Communiqué du RESF
Manuel Valls, ministre de l’intérieur depuis le 16 mai, a présenté, sans avoir consulté quiconque, les grandes lignes de la politique de François Hollande en matière d’immigration, dans une interview au Monde le 27 juin. Jusqu’à maintenant, les pratiques du ministère de l’Intérieur sont restées sans changement, Valls étant même accusé d’avoir chaussé les pantoufles de Guéant pour avoir continué depuis deux mois à enfermer des familles, des enfants ou séparé des familles en emprisonnant un père ou une mère, en expulsant certains. Si ses premières annonces marquent un changement de ton par rapport au gouvernement précédent, elles restent très décevantes et même en deçà des promesses du candidat Hollande ou du programme du PS.
La tonalité générale du propos de M. Valls tranche évidemment sur les discours xénophobes de Guéant : il insiste sur la garantie des droits des étrangers, même en situation irrégulière, estime que les naturalisations sont une réussite, dénonce les conditions d’accueil des étrangers dans certaines préfectures, annonce la création d’un titre de séjour d’une validité de trois ans.
Mais dix années de Sarkozysme en matière d’immigration laissent des traces, visiblement, et le courage politique nécessaire pour s’en démarquer n’est pas au rendez vous. Le guichet unique de l’étranger, reste la préfecture et le ministère de l’Intérieur conserve le contrôle entier de la politique d’immigration (visas, asile, titres de séjour, etc), hégémonie dénoncée en son temps par le parti socialiste. Un symbole sur lequel François Hollande n’a osé ni voulu revenir.
En lieu et place d’une nécessaire refonte du CESEDA, l’essentiel des mesures du gouvernement prendra la forme de circulaires et non de lois. Ce qui réduit considérablement la portée des textes qui, en particulier, ne s’imposent pas devant les tribunaux et pourraient facilement être abrogées, au gré de la pensée dominante du moment.
Enfin, malgré sa pose martiale, Manuel Valls donne le sentiment d’avoir peur de son ombre. A peine a-t-il évoqué une mesure libérale qu’il s’empresse d’en limiter la portée. « Un terme » sera mis à la rétention des familles avait promis le candidat Hollande… sauf pour celles qui n’auraient pas respecté l’assignation à résidence ou ne se seraient pas présentées à l’embarquement nuance Valls.
Il souhaite que les régularisations se fassent sur des « critères précis, objectifs, compréhensibles », les années de présence en France, le travail, les attaches familiales, la scolarisation des enfants. Un progrès certes par rapport à l’arbitraire et à la loterie qui régnaient sous Sarkozy, mais qui perd beaucoup de son sens quand le ministre annonce par avance le résultat de ses mesures : 30 000 régularisations par an. Ce ne sont pas seulement les charentaises de Guéant qu’emprunte Valls, mais aussi ses chiffres et ses méthodes : si plus de 30 000 personnes entrent dans les critères, on change les critères ?
Il reste enfin tout ce dont le ministre ne dit mot. D’abord le moratoire sur les expulsions : comment envisager d’expulser aujourd’hui des personnes qui seraient peut-être régularisables de droit quand les critères de régularisations auront été définis ? Le sort des jeunes majeurs scolarisés systématiquement ignoré ? Le véritable racket que constituent les taxes sur la délivrance des titres de séjour depuis les augmentations imposées par M. Guéant ?
Sans changement, Manuel Valls, ministre de gauche, reprend à son compte le vieux fantasme de l’extrême-droite, « l’appel d’air », toujours brandi, jamais réalisé. Manuel Valls, ministre de gauche, justifie ses propositions timorées par le contexte économique qui ne permettrait pas « d’accueillir et de régulariser autant que certains le souhaiteraient ». C’est faire semblant d’ignorer que, par définition, les sans papiers travaillent en France (souvent dans des emplois où ils sont irremplaçables), y consomment et sont un apport à l’économie du pays selon les rapports officiels eux-mêmes.
Au total, les propositions de Valls restent bien trop timides, lacunaires et en deçà de ce que des pans entiers de la société, dont nombre de militants et d’élus socialistes, ont revendiqué des années durant contre Sarkozy et, qu’à n’en pas douter, ils continueront de réclamer.
samedi 30 juin 2012.