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Lors d’une assemblée générale ce midi, le collectif unitaire (étudiants-personnels) de mobilisation a voté une action à l’occasion du vote du budget d’austérité par le conseil d’administration de l’Université de Strasbourg et décidé la lecture de ses revendications et propositions, chiffres à l’appui, à l’ensemble des administrateurs présents.

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Après le vote, les membres du collectif unitaire présents à l’AG ont rejoint la Fac de Droit au 5ème étage de laquelle se tenait la réunion de vote du budget où ils se sont invités.

A noter que dans la salle du conseil d’administration étaient présents les membres du CA (étudiants, personnels, chefs d’entreprises, Présidence de l’Université, Région, Rectorat…), des membres du collectif de mobilisation (étudiants, personnels, syndicats…), 3 blogueurs et un journaliste (Rue89)…

Plus surprenant a été de voir à la porte de la salle ouverte, assistant à la réunion depuis le pas de porte, 2 ou 3 membres de la DGSI (Direction générale de sécurité intérieure, ex Renseignements généraux…) ! Sachant que selon l’intitulé de leur mission ils sont chargés de rechercher, de centraliser et d’exploiter le renseignement intéressant la sécurité nationale ou les intérêts fondamentaux de la nation, on se demande bien les raisons de leur présence lors du vote du budget de l’Université…

Nous reproduisons ci-dessous le texte lu par des membres du collectif unitaire de mobilisation devant et à l’attention des membres du CA :

Pourquoi envahissons-nous le Conseil d’Administration ?

– Depuis des années, les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, conformément aux directives européennes, s’acharnent à démanteler réformes après réformes ce qui constitue l’Université publique.

Avec la loi Fioraso, le code de la recherche a été modifiée en ce que toute une partie sur les « activités de transfert pour la création de la valeur économique » est ajoutée. Cela signifie que les « résultats de la recherche » sont à transmettre et sont utilisables par le «monde socio-économique», autrement dit le secteur privé et les entreprises. La conséquence est que la recherche n’est plus un service public pour l’amélioration de la société, c’est une source de richesse pour le secteur privé. La «valorisation économique » devient le critère de l’excellence académique.

Cette loi vient s’ajouter à la loi LRU qui établissait l’autonomie budgétaire des établissements, notamment dans la gestion de la masse salariale et la distribution des crédits aux différentes composantes, plongeant nombre d’établissements en situation de difficultés financières voire de déficits.

Aujourd’hui, alors que le nombre d’étudiants en France augmente, les crédits publics dont sont dotées les Universités sont en chute libre. A Strasbourg comme ailleurs, on en arrive à recruter les étudiants par tirage au sort ou par critère géographique. Toutes les universités restreignent le nombre de TD, mutualisent des cours dans les pires conditions, appauvrissent les contenus par l’allègement du volume horaire, durcissent les critères d’assiduité pour pousser dehors les étudiants salariés et tous ceux qui sont les moins prometteurs, les moins rentables.

Ainsi, que pouvons nous constater dans le projet de budget 2015 que vous vouliez valider ? L’université est contrainte de réduire les projets d’investissement financés sur ressources propres au profit de ceux financés dans le cadre de programmes publics (Opération Campus, IdEX, CPER, etc.) qui ne garantissent pas un financement équitable de tous les projets ni de toutes les composantes de l’université.

Aussi, si dans l’absolu les ressources propres de l’Université augmentent, cela est du à l’augmentation nationale des frais d’inscription : peut-on se réjouir de cela si le maintien d’un niveau minimal de ressources est du en large partie à l’augmentation des frais, et donc repose sur le dos des étudiants ?

L’excédent de fonctionnement qui se dégage du budget 2015 est de seulement 45.323 euros, donc largement insuffisant pour garantir une quelconque marge de manœuvre à l’université pendant l’exercice financier. C’est aussi l’impossibilité de renforcer le fonds de roulement avec lequel l’université finance des projets d’infrastructures pédagogiques et informatiques.

Si le budget reste en équilibre pour 2015, la route tracée pour l’Université de Strasbourg est celle du déficit, et vous-mêmes l’admettez lorsque vous affirmez que « le risque de déficit s’accroit en raison de l’augmentation plus rapide des charges obligatoires par rapport aux recettes. Pour ces charges, la mise en place d’un dispositif de maîtrise à court terme est quasiment impossible. Le budget est en équilibre précaire : une modification dans les crédits dévolus à l’Université contraindrait l’établissement à prendre dans un second temps des décisions budgétaires délicates. Des nouvelles coupes sont donc à l’horizon !

Nous assistons ainsi à la destruction du modèle de l’université publique en vue de l’instauration d’un modèle autre : la baisse des dotations publiques est le levier d’une politique de restructuration qui entraîne l’Université vers une fuite en avant dans la recherche de crédits. Il s’agit d’un glissement vers le modèle libéral incarné par l’Université anglo-saxonne. Car nous avons bien face à nous deux modèles proposés et entre lesquels nous devons choisir. D’une part une université publique financée à hauteur de ses besoins, d’autre part une université, qui par manque de financements publics, se retrouvent soumises à la loi du profit.

Tout d’abord le modèle libéral censé rétablir l’instabilité budgétaire, qui veut que les universités soient soumises à un principe de rentabilité et, suivant la logique entreprenariale, qu’elles soient mises en concurrence entre elles, car comme chacun sait, rien de telle qu’une saine concurrence pour fouetter la productivité de chacun. Partant de ce principe, quels sont les conséquences pour l’enseignement supérieur et la recherche ?

L’application du principe de rentabilité implique une évaluation de l’efficacité de chaque filière et de chaque laboratoire, efficacité qui est censée se traduire par les résultats dits-scientifiques ainsi que la capacité des chaque filière à fournir des emplois à ses diplômés. Que faire des filières qui par leur nature même ne peuvent être évaluées de cette sorte et de ce fait ne peuvent qu’être considérées comme non rentables et donc non efficaces ?

On aurait du mal à imaginer un entrepreneur investir son argent dans la science fondamentale ou les arts. Les filières dites non rentables souffrent ainsi d’un sous-financement qui paralyse la recherche, appauvrit l’enseignement et menace jusqu’à leur existence même en bien des endroits.

Et même quand ces nouvelles règles de financement n’excluent pas ces disciplines, qu’en reste-il ? La psychologie ou la sociologie, qui sont des disciplines nécessairement critiques et indépendantes, doivent elles avoir comme principale mission de faire travailler les gens plus vite ? L’histoire sert-elle à chanter le triomphe des capitaines d’industrie et le cinéma à les mettre en image ? L’économie doit-elle se borner à expliquer comment faire de l’argent sans jamais mettre en question la manière dont on s’y prend ?

La mise en concurrence des universités et leur autonomie budgétaire engendre une véritable chasse aux crédits. Cette chasse implique que l’université doit vendre son projet et donc adapter son offre aux potentiels acheteurs qui ne sont autres que des investisseurs. Cette logique d’adaptation de l’offre à la demande implique une soumission de fait aux intérêts de ces mêmes investisseurs.

De même, la concurrence entre chercheurs et laboratoires ne peut que briser la coopération et l’échange gratuit de savoirs. Dans le même ordre d’idée la mise en concurrence entre étudiants détruit par la même l’entraide et la solidarité. Pourquoi aider quelqu’un à développer son master si je sais que je serai en concurrence avec lui pour une allocation de thèse ? Cette logique est contre-productive et va même à l’encontre des impératifs d’efficacité. Imposer le modèle libéral à l’université c’est aussi lui imposer ses incohérences internes qui sont légions.

L’autre modèle est celui d’une université publique. Dans ce modèle, la notion de service public est attachée à l’université. Les objectifs de l’Université publique ne doivent donc être soumis qu’à des impératifs d’intérêt général et de libre accès à tous. Ces impératifs sont incompatibles avec les réformes actuellement à l’oeuvre.

La mission de service public de l’ESR est dans le développement de la connaissance scientifique et du savoir humain dans tous les domaines et dans sa diffusion au plus grand nombre possible dans les meilleurs conditions possibles. Si l’université a un rôle de service publique, elle ne doit dépendre que de fonds publiques

En réduisant le budget de l’ESR, l’Etat impose aux universités et organismes de recherche une marche forcée vers la chasse aux capitaux privés.

Dans ce cadre, l’Université de Strasbourg n’a pas voulu rater l’opportunité apparente des SATT, sociétés privées dont les actionnaires sont des organismes publics et a été une des premières universités actionnaires d’une SATT. Cette décision a été  prise principalement pour alléger la masse salariale des défunts services de valorisation mais a aussi été motivée par un financement, par l’ANR, visant à accompagner la création des SATT. Ce financement s’arrêtera au premier janvier. A la même date l’an passé il était convenu que la SATT Conectus Alsace gérerait, en plus des contrats privés, les contrats publics de financement de la recherche. Il s’est avéré qu’un tel montage n’était pas conforme au droit européen. Lors de la séance du CA du 17 Décembre 2013, celui où avait été voté le budget 2014, avait alors été décidé une augmentation du taux des prélévements de la SATT sur tous les contrats de 4 à 7%. Quelles seront les conséquences de l’arrêt du financement ANR sur ce taux afin d’éviter une faillite de la SATT ? Notre université devra-t-elle supporter financièrement la SATT ? Il s’agit ici d’un exemple montrant que l’université n’est pas faite pour le modèle libéral.

Accepter ces baisses de dotations, c’est accepter ce modèle. Voter un budget en baisse, et donc voter ses conséquences que nul ne peut ignorer, c’est participer à sa mise en place.

Nous ne pensons pas que les logiques économiques libérales puissent être appliquées à l’enseignement supérieur et la recherche, l’écart séparant les deux mondes étant trop grand. Le combler suppose des mesures d’austérité criminelles et une restructuration dont les conséquences ne sont pas acceptables.

Nous revendiquons une université publique. De ce fait, nous ne pouvons accepter cette nouvelle baisse de budget. Devant la menace de son acceptation, nous nous sommes vus contraints de l’empêcher par tous les moyens. Nous avons donc décidé d’envahir ce conseil d’administration. Aujourd’hui nous empêcherons ce budget d’être voté. Aujourd’hui nous disons non à l’Université libérale soumises aux intérêts privés. Aujourd’hui nous vous appelons à reconnaître votre responsabilité politique en condamnant cette politique d’austérité destructrice pour nous tous.

La place de l’Université dans la société est trop importante pour qu’on la délaisse. Sachez que nous la défendrons à tout prix. L’accès à un enseignement supérieur de qualité est un droit pour toutes et tous. L’Université doit être synonyme d’enrichissement personnel. Elle est un lieu où le savoir et l’intérêt scientifique ne peuvent pas passer aprés les logiques de rentabilité économique.

C’est pourquoi nous revendiquons :

Une augmentation et une redistribution des moyens !

Pour un refinancement public massif des facultés à la hauteur de leurs besoins. Pour une juste répartition des budgets entre les filières. Pour une augmentation significative des recrutements de tous les personnels de l’Université (enseignants et non-enseignants). Contre la précarisation des personnels de l’Université : pour la titularisation de tous les vacataires.

Pour la possibilité pour TOUS d’accéder au savoir : pour une Université libre, gratuite, ouverte à tous, émancipatrice ! ─ Contre l’enseignement supérieur à deux vitesses : pour une qualité de financement à la hauteur des grandes écoles et des investissements d’excellence.

Pour une augmentation des bourses sur critères sociaux et élargissement des critères d’attributions : pour en finir avec le salariat étudiant ! Contre toute forme de sélection à l’entrée à l’université.

Contre l’Université-entreprise ! Contre les diplômes discount qui ne donnent droit qu’à des emplois discount. Pour un réel accompagnement pédagogique et un contenu de qualité pour tous les diplômes. Pour un financement 100 % public de l’Université et contre la mise en concurrence des établissements, des filières, des enseignant-chercheurs et des étudiants.

Le comité de mobilisation étudiant

Déclaration du président de l’UNISTRA, Alain Beretz (communiqué de presse du 16 décembre, 17 heures 48).

Download/Télécharger (cp_reportvotebudget_141216.pdf,PDF, 121KB)

Lire aussi :

CONVERGENCE, ALLÉGEANCE OU CONTINGENCE ?

http://dicensus.fr/convergence-allegeance-ou-contingence/

Quand les conseils d’administration bloquent ou reportent le vote des budget de leurs universités !

http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article7281