Ce n’est pas la première fois que l’Institut d’Etudes Politiques de Strasbourg invite une personnalité d’extrême-droite ; à l’occasion du Colloque européen qu’il organise du 9 au 11 février, c’est Bruno Gollnisch, condamné pour propos négationnistes et antisémites, qui sera à la tribune, au Palais universitaire.
Mais si le choix de ce cadre du Front national est inquiétant à plus d’un titre (1), à y regarder de plus près, c’est l’ensemble du colloque qui interpelle…
En effet, sous le titre officiel et général de « L’Union européenne incarne-t-elle encore l’idée européenne ? », ce colloque censé articuler des notions vastes et ouvertes, se concentre en réalité sur des questions ciblées et très politiquement orientées : aucun intervenant de gauche, aucun intervenant anti-libéral, aucun thème sur les politiques sociales, sur la diversité, etc…
Ainsi, on constate dès la première journée programmée que l’intitulé «Qu’est–ce qu’être européen ?», cache une table-ronde autour de « la civilisation européenne»(sic), thème cher à l’extrême-droite dont le GRECE a fait, par la voix d’Alain de Benoist notamment, un fer de lance xénophobe. Le choix de placer d’entrée de jeu le débat autour de questions identitaires et civilisationnelles est assurément un très mauvais signe.
Le choix des intervenants pour traîter de ce sujet laisse perplexe puisqu’aux côtés de la sociologue Dominique Schnapper, on trouvera Alexandre Jevakhoff, «ex-directeur adjoint du cabinet de Michèle Alliot-Marie au Ministère de la Défense et des Affaires Etrangères, membre de l’Union de la noblesse russe» mais aussi ex-directeur général de TF1 et ex-secrétaire général de TF1 entreprises, ex-directeur général du groupe Aura-Engeu, ex-directeur général du Groupe des industries métallurgiques de la région parisienne, et président du Cercle de la Marine impériale russe… Un grand spécialiste des questions européennes donc…
Le second jour de colloque réunira la Présidente de la Délégation socialiste française, Pervenche Bérès, le diplomate (ancien énarque) et représentant permanent de la France auprès de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), Maxime Lefebvre, et le journaliste de Libération Jean Quatremer (2) (bien connu pour ne pas être un ami de la gauche critique), tous fervents défenseurs du social-libéralisme, et qui semblent d’avance s’accorder sur l’idée que « L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises. » (J. Monnet) en proposant « l’étude de l’UE à travers son action face à deux crises récentes : diplomatique en Ukraine et économique en Grèce.» Crise, défense et sécurité au programme…
Le dernier jour enfin, l’IEP a laissé la question « Quel avenir pour l’Union Européenne ?» aux mains de Bruno Gollnisch (membre du bureau politique du FN, ex-président de l’Alliance européenne des mouvements nationaux, président du ‘Groupe ITS’ (Identité, Tradition, Souveraineté) au PE…) et d’Yves Jégo (ex-UMP, ex-UDI, vice-président du Parti radical…) !!! Un choix pour le moins dans l’air du temps, sinon prophétique…
On s’ étonnera également, que l’information de ce colloque ne figure pas à l’agenda du site de l’IEP, ni même sur celui de l’Unistra d’ailleurs, à croire que le public visé n’est pas celui du milieu étudiant et universitaire; le programme du colloque en pdf (voir en bas de page) ayant été diffusé par mail, allant même jusqu’à être recommandé par des organismes partenaires de la Ville, tels les cinémas Odyssée qui diffusent et recommandent « une initiative intéressante de Sciences-Po Forum»… avec tout de même Bruno Gollnisch au programme ! Voilà où mène le manque de vigilance mais aussi la confiance aveugle -voire servile- en des financeurs et partenaires de plus en plus droitiers.
Quant à l’accueil fait à ce colloque et la tribune donnée à ses intervenants au sein de l’Université de Strasbourg “médaillée de la résistance”, l’année du 7oème anniversaire de la Libération, son Président Alain Béretz devra s’en expliquer…
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Note:
(1)
3 mars 2005 : le conseil disciplinaire de l’Université Lyon 3 suspend Bruno Gollnisch de cette université pour une durée de 5 ans, suite à des propos (antisémites et négationnistes) qu’il a tenus lors de sa conférence de presse du 11 octobre 2004.
(voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_des_propos_de_Bruno_Gollnisch_d’octobre_2004 )
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bruno_Gollnisch
http://www.lentente.net/front-national-est-il-competent-en-matiere-europeenne/
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(2)
L’économiste Frédéric Lordon a consacré à Jean Quatremer un article critique dans lequel il lui reprochait sa tendance à confondre critique de l’Union européenne et conspirationnisme. Selon lui, Quatremer serait le « journaliste le plus attaché à traîner dans la boue – y compris pour conspirationnisme – toute position de gauche critique de l’Europe »38.
Pour l’ancien ministre des Affaire étrangères socialiste Hubert Védrine, Jean Quatremer est « un ayatollah du fédéralisme » européen39.
Jean Quatremer a été plusieurs fois le sujet d’articles d’Acrimed, le site de l’association de gauche antilibérale de critique des médias 40, pointant notamment ses propos vis-à-vis de Jean-Luc Mélenchon41.
Un article rédigé par un membre du PTB (gauche radicale belge) lui a reproché sa « fausse impertinence »42.
Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Quatremer
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Download/Télécharger (Affiche-colloque-européen-IEP.pdf,PDF, 187KB)
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