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Un démocrate conservateur

Extrait de la fiche Wikipedia sur Marcel Gauchet

Critiques et controverses

D’un côté, Marcel Gauchet a mené de vives polémiques intellectuelles mais de l’autre il a beaucoup pratiqué la discussion avec les contradicteurs qui le souhaitaient, comme Alain Badiou, Michèle Riot-Sarcey ou Mmembe4,5

À partir du début des années 1980, dans la revue Le Débat, qu’il dirige avec Pierre Nora, il s’en prend durement à la pensée française des années 1960-1970 (marquée notamment par les œuvres de Michel Foucault, Jacques Derrida et Jacques Lacan), dont il dénonce « l’appartenance ou la connivence avec l’univers mental du totalitarisme » en raison de son « antihumanisme »6.
Dans un dossier consacré en 1986 par Le Nouvel Observateur à « la grande lessive » en cours dans le champ intellectuel, il formule le diagnostic selon lequel les analyses structuralistes de Georges Dumézil, Claude Lévi-Strauss ou encore Jean-Pierre Vernant se sont soldées par « un échec complet »7.
Dans un livre d’entretiens paru en 2003, il parle de Michel Foucault comme d’un « prestidigitateur »8.
Marcel Gauchet a toujours également rejeté radicalement la pensée de Pierre Bourdieu, dont le travail est selon lui un « désastre intellectuel », « habillage sophistiqué d’une pensée mécaniste et déterministe, qui ne permet tout simplement pas de comprendre comment une société fonctionne »9.

En retour, Marcel Gauchet a fait l’objet de critiques l’accusant d’être un intellectuel réactionnaire et conservateur, notamment dans l’ouvrage Le Rappel à l’ordre du sociologue Daniel Lindenberg, paru en 2002, et dans l’ouvrage D’une révolution conservatrice et de ses effets sur la gauche française du sociologue Didier Eribon, paru en 2007, ce dernier y soulignant ses attaques contre les mouvements sociaux et le présentant comme une figure emblématique du basculement à droite des élites intellectuelles françaises depuis le début des années 1980[réf. nécessaire].

Dans un ouvrage consacré à La pensée anti-6810, le philosophe Serge Audier a étudié l’évolution de Marcel Gauchet vers le conservatisme et la forte influence des écrits de Louis Dumont et de Christopher Lasch sur sa conception négative de l’individualisme contemporain. Il y dénonce « des facilités d’analyse sur le phénomène individualiste, sans que jamais soit mobilisée la moindre enquête sociologique et historique, sans que l’ombre de chiffres ou de statistiques ne viennent un peu nuancer le propos », selon les termes d’une recension de l’ouvrage11.

De la même manière, dans un article de la Revue du crieur, décrit par les Inrocks comme étant un « portrait à charge »12, publié en 2015 et intitulé « Marcel Gauchet ou le consensus conservateur », les historiens Ludivine Bantigny et Julien Théry-Astruc avancent que les thèses philosophico-historiques de Marcel Gauchet « relève[nt] plus souvent de la dissertation ou de l’éditorialisme que de la recherche à proprement parler ». Selon eux, la préoccupation permanente de Marcel Gauchet pour l’« anomie » et la « décivilisation » qu’auraient entraînées l’accentuation de la remise en cause des rapports d’autorité depuis Mai 68 rapprochent sa pensée de la droite extrême. Sa conception de l’histoire, qui fait du christianisme le facteur décisif de l’essor occidental et de l’essor du religieux, serait « spiritualiste » et simpliste13. D’autre part, le choix par Marcel Gauchet des auteurs publiés dans sa collection Gallimard/Le Débat, notamment le fait d’y avoir publié récemment quatre livres de l’essayiste Hervé Juvin, témoignerait de ses « choix politiques radicalement conservateurs »14. Commentant cet article, Régis Soubrouillard de Marianne et Causeur note que Marcel Gauchet a droit « à son procès très convenu en “néo-réactionnaire” » et que « la vulgate très approximativement scientifique du propos fait office de piteux cache-sexe pour éviter de débattre d’un désaccord politique de fond »15.

Critique des propos sur l’immigration et l’islam

En 2005, dans son livre Les fils maudits de la République : l’avenir des intellectuels en France, l’historien Gérard Noiriel le présente comme l’un des principaux représentants en France des « intellectuels de gouvernement », qui se caractérisent, selon lui, par le renoncement à toute fonction politique de critique et de mise en valeur des effets de domination, et se consacrent uniquement à des tâches d’expertise et de conseil au service de la classe dirigeante et de sa vision des rapports sociaux16.

Pour Gauchet, l’immigration de masse aurait provoqué « une blessure au sentiment populaire de souveraineté », ce qui le conduit à écrire qu’« on n’éradique pas l’empreinte de l’Islam comme on a effacé les marques du patois picard ou défait le moule des catégories bretonnes. Et nous manquons de conviction dans l’imposition pour faire de bons Français avec de petits Sénégalais sur le mode où l’on a réussi dans le passé avec de petits Polonais »17. Or, d’après Noiriel, de telles analyses reposent sur « une logique d’assignation identitaire » et « ne tiennent compte que du critère de l’origine nationale ou de la religion », alors que « le facteur décisif qui commande tous les autres, c’est le milieu socioprofessionnel »18. Il ajoute que la « motivation constante des réflexions politiques publiées par Marcel Gauchet dans Le Débat consiste à critiquer ceux qu’il appelle ‘la fine fleur des intellectuels progressistes’ » : « Dans un style d’une violence inhabituelle chez les intellectuels de gouvernement, Gauchet stigmatise ‘l’invariable bêtise’ de la ‘gauche mondaine’ et son ‘imposture démagogique’ »19.

Philomag

Le titre intrigue, évoquant les grandes découvertes. Explorateur, Marcel Gauchet l’est en un sens, tant il fraye les chemins cachés de l’Histoire. Ce volume clôt son enquête au long cours sur L’Avènement de la démocratie et l’émergence de l’idée d’autonomie – ou comment les sociétés européennes ont cessé de se structurer autour de la religion pour inventer leur propre destin. Quid de ce « nouveau monde » ? Pour Gauchet, il apparaît dans le sillage du choc pétrolier de 1973 et de la crise qui s’ensuit. En une « révolution silencieuse », tout change : la mondialisation s’installe, le capitalisme mute, le néolibéralisme s’impose, l’individualisme triomphe. Vaste tableau, ponctué de concepts en « dé- » (« désimpérialisation », « détraditionnalisation »), et de thèses « poil à gratter » – ainsi lorsque Gauchet soutient que nous vivons « la fin de la guerre » ou que « l’humanité est sortie de la religion » définitivement… Sa force est de montrer que la « dominance néo­libérale » est un phénomène total, aux déclinaisons juridiques, sociologiques, médiatiques, anthropologiques. Dans la « société des individus », ceux-ci s’arc-boutent sur leurs droits et intérêts ; ils sont à la fois ultra-connectés et séparés, sans médiation collective consistante. Perte de repères et d’horizon communs : il y a bien un « malaise » dans le nouveau monde. L’autonomie achevée est en réalité « tronquée » ; de « solution », elle est devenue un « problème ». Il faut en relancer le sens et l’effort, en refondant notamment l’expérience démocratique. « L’histoire de la libération est derrière nous ; l’histoire de la liberté commence » : cap vers de nouvelles explorations.