Votée à la quasi-unanimité lors d’une AG consécutive à la manifestation contre la loi Macron du matin, l’occupation jour et nuit de la Fac de Strasbourg s’est mise en place dès 14H, ce jeudi, dans le hall d’accueil du bâtiment le Patio.
Des tables et des chaises ont été disposées, des banderoles fabriquées puis déployées sur les murs, les vitres et les accès principaux, et un communiqué de presse rédigé dans la foulée.
Très vite, le concierge est venu s’enquérir de la situation pour transmettre à la Direction l’état des forces en présence et les conditions d’occupation. Demandant aux occupants de désigner un responsable, le concierge était chargé de transmettre son identité au Président Béretz qui voulait le recevoir seul dans son bureau. Refusant de personnaliser le comité, les occupants ont décliné l’invitation et ont invité le Président à venir à leur rencontre -ce qu’il n’a pas fait-, ce dernier assurant quelques minutes plus tard que la présence des occupants ne lui posait pas de problème dès lors qu’ils respecteraient les lieux et les consignes de sécurité.
Tout a changé lorsque les occupants ont fait savoir, en fin d’après-midi, qu’ils comptaient occuper le Patio de nuit également. On leur a alors annoncé que des membres de “l’équipe présidentielle” allaient venir s’entretenir avec eux. Ainsi, on a vu venir vers 18H30, trois administratifs dont Hugues Dreyssé (Vice-président) et Michel Deneken (Premier Vice-président), l’air faussement désolé, prévenir que l’occupation nocturne “n’allait pas être possible car nous étions en plan Vigipirate” et que les bâtiments seraient fermés, vides, à 20H. Ajoutant que les occupants pouvaient laisser toutes leurs affaires à l’intérieur du Patio et revenir dès 7H30 le lendemain matin. Puis dans un excès de zèle, de baratin et de bluff mélangés, leur discours se fit plus confus, tantôt moraliste, décrivant les méfaits de l’alcool au sein des mouvements sociaux et étudiants, tantôt paternaliste, mimant le Président “obligé” d’appeler le Préfet, lui-même “obligé” de faire intervenir la police pour évacuation… Le plan Vigipirate a bon dos et est, à l’évidence, un outil bien pratique pour contrer les manifestations et mouvements sociaux…
(Document transmis par le comité d’occupation)
Ne cédant pas à l’intimidation administrative, le comité d’occupation continua ses activités, notamment l’organisation de plusieurs commissions (rédaction, communication, bouffe…). D’autres militants et responsables syndicaux furent contactés et avertis de la situation, la presse invitée à venir sur place en cas d’évacuation par la police.
Vers 19H30 le concierge fit savoir que le comité serait tenu “responsable de toutes les dégradations pendant la nuit“, ce qui signifiait que la Présidence était maintenant favorable à une occupation nocturne. Dix minutes plus tard, les vigiles chargés de la surveillance de nuit du bâtiment venaient à la rencontre du comité d’occupation pour négocier, très pacifiquement, et dans une confiance et compréhension réciproques, la cohabitation pour la nuit qui approchait.
Malheureusement, la négociation fût interrompue brutalement un peu avant 20H par les membres de “l’équipe présidentielle” Hugues Dreyssé et Michel Deneken qui revinrent à la charge sur le thème “vous sortez ou la police va vous sortir”; le Président Béretz ayant demandé réquisition du bâtiment au Préfet Bouillon, il ne tient plus qu’au Préfet de donner ordre de faire évacuer.
(Document transmis par le comité d’occupation)
Ce second coup de bluff de la Direction ne fit pas plus d’effet que le premier. Le pari fut fait que le Préfet ne prendrait pas la décision si lourde de conséquences pour lui comme pour Béretz de faire évacuer par la force une occupation pacifique.
Finalement vers 20H, un choix fut proposé aux occupants : soit ils sortaient du bâtiment pour la nuit, soit ils restaient dans le bâtiment sachant qu’ils ne pourraient en sortir que le lendemain matin, le verrouillage électronique empêchant toute ouverture des portes. Malgré la présence des vigiles assurant que “en cas de coup dur” les portes pourraient être ouvertes, les occupants refusèrent de se faire enfermer. La décision fut prise à l’unanimité de rester dans le bâtiment en laissant une petite porte ouverte, bloquée par une table.
On a alors vu une réunion administratifs-élus-RG se tenir vers 20H30 sur le parvis, tandis qu’on voyait Béretz de loin s’éloigner du campus en téléphonant (sans doute pour observer la scène à distance), l’annonce que la police allait évacuer fût faite dans le quart d’heure suivant.
Des policiers en civil de la BAC ont été aperçus vers 21H15 sur le campus. Les occupants retranchés dans le hall d’accueil du Patio ont été rejoints par 3 policiers dont un chef. Le choix leur a été clairement exposé : soit ils sortaient d’eux-mêmes du bâtiment, sans interpellation ni contrôle d’identité, soit ils se faisaient sortir manu militari par les forces de police.
Sans doute pour éviter au Président Béretz d’avoir à porter le poids d’une large médiatisation de l’ évacuation violente de ses étudiants et personnels qui, à coup sûr, aurait fini d’achever sa réputation déjà mise à mal par sa grande proximité avec tout ce que la politique libérale fait de plus répugnant, son zèle extraordinaire à couper dans les budgets universitaire -sauf le sien- ou encore sa récente défense de la liberté d’expression d’un négationniste notoire, le comité d’occupation décida à l’unanimité de sortir du Patio par ses moyens propres après avoir récupéré son matériel qui, dixit un policier, serait sinon mis à la benne.
L’ordre d’intervention des forces de l’ordre émanerait du recteur…
21H40, la sortie du comité d’occupation du Patio au cri de “solidarité contre la précarité”, “Macron t’es foutu, la jeunesse et dans la rue” et “Béretz partout, justice nulle part”.
Durga
L’évacuation:
Appel du Comité d’occupation de Strasbourg
Parce qu’une « journée d’action syndicale », ça ne suffit pas. Parce que ça n’a jamais suffi. Parce que seul un mouvement social dans la durée pourra faire plier le diktat patronal. Parce que nous faisons confiance à notre capacité à nous organiser dans la solidarité. Parce que nous refusons de sauver les meubles et que nous voulons vaincre. Parce que cette loi Macron n’est que le nouveau coup d’envoi d’une nouvelle série de casse sociale. Parce que nous ne voulons pas nous soumettre, parce que nous refusons de tomber dans le piège de l’isolement et de la résignation.
Pour tout cela et plus encore,
Nous, lycéen-ne-s, étudiant-e-s, travailleur-euse-s, chômeur-euse-s, et précaires de Strasbourg avons décidé à l’Assemblée Générale interpro du jeudi 9 avril d’occuper jour et nuit le Patio de l’Université de Strasbourg afin d’impulser un mouvement social et de reprendre l’offensive. Toute l’après-midi durant jusqu’au soir, l’occupation autogestionnaire a fait preuve d’efficacité et d’enthousiasme. La riposte ne s’est pas fait attendre. La direction a d’abord joué la carte du mépris, refusant de nous parler et réquisitionnant le personnel comme intermédiaire. Face à notre détermination à demeurer sur place et ne céder à aucune invective de la présidence, nous avons posé nos conditions : non, nous n’avons pas de chef, venez en personne assumer de parler en votre nom et face à la force collective en action. Des vigiles d’une société privée extérieure ont suivi, envoyés par la Présidence. Résistant aux ordres des vigiles dictés par la présidence, nous avons maintenu notre ligne : occupation sans compromis, venez ou taisez-vous. Finalement, ils sont venus. Menaces, intimidations, embrouilles, blabla, nous n’avons toujours pas cédé. Vient alors l’épreuve du chantage : on vous « autorise » à rester à condition de vous laisser enfermer, sans accès à l’eau, sans accès aux toilettes, sans lumières, portes verrouillées ; ou bien la police. La séquestration au nom de la sécurité, voilà le propos de la direction. Nous avons riposté collectivement en refusant de jouer la carte du chantage : c’est à nous de poser nos conditions, nous gardons le contrôle de notre occupation, le lieu doit rester ouvert. Et ce n’est pas négociable. Comme cela a déjà été le cas lors des occupations de 2006 à 2010. Acculée, la présidence de l’université a alors joué sa dernière carte : vous enfreignez les lois d’exception du plan Vigipirate, au nom des mesures antiterroristes nous sommes en contact avec le Recteur et le Préfet qui « doivent » imposer l’évacuation des lieux. Ultime prétexte d’une direction aux abois, dernier prétexte de la préfecture, qui ne veulent surtout pas d’un mouvement de la jeunesse contre l’austérité et la casse sociale. Voilà le sens de Vigipirate : criminaliser les mouvements sociaux, empêcher toute résistance populaire, lois répressives « d’exception » à employer à tout moment pour soutenir l’offensive patronale et imposer la casse du Droit du Travail. Ce sont eux les terroristes : terrorisme psychologique, administratif, policier, social, politique. Terrorisme de classe des puissants qui nous écrasent et nous méprisent. Peu de temps après, vers 21h30, plusieurs cars de police ont cerné le campus, appuyés par nombre de policiers en civil et plusieurs dizaines de BACeux. Un gradé de la police, accompagné d’un RG et d’un autre flic de la BAC, est venu à l’intérieur de l’université nous poser un ultimatum : vous évacuez « de vous-mêmes », ou le carnage. Le rapport de force n’étant plus en notre faveur et pour protéger plusieurs des nôtres en situation dite « irrégulière », nous avons décidé de quitter les lieux sans résistance physique à la condition qu’il n’y ait ni contrôle d’identité, ni arrestation. Que la présidence jubile, nous n’en resterons pas là. Pitoyable direction apeurée forcée d’utiliser le prétexte Vigipirate pour évacuer ceux et celles qui veulent faire de l’université un lieu d’organisation et de solidarité pour résister à la casse systématique du Droit du Travail. La terreur ne nous fera pas taire.
NOUS APPELONS TOUS LES LYCEEN-E-S, ETUDIANT-E-S, TRAVAILLEUR-SE-S, CHOMEUR-EUSE-S, ET PRECAIRES A OCCUPER LIEUX DE TRAVAIL, LYCEES ET UNIVERSITES DANS LA SEMAINE DU 13 AU 20 AVRIL 2015 POUR LE RETRAIT DE LA LOI MACRON.
CONTRE LE TERRORISME DU PATRONAT QUI EMPLOIE TOUS LES MOYENS POUR FAIRE TAIRE LE MOUVEMENT SOCIAL, SEULE LA SOLIDARITE, PARTOUT, ICI ET MAINTENANT CHANGERA LE RAPPORT DE FORCE. QUE LA PEUR CHANGE DE CAMP.
Le Comité d’Occupation de Strasbourg
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