réformé et luthérien, israélite) sont reconnus. D’autre part, le Concordat a un coût très élevé pour le budget de l’État : plus de 50 millions d’euros ont été dépensés en 2011 pour rémunérer les 1 400 ministres des cultes alors que, depuis 2007, le gouvernement a supprimé 65 000 postes dans l’Éducation nationale.
Pour le seul Bas-Rhin, plus de 400 postes d’enseignants seront supprimés à la rentrée 2012. L’argent public doit financer les services publics qui sont notre bien commun (école, hôpital, crèches, services sociaux, etc.) et non les cultes qui relèvent des pratiques privées.
Il est paradoxal que les plus ardents défenseurs du Concordat suppriment par ailleurs des postes dans la fonction publique d’éducation ou de la santé au nom d’une supposée gestion rationnelle des fonds publics.
Outre le régime concordataire, le statut scolaire local (loi Falloux de 1850) est toujours en vigueur dans les établissements scolaires, instaurant l’enseignement religieux obligatoire à l’École et la prise en charge par l’État des salaires des «enseignants de religion», prélevés sur les deniers publics de la totalité des citoyens français. Cette loi introduit aussi une discrimination religieuse des élèves des écoles publiques en instituant un véritable fichage des écoliers ayant requis une dispense de cours de religion.
Amalgame
Les tenants du régime concordataire brouillent le débat et cultivent l’amalgame entre le Concordat et le droit social local pour créer des inquiétudes infondées auprès des Alsaciens et Mosellans. Hérité de la période allemande, ce droit local en matière de Sécurité sociale est favorable aux salariés d’Alsace-Moselle qui en assument d’ailleurs la charge financière supplémentaire. Nous considérons que c’est là un modèle dont nous pourrions nous inspirer pour l’étendre aux autres départements suivant le principe d’alignement des droits sociaux par le haut.
Nous, Alsaciens venant d’horizons sociaux, culturels, religieux et philosophiques très divers, attachés à notre patrimoine culturel hérité des Lumières et de la Révolution de 1789, affirmons que la laïcité est le socle de tout projet d’émancipation citoyenne. Celle-ci n’est pas la guerre aux religions, au contraire elle met fin aux conflits religieux et aux surenchères communautaires. En toute rationalité, on ne peut se réclamer de la loi de 1905 et soutenir simultanément l’exception concordataire.»
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