La Feuille de chou publie ce document de Laïcite d’Accord sur la nouvelle “collectivité territoriale d’Alsace” dont le projet doit être soumis à referendum en avril 2013, afin que le débat contradictoire puisse avoir lieu, contrairement à la situation actuelle, où seuls les élus (de droite, majoritaire ici) possèdent tous les tenants et aboutissants.
Pour ce qui nous concerne, signataire de la , Charte de Initiative citoyenne alsacienne , nous partageons beaucoup des analyses ci-dessous, en particulier celles sur la place abusive des religions reconnues, mais pas celles qui semblent aller dans le sens de la défense d’une “République une et indivisible” qui méconnait “la question nationale alsacienne” et, en particulier, les droits linguistiques des Alsaciens, et feraient obstacle à une autre organisation, fédérale, concurrente des États-nations.
On retrouve ici le vieux débat, toujours réactualisé, qui traverse les droites comme les gauches entre jacobins et fédéralistes.
la maison des associations
1A, place des orphelins
67000 – Strasbourg
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QUELQUES REMARQUES SUR LA “COLLECTIVITE TERRITORIALE D’ALSACE”
Le 2e Congrès d’Alsace (après celui du 1er décembre 2011) s’est tenu le samedi 24 novembre 2012. Il a mis définitivement sur les rails le projet de “Collectivité territoriale d’Alsace ” (ex Conseil d’Alsace). Il était composé des élus territoriaux des 2 Conseils généraux et du Conseil régional d’Alsace.
A une très forte majorité ces élus locaux ont adopté le projet par 108 voix pour (UMP, divers droite, Indépendants, EELV, FN et 8 PS), 9 abstentions (PS) et 5 contre (PS).
I) CE QUE DIT ET NE DIT PAS LE PROJET.
A) Une vitrine aguichante.
Le projet vante la “simplification” des structures décisionnelles et consultatives, “l’union” des compétences, la “mutualisation” des moyens et la “rationalisation” des interventions.
En lieu et place des trois assemblées régionales, il n’y en aura plus qu’une divisée cependant en deux principales entités dont l’organisation est “territoriale multipolaire”. Déjà, l’on sent que ça va se compliquer.
Les deux entités sont “l’Assemblée d’Alsace” organisme délibératif ayant son siège à Strasbourg et le “Conseil exécutif” organisme exécutif des décisions de l’Assemblée dont il prépare aussi les projets de délibération. Il a son siège à Colmar.
L’Assemblée d’Alsace est élue selon un double scrutin : une partie à la proportionnelle (% non encore défini) et l’autre partie, comme pour les élections cantonales, au scrutin uninominal départemental.
La Collectivité territoriale d’Alsace s’adjoint, à titre consultatif, le CESER d’Alsace.
Les grandes directions administratives seront réparties entre Strasbourg, Colmar et Mulhouse. Le Président du Conseil exécutif aura son bureau à Colmar, mais sans doute aussi un bureau à Strasbourg.
Le siège du CESER oscille encore entre Strasbourg et Mulhouse.
La séparation des pouvoirs législatif et exécutif nous rappelle l’organisation de l’Etat ou celle des länder allemands. Les membres de l’Assemblée d’Alsace ne sont pas encore des députés et ceux du Conseil exécutif pas encore des ministres avec un Président -Premier ministre, mais comme le remarque le journal l’Alsace “cela y ressemble.”
Il y a cependant une différence significative entre l’organisation de l’Etat ou des länder allemands et celle de la future Collectivité territoriale d’Alsace. Au niveau de l’Etat ou des länder, les pouvoirs législatif (parlement) et exécutif (gouvernement) sont juridiquement séparés et désignés de façon différente. Par contre, le Conseil exécutif local est une émanation de l’Assemblée, il est élu au scrutin de liste majoritaire (sur listes bloquées d’une douzaine de noms) parmi les membres de l’Assemblée. En principe il y aura synergie complète entre ces deux entités. En cas d’opposition la décision reviendra à l’Assemblée. Actuellement, la législation nationale et le Conseil constitutionnel interdisaient d’aller plus loin.
Outre une “meilleure efficacité de l’action publique”, le projet entend affermir “l’exigence démocratique” en offrant “davantage de lisibilité, de simplicité et de clarté pour tous” avec des structures de proximité. Pour ce faire il prévoit d’adjoindre au “Conseil exécutif” deux structures locales :
* 8 à 12 “Conseils de territoires de vie” composés des “conseillers d’Alsace de leur ressort géographique de territoire.” Ils jouent un rôle consultatif mais aussi exécutif. Ils bénéficient en effet d’une subsidiarité pour prendre les décisions nécessaires dans le respect des règles de fonctionnement de la collectivité territoriale.
Deux “Conférences départementales” (Bas-Rhin et Haute- Alsace), organismes consultatifs composés des conseillers de chaque département élus à l’Assemblée et chargés de veiller à ce que les “Conseils de territoires de vie” appliquent correctement les décisions du conseil exécutif, en particulier l’équité des ressources financières allouées.
Enfin ces organismes seront en relation avec l’agence de développement économique ( regroupement des 3 agences existantes) et l’agence de développement touristique (regroupement des 4 structures existantes). Ces deux agences seront en relation avec la “Marque Alsace”, elle-même en relation avec la Maison de l’Alsace à Paris et le Centre d’études japonaise en Alsace.
Le PS propose que Le siège de l’agence de développement économique soit à Mulhouse (avec le siège du CESER) et celui de l’agence de développement touristique à Colmar. Mais P. Richert n’est pas d’accord.
Les élus municipaux de Strasbourg ont unanimement réagi deux jours après le vote du Congrès. Sur proposition de Robert Grossmann (UMP), ils ont voté à l’unanimité une motion demandant que les deux sièges de la Collectivité territoriale d’Alsace soient à Strasbourg : “Le conseil municipal, dans toutes ses composantes, demande solennellement que Strasbourg soit reconnue pleinement comme capitale régionale, c’est à dire siège de l’assemblée de la collectivité territoriale d’Alsace et de l’exécutif qui la dirigera.” Cette motion a donc aussi été votée par des élus qui avaient approuvé le projet lors du Congrès d’Alsace…
P. Richert avait déjà opposé un refus catégorique à cette demande : “Il ne faut pas dégrader Colmar”.
Une telle organisation laisse quand même songeur en matière de simplification administrative !
Cela laisse d’autant plus songeur que ce montage est censé diminuer les dépenses de fonctionnement par rapport à la situation actuelle.
Cet objectif sera d’autant plus difficile à atteindre qu’il n’est prévu qu’une diminution de 10 à 20% du nombre des conseillers avec une seule entité au lieu de trois. Du point de vue des dépenses de fonctionnement, le gain serait aussi de 10 à 20%.
Il faut aussi songer à l’emploi des fonctionnaires des collectivités territoriales actuelles qui doivent conserver leur emploi sur place et plus encore à l’emploi des contractuels et vacataires qui n’ont pas à aller grossir les rangs des chômeurs.
B) Un contenu problématique.
Une partie des problèmes a déjà été listée par des articles des DNA et évoquée lors de la discussion préparatoire au vote du Congrès.
Une simplification ?
Nous avons déjà abordé ce problème en soulignant la complexité du montage administratif, certains socialistes ont évoqué une “usine à gaz”.
Une réelle démocratisation ?
Le mode d’élection fort compliqué fait la part belle aux “baronnies locales” particulièrement aux anciens conseillers généraux qui conservent, avec le scrutin uninominal départemental, toutes leurs chances de retrouver leur poste de conseiller.
Les demandes des élus EELV de 50% de proportionnelle ou de ceux du FN d’en avoir 100% ne seront pas satisfaites. Actuellement, le % de proportionnelle n’est pas censé dépasser 25% des élus.
La question qui sera posée aux Alsaciens le 7 avril 2013 sera ” Approuvez-vous le projet de création d’une Collectivité Territoriale d’Alsace, par fusion du Conseil régional d’Alsace, du Conseil général du Bas-Rhin, du Conseil général du Haut-Rhin, répondant aux principes d’organisation énoncés ci-dessous.” Suivent les trois pages résumant le projet et mettant en avant, sans aucun argument contradictoire, ” une nouvelle assemblée qui en remplace trois…un mode d’élection équilibré entre scrutin majoritaire et proportionnel…une seule assemblée…de nouvelles compétences…une plus grande efficacité…une priorité de proximité.” Une excellente publicité pour le oui au référendum.
L’absence totale d’information contradictoire des citoyens alsaciens donne la mesure des intentions réelles des porteurs du projet en matière de proximité et de démocratie.
Les maires se sont aussi plaint de ne pas avoir été consultés et associés au projet. La faible représentation des associations de maires ne peut que servir d’alibi.
C’est un projet éminemment bureaucratique qui préserve les féodalités locales.
Enfin et c’est important, le projet ne dit mot des rapports des différentes composantes de la Collectivité territoriale d’Alsace avec les communes, les intercommunalités et les grandes agglomérations.
Comme partout en France, les grandes agglomérations regroupent, en Alsace, la majorité de la population. La CUS représente, à elle seule, 26% de la population alsacienne pour 3,8% du territoire.
Que vont représenter les Conférences départementales et les Conseils de territoires de vie par rapport aux communes, intercommunalités et agglomérations à moyen et long termes ?
Les deux Conférences départementales sont davantage un rappel des Conseils généraux vidés de leurs prérogatives, qu’un échelon pertinent dans la création d’une collectivité unique.
Les Conseils de territoires de vie pourront faire doublon avec les grandes agglomérations et les intercommunalités. Pourquoi ce risque de concurrence et de “mille feuilles” institutionnel quand on prétend simplifier ?
La bataille des sièges tient tout autant de la satisfaction des ego que de la pertinence
organisationnelle. L’Alsace connaissait déjà une “bataille du siège” avec les cessions du parlement européen partagées entre Strasbourg et Bruxelles, avec le gaspillage financier qui l’accompagne. Le projet de Collectivité territoriale d’Alsace ouvre une nouvelle bataille du siège encore plus compliquée, avec le même risque de gaspillage financier.
Trois conseillers régionaux UMP et membres du conseil municipal de Strasbourg, ainsi qu’une député UMP, ont signé une longue tribune dans le DNA pour expliquer qu’il ne faut pas confondre le fait que Strasbourg soit “capitale régionale et futur siège unique de la Collectivité territoriale d’Alsace ” avec le fait qu’il y ait “des lieux de travail et de réunion qui eux ont toute cohérence à irriguer l’ensemble du territoire régional.” (dont Le siège de l’Assemblée à Strasbourg et celui du Conseil exécutif à Colmar)
Dans le même temps, les élus de la CUS, représentant 28 communes, unanimes (toutes tendances politiques confondues) ont voté une motion similaire à celle du conseil municipal de Strasbourg réclamant que Strasbourg “soit le siège de l’assemblée de la Collectivité territoriale d’Alsace et de l’exécutif qui la dirigera.” La députée UMP qui, a signé l’article des DNA, membre du Conseil de la CUS, a tenté de s’opposer au vote de cette motion…pour finalement s’y rallier.
Comme ces élus font de cette revendication un préalable pour soutenir la bataille du siège du Parlement européen, il y a là un casus belli où chaque camp n’est disposé à aucune concession.
Des domaines de compétence qui menacent la législation et l’unité de la République.
Le projet revendique trois niveaux de compétences :
Le regroupement des compétences déjà dévolues aux Conseils généraux et au Conseil régional. Rien de plus normal.
Les compétences nouvelles qui seront octroyées dans le cadre de l’acte III de la décentralisation (1er semestre 2013). C’est la moindre des choses.
Des compétences nouvelles d’une part celles qui seraient inhérentes à une nouvelle collectivité (économie, éducation, culture) et d’autre part celles qui seraient “spécifiques à la singularité alsacienne” (Langue et culture régionale, logement et habitat, coopération transfrontalière).
Pour la Langue et culture régionale, le projet revendique “un certain nombre de compétences en matière d’adaptation de la politique d’enseignement et de recrutement des enseignants”. En clair, il revendique la maîtrise des programmes, la poursuite de l’imposition de l’allemand comme seule langue vivante offerte à l’Ecole élémentaire, le développement massif de la filière bilingue et la maîtrise du recrutement des enseignants. Il revendique donc une partie des prérogatives de l’Etat.
Pour “l’éducation”, le projet s’en tient, pour l’instant, à la maîtrise de la carte scolaire et de l’orientation.
Mais si l’on réunit éducation, Langue et culture régionale, imposition de l’allemand à l’école élémentaire, carte scolaire et bassin d’emploi, une autre cohérence se fait jour. A terme, ce qui est visé, c’est un système comparable aux länder allemands qui disposent, avec leur parlement régional, du contrôle du système éducatif avec le recrutement et la gestion de tous les personnels, enseignants compris.
En matière d’éducation, La nouvelle Collectivité se tourne résolument vers le Bade-Wurtemberg composante essentielle du bassin d’emploi.
Pour l’économie, le projet, ne mentionne que “l’aide aux entreprises en difficultés et le développement du tissu économique de proximité”. Mais il faut rapprocher “l’économie” de la “coopération transfrontalière”. Le projet fait état de la “fragilité économique de l’Alsace”, dans le premier projet, il l’opposait à la santé florissante du Bade Wurtemberg et du Canton de Bâle. Ce n’est pas faux, mais le projet insiste en même temps sur le “caractère tri-national et transfrontalier de notre région” qui doit renforcer sa présence “dans le Rhin supérieur” en valorisant “l’humanisme rhénan”.
Comme le système éducatif, l’économie est principalement tournée vers l’Allemagne et la Suisse. A aucun moment le développement de l’économie vers d’autres régions françaises n’est évoqué.
La coopération transfrontalière explicite cet état de fait. Le projet revendique, pour la Collectivité unique, non seulement de “négocier des accords transfrontaliers dans ses domaines de compétence”, mais également “d’être reconnue, pour le moins à titre consultatif, comme interlocuteur dans des sujets ne relevant pas directement de la compétence des collectivités territoriales, mais touchant aux particularismes locaux, aux effets frontière et d’une manière générale au territoire de la Collectivité territoriale d’Alsace.”
La tonalité est encore prudente, elle l’est moins quand est abordé le cadre juridique de ces revendications. Le projet demande “des compétences opérationnelles permettant une capacité d’agir dans un cadre juridique approprié, à la place de l’Etat” et “des délégations de pouvoirs de l’Etat pour négocier et signer des accords internationaux dans des domaines qui sont actuellement de la compétence de l’Etat, particulièrement dans le cadre frontalier”.
En fait, le projet demande des compétences législatives à l’égal du parlement des länder allemands. La seule restriction qu’il fixe est que les nouvelles compétences “ne pourront porter sur un droit constitutionnellement garanti ou sur une liberté publique.”
Ces demandes d’autonomie politique sont accompagnées de la demande “d’une autonomie fiscale supérieure à celle dont disposent actuellement les trois collectivités…sans l’instauration d’un impôt nouveau.” Autrement dit c’est à la collectivité nationale de payer pour un projet qui éloigne l’Alsace de la communauté nationale.
La Collectivité territoriale d’Alsace, dotée de tels pouvoirs, s’engagerait dans un processus d’autonomie par rapport à l’Etat français, signant des accords internationaux et acquérant un pouvoir législatif à l’image des länder allemands ou des Cantons suisses.
Ce processus ouvre la voie à la formation d’une grande région de Rhin supérieur réunissant l’Alsace, et le Bade-Wurtemberg, région associée au canton de Bâle. Une région, avec son parlement et son exécutif, intégrée du point de vue scolaire, économique et culturel. Une région autonome dans le cadre d’une Europe des régions, une Europe supra-nationale.
L’organisation bicéphale de la Collectivité territoriale d’Alsace avec une assemblée délibérative et un organe exécutif séparés préfigure une évolution vers l’autonomie politique économique et culturelle de la région Alsace au sein d’un ensemble rhénan.
Une partie des citoyens est favorable à un projet de ce type, une autre partie y est opposée, c’est la démocratie. Le problème avec ce projet de nouvelle Collectivité territoriale est que les enjeux sont masqués.
Ils doivent être explicités contradictoirement pour que les citoyens alsaciens d’une part, mais aussi l’ensemble des citoyens de la République française d’autre part, aient leur mot à dire en toute connaissance de cause.
La composition de l’Europe des 27 implique que l’Europe supranationale sera longue à se réaliser si tant est qu’elle se réalise un jour. Mais pour les promoteurs du projet, la marche vers une autonomie régionale en liaison de plus en plus étroite avec le Bade Wurtemberg est une perspective qui se suffit à elle-même. Le projet rappelle en effet que l’Alsace est “la plus petite des régions françaises en terme de superficie”, à elle seule, elle ne serait pas assez performante économiquement. Elle subit actuellement les effets de la crise avec la montée du chômage. Elle se tourne donc vers le Bade-Wurtemberg, land économiquement prospère, avec lequel elle a déjà tissé de nombreux liens culturels, linguistiques et économiques.
Le seul élu a avoir évoqué une évolution de la région vers l’autonomie est Eric Elkouby (PS). Fustigeant “le dépeçage du conseil régional et des conseils généraux”, il évoqua, sous les huées de la majorité des promoteurs du projet, derrière le projet “une volonté autonomiste.”
P. Richert lui répondit en faisant allégeance à la République “l’Alsace n’a pas à recevoir de leçons sur la République. L’Alsace est républicaine et croit en la République.” Le problème c’est que ce n’est pas le régime républicain, en lui même, qui est en cause ce sont les liens entre la région Alsace en route vers une autonomie, la République française et la République allemande via le Bade-Wurtemberg.
La Corse a aussi engagé un processus visant à son autonomie politique actuellement centrée sur l’Education, la culture, l’économie.
En Europe d’autres régions ont engagé des démarches vers l’obtention de leur autonomie politique : l’Ecosse avec un référendum, la Catalogne avec un référendum, le Pays basque espagnol, la Flandre, l’Italie du Nord. Ces régions économiquement plus performantes que d’autres régions de l’Etat, se replient sur leur “identité” communautaire.
D’autre part, le droit local restera au cœur de la législation de la future Collectivité territoriale d’alsace, en particulier le droit local des cultes, le statut scolaire local et les facultés de théologie. Ces législations non-laïques sont en phase avec celles du Bade-Wurtemberg, une union ne posera, dans ce domaine, aucun problème. Par contre les revendications des laïques d’Alsace s’en trouveraient bloquées pour un temps considérable.
Les rédacteurs insistent moins sur le passé alsacien que dans le précédent projet, tout en rappelant l’attachement supposé des Alsaciens au droit local, ils ne font référence qu’à la sécurité sociale et au droit du travail tout en se tournant résolument vers l’avenir : en écrivant : “mais l’histoire n’est pas que le passé. Elle est aussi un destin et un avenir.”
Pourtant ces mêmes responsables politiques avaient, quelques mois plus tôt, alerté la presse, les maires d’Alsace et de Moselle et les élus nationaux avec des accents vibrants de patriotisme local pour défendre la législation non-laïque d’Alsace et de Moselle. Les élus PS d’Alsace n’avaient pas été en reste pour sonner le tocsin et regarder vers le passé.
II) UNE PRECIPITATION SUSPECTE.
Avant le Congrès de novembre 2012, deux sénateurs alsaciens UMP (Catherine Troendlé et André Reichardt) soutenus par les sénateurs JV Placé(EELV) et F. Patriat(PS) avaient déposé au Sénat un amendement à un projet de loi portant sur des problèmes de communes, intercommunalités et agglomérations.
L’amendement visait en fait à court-circuiter un élément de la loi du 16 décembre 2010 sur la fusion des collectivités territoriales. Cette loi permettait la fusion à deux conditions : la majorité des suffrages exprimés et le franchissement, pour les votants, du seuil de 25% des inscrits par département. L’amendement proposait purement et simplement de supprimer cette clause des 25%.
Le sénateur-maire de Strasbourg, Roland Ries, s’est employé à faire échouer cette grossière manœuvre.
Les promoteurs du projet de Collectivité territoriale d’Alsace, prétendant œuvrer au nom de “l’exigence démocratique”, de “la clarté pour tous”, ont impulsé ce que des élus PS ont appelé un “tripatouillage indigne”(Eric Elkouby) ou un “amendement scélérat”(Raphaël Nisand). Il est vrai que les promoteurs du projet ont aussi le souci de “l’efficacité” et de “l’efficience” et qu’ils craignaient une participation au référendum inférieure au seuil des 25%.
Enfin cerise sur le gâteau, P. Richert était ministre chargé des collectivités territoriales lors du vote de la loi du 16 décembre 2010 qui fixait le seuil des 25% !
L’autre point qui pose un problème majeur est la précipitation avec laquelle les promoteurs du projet veulent organiser le référendum. Avec le problème du siège, c’est la cause principale des abstentions ou des votes contre de14 élus PS.
Le Parlement doit en effet voter au cours du premier semestre 2013 “l’acte III de la décentralisation” octroyant de nouvelles compétences aux régions. Le projet s’est inscrit dans cette perspective. La logique voudrait donc que les promoteurs du projet prennent connaissance de ces compétences et de la législation qui les fondent avant d’organiser le référendum.
Mais les promoteurs du projet ont une autre logique. Pour P. Richert, ce projet est “l’outil d’une Alsace plus forte, qui servira à toute la France en ces moments difficiles où l’Alsace peut être un aiguillon…Le référendum doit constituer une injonction au parlement.”
En d’autres termes, il s’agit de prendre de vitesse le vote du Parlement pour lui imposer davantage de délégations de pouvoir.
III) DE SURPRENANTS SOUTIENS AU PROJET.
Que tous les élus de Droite (UMP, Divers droite, Indépendants) aient voté dans l’allégresse pour le projet, c’est dans l’ordre des choses, ils sont les porteurs du projet.
Que des élus PS et EELV aient aussi voté plus ou moins dans l’allégresse pour le projet pose plus de problèmes. Ils ont du passer par pertes et profit tous les points litigieux dont, le mode de scrutin, le siège, l’absence de démocratie dans la préparation du projet et du référendum, le caractère complexe de l’organisation administrative, le caractère exclusif des partenariats dans le cadre du Rhin supérieur et des trois frontières, les menaces, à terme, sur le système éducatif et le droit du travail, le blocage de toute avancée laïque etc…
Certes une partie de ces élus se sont déjà prononcés pour une Europe fédérale supra nationale où les Régions gagneront en autonomie, mais le fait que le projet s’inscrive, sans le dire ouvertement, dans ce cadre suffit-il à renier d’autres principes ?
Que les élus FN aient, eux aussi, voté presque dans l’allégresse pour le projet est encore plus surprenant. Ils sont protectionnistes, nationalistes, anti-européens et revendiquent la proportionnelle intégrale. Tout le contraire des orientations du projet. Peut-être ont-ils estimé qu’ils avaient plus de chance de faire progresser leurs thèses xénophobes dans une région plus autonome vis-à-vis de l’Etat. Peut-être ont-ils considéré que tout ce qui affaiblissait le pouvoir de l’Etat était bon à prendre ?
Conclusion.
Ce projet, tant par le manque de démocratie qui préside à sa mise en forme que par les perspectives de modifications institutionnelles et juridiques qu’il annonce à terme, ne peut qu’inquiéter les citoyens attachés à un Etat reposant sur une République sociale, une et indivisible, laïque et garante du “vivre ensemble'” par delà sa diversité.
La majorité des organisations syndicales( FSU, UNSA, CGT, FO)alsaciennes se sont prononcées contre. On l’aura compris, au niveau politique, il n’en est pas de même. Seuls des partis classés à gauche du PS, le Front de Gauche et le Parti ouvrier indépendant se sont réunis dans un “Comité du non” pour appeler à voter non au référendum sur le projet de Collectivité territoriale d’Alsace qualifié “d’antidémocratique et antisocial”.
Pour laïcité d’Accord, ce projet, s’il était adopté par référendum puis voté au Parlement constituerait un obstacle majeur à tout espoir d’avancée laïque en Alsace et Moselle, alors même que de timides espoirs de progresser sur quelques points viennent de se faire jour.
Pour Laïcité d’Accord
Claude Hollé
Novembre 2012.
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