Est-ce ainsi que des êtres humains vivent dans l’Europe de 2012?

Des membres de l’Association et du Collectif Latcho Rom ont rencontré hier à Strasbourg des habitants de deux des quatre campements menacés d’évacuation à la demande de la Ville de Strasbourg.

Le jugement en référé ayant donné satisfaction à la Ville, l’évacuation peut se produire à n’importe quel moment, dès lors que la mairie aura demandé le concours de la force publique.

Cependant, à plusieurs reprises, pour des raisons difficiles à saisir, avant et après le jugement, l’adjointe aux questions sociales, Marie-Dominique Dreyssé a affirmé que la Ville ne demanderait pas l’expulsion des populations qui survivent sur ces campements. Elles sont environ deux cent, dont de nombreux enfants de tous âges.

Nous avons donc rencontré des habitants que nous avons écoutés grâce à une personne issue de ces mêmes communautés qui a fait l’interprète.

Nous étions accompagnés d’un cinéaste qui, avec l’autorisation des populations concernées, a filmé le campement et ses habitants. En attendant le montage, quelques photos et vidéos prises par l’équipe de la Feuille de chou illustrent cet article.

Diaporama de Durga pour la F2C

Il s’agit pour Latcho Rom et les associations qui forment le Collectif (…) de faire connaître à l’opinion publique, aux élus et à tous les responsables des collectivités territoriales concernées, les conditions infra-humaines dans lesquelles des hommes, des femmes, parfois enceintes, des enfants, des bébés survivent dans la dite “Capitale de l’Europe”.

Quand on sait combien ces collectivités ont dépensé d’argent public pour un rallye déjà financé par des entreprises privées, on ne peut qu’être scandalisés de ce qu’on découvre.

 

Nous étions sur deux campements, celui appelé Saint-Gall, car situé à Strasbourg-Koenigshoffen, près du cimetière de ce nom, puis sur le terrain plus petit appelé “Wodli”, car il se trouve dans le prolongement de la rue de ce nom, entre l’autoroute A35, qui passe à quelques mètres des tentes et baraquements, et le Glacis avec ses anciennes fortifications et son petit cours d’eau.

Le terrain Saint-Gall avait déjà été occupé par des SDF et des sans-papiers quand ils avaient été chassés de la zone qu’ils occupaient à proximité de la station de tram Montagne-Verte.
Aujourd’hui, ce terrain est occupé par plusieurs dizaines de tentes et de baraquements de bois, toiles et matériaux divers. Le sol est boueux, des ordures s’entassent en désordre à plusieurs endroits près des habitations.

Sur ce terrain comme sur l’autre, (Wodli) où la situation est pire encore, il n’y a ni eau, ni WC,ni douche, ni courant électrique. Et pourtant, des gens y vivent depuis des mois!Et les femmes lavent le linge qu’on voit sécher sur des fils. Et cuisinent, et chauffent avec les moyens du bord les baraques où le vent et le froid pénètrent de tous côtés. Et lorsqu’elles nous invitent à entrer dans leur “logement”, on est surpris de voir avec quel soin et même quelle coquetterie, les intérieurs sont aménagés, comme au pays.

Les enfants d’âge scolaire vont à l’école, et apprennent le français.
Quand on voit les conditions dans lesquelles ces enfants vivent, on ne peut qu’être admiratif devant cette scolarisation.

D’ailleurs plusieurs mères nous ont dit que c’est précisément parce que les enfants peuvent être scolarisés que ces migrants qui fuient des conditions de vie affreuses dans leur pays d’origine, ont choisi la France de préférence à d’autres pays européens.

La France devrait être honorée d’être ainsi distinguée, mais elle est loin de répondre à ces sentiments.

Quelle valeur attribuer à l’engagement de ne pas expulser les gens avant d’avoir trouvé comment et où les reloger? Et le logement n’est pas le seul problème. Ces citoyens de l’Union européenne, du fait de règles provisoires concernant la Roumanie et la Bulgarie, ne jouissent pas des droits des citoyens européens. Le gouvernement a supprimé la taxe de 800 € des employeurs éventuels et il vient d’étendre à 291 la liste des métiers qui leur sont ouverts.

Mais ce quasi doublement ne change pas grand-chose, dès lors que le Préfet doit vérifier que des Français ne peuvent prendre les emplois, et surtout qu’il doit donner le feu vert pour les autoriser à travailler. Sans compter que, cercle vicieux, sans travail, pas de logement, et, sans logement, pas de travail!

Alors, en attendant, ils survivent par la mendicité, la débrouille, quelques petits boulots, la récupération dans les poubelles. Comment tolérer que de telles situations de misère durent des mois et des années pour certains? D’autant qu’il est patent que des millions d’euros, destinés aux Roms,dorment à Bruxelles!

Ils demandent du travail, un logement décent (ce ne sont pas des nomades). Heureusement, ils bénéficient des soins prodigués chaque semaine par les équipes de Médecins du Monde qui les visitent.

Latcho Rom et le Collectif, à l’écoute des demandes des populations concernées, ont établi une série de propositions qui devraient être mises en œuvre par les pouvoirs publics. Il faut espérer que, de la prochaine rencontre, la semaine prochaine, il sortira des résultats plus tangibles.

Par ailleurs, il semble vain de n’avoir comme vis-à-vis et partenaire que la Ville de Strasbourg, alors que l’État, le Préfet, le Conseil général et d’autres collectivités ou services sociaux sont concernés par cette situation. On a parfois l’impression que les uns et les autres, se repassent la “patate chaude”.

Pour régler ces situations difficiles et inadmissibles, il est nécessaire que tous travaillent ensemble, et surtout, que les populations concernées, elles-mêmes, soient associées à leur avenir. Car contrairement à ce qu’on laisse croire, ils et elles ont des compétences, des savoirs et aussi, comme tous les humains, des aspirations à prendre en compte.

D’autres vidéos (en VO parfois)