par Alain Gresh
Depuis longtemps, la chasse aux Bédouins est ouverte, non seulement en Palestine occupée, mais aussi en Israël, où des dizaines de milliers d’entre eux sont arrachés à leurs terres (1). Vendredi 20 septembre, en Cisjordanie, un convoi humanitaire se dirige vers le village bédouin de Makhoul, détruit par les forces d’occupation israéliennes. Il transporte des tentes pour offrir un toit, même précaire, à la soixantaine d’habitants. Destinés à remplacer celles de la Croix-Rouge, que les Israéliens ont confisquées, ces abris de fortune sont financés par l’Union européenne et par la France. Pour éviter une nouvelle saisie, des diplomates européens et des humanitaires escortent le camion. Très vite, l’armée israélienne le bloque.
Pour protéger la cargaison, des diplomates montent à bord. Parmi eux, Mme Marion Fesneau-Castaing, attachée de coopération au consulat de France à Jérusalem, qui dispose de l’immunité diplomatique. Plusieurs soldats l’attrapent par les bras et les jambes, l’extirpent du véhicule et la jettent à terre. Elle se relève. Interpellée par un militaire qui exige de lui prendre son sac, elle le repousse. Son geste, dans une vidéo éditée par les autorités israéliennes, deviendra un « coup de poing », version que le correspondant du Monde relaiera complaisamment (2).
L’incident offrira à Paris une occasion de montrer sa pusillanimité, et aux médias une diversion permettant de passer sous silence la répression contre le convoi, l’utilisation de grenades assourdissantes et de gaz lacrymogènes, les coups et les arrestations, sans parler de la violation par l’occupant des conventions de Genève. Alors que l’Union européenne proteste, le Quai d’Orsay se tait, puis décide… de rapatrier la diplomate.
Israël a pris l’habitude de harceler les diplomates français — de préférence les femmes, d’ailleurs (3) —, sans susciter la moindre mesure de rétorsion sérieuse. Il s’agit surtout pour Paris de ne pas jeter une ombre, si légère soit-elle, sur le voyage que le président François Hollande effectuera ce mois-ci en Israël, ni sur les excellentes relations qu’entretient la France avec ce pays qui viole pourtant allègrement le droit international. Il fut un temps où les puissances coloniales pensaient que ce droit ne pouvait s’appliquer aux peuples « sauvages ». En Palestine, on en est toujours là.
Alain Gresh
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