http://judaisme.sdv.fr/histoire/rabbins/moschuhl/moschuhl.htm

Extraits :

(…)Nous aimons Jérusalem comme le symbole de notre foi, et si nous en souhaitons le relèvement, ce n’est pas pour y retourner, pour en faire notre patrie, mais pour voir le monothéisme, la religion du Sinaï, établie solidement dans l’antique Sion et briller de là, comme un phare lumineux, sur toutes les nations de la terre, unies dans une même croyance et dans un même amour. N’est-ce pas là ce que prédit le prophète ?

Vehayah beacharith hayamim nachon yihyeh har beth Adonaï berosch heharim venisa migebaoth vehalchou elav kol hagoyim vehalchou amim rabim veamrou lechou venaaleh el har Adonaï el beth Elohei Yaakob veyorenou midrachav venelchah beorchothav ki mitzion tetze Thorah oudebar Adonaï mirouschalaïm : “Dans l’avenir, la colline sur laquelle sera bâtie la maison de l’Eternel s’élèvera au-dessus de de toutes les montagnes, et tous les peuples afflueront vers elle. Les nations se réuniront et se diront les unes aux autres : Allons sur la montagne de l’Eternel, vers la maison du Dieu de Jacob ; qu’il nous enseigne ses voies ; nous voulons marcher dans ses sentiers ; car la doctrine sort deSion et la parole de l’Eternel vient de Jérusalem !” (Isaïe, 2:2-3).

Ainsi, nous ne désirons pas que Jérusalem nous appartienne comme dans le passé, mais qu’elle devienne la capitale religieuse de tous les peuples, de toutes les races, du monde entier. Ce sentiment que nous éprouvons pour Jérusalem, peut-il être comparé au patriotisme ? L’amour de la patrie est exclusif, égoïste, et nous nourrissons l’espoir que toutes les nations viennent revendiquer leur part dans les bienfaits de la Terre sainte, que Jérusalem soit un domaine neutre, appartenant de droit à tous les hommes. Nous ne rêvons pas l’établissement à Jérusalem d’un royaume juif ; le rejeton de David que les prophètes promettent et que nous attendons ne sera pas un roi gouvernant les israélites, mais un prince qui étendra sur tous les peuples son empire essentiellement spirituel et religieux, un arbitre dont l’autorité sera reconnue par toutes les régions de la terre et qui, par sa sagesse et grâce au triomphe de la vérité, fera cesser les discordes et mettra fin aux haines et aux guerres : veschaphat ben hagoyïm vehochiach leamim rabim vechitethou charbothain leïtim vachanithothehein lemazmeroth lo yisa goy el goy chereb veto yilmedou od milchamah : “Il sera le juge des nations, il décidera les différends des peuples ; les glaives seront changés en socs de charrue, et les hallebardes en serpes ; une nation ne lèvera plus l’épée contre l’autre, et l’on ne s’exercera plus au métier de la guerre” (Isaïe 2:1).

(…) Nous ne consentirons jamais à renoncer à notre qualité de Français, pas plus que les israélites des autres pays ne voudront aban­donner leur patrie. Il y a, du reste, impossibilité matérielle à rendre la Palestine aux juifs, car ce pays, qui n’est pas plus grand qu’une de nos provinces, ne pourrait pas contenir la moitié des israélites qui existent à cette heure. Mais pourquoi m’arrêter à de pareils arguments ? Il n’entre dans l’esprit d’aucun de nous de croire à la résurrection d’une patrie israélite ; cette idée n’a pu naître que dans le cerveau de nos ennemis qui nous dénient le droit de citoyens, qui nous regardent comme des étrangers et qui voudraient nous reléguer dans l’antique royaume de Sion.

(…) Note de la rédaction :

Pour bien comprendre le sens de ce sermon, il nous a paru utile de le replacer dans son contexte. C’est en 1882 que le premier groupe de Bilouïm (la première alyah), composé de 14 personnes, émigre en Palestine le 6 juillet. Il sera rejoint par un second groupe en 1884. Lorsque le grand rabbin Schuhl prononce son sermon en 1886, l’idée de sionisme est donc encore étrangère aux communautés juives d’Europe occidentale. Rappelons aussi que c’est neuf ans plus tard que se déclenchera l’affaire Dreyfus <http://judaisme.sdv.fr/perso/dreyfus/affaire.htm> . On peut donc considérer que ces paroles prononcées lors de la fête de Pâque sont l’écho d’un “âge d’or” du judaïsme français.

On pourrait demander à la rédaction du site qui a reproduit ce discours en quoi l’affaire Dreyfus aurait changé quoi que ce soit dans les propos tenus, puisque ce rabbin explique que , malgré l’antisémitisme, les juifs restent attachés à leur “patrie”, quelle qu’elle soit.

D.