Spéciale dédicace à la droite strasbourgeoise qui titrait ainsi hier

lu dans les DNA

Strasbourg / Actes racistes et antisémites

Une année troublée

Trente-six stèles musulmanes ont été découvertes hier matin vandalisées au cimetière Sud de Strasbourg (lire en page Région 3). Voici une chronologie des actes racistes et antisémites survenus à Strasbourg (et dans les environs) depuis le début de l’année.

Dans la nuit du 9 au 10 janvier, la maison du maire Roland Ries est taguée d’une insulte et de l’inscription « non aux minaret (sic) ». La police municipale découvre également sur le mur de la maison située dans le quartier des XV une croix celtique de 20 cm de circonférence, un des symboles prisés des néonazis.
Dans la nuit du 11 au 12 janvier, la voiture d’un responsable de la grande mosquée est recouverte de plusieurs inscriptions au feutre noir : « minaret non », « islam dehors » et « immigrés dehors ». Trois croix gammées et une croix celtique sont également relevées sur la carrosserie. S’il est bien membre du conseil d’administration de la grande mosquée, le propriétaire de la voiture n’est pas exposé médiatiquement. On suppose donc que c’est Fouad Douai, son voisin, gérant de la société civile et immobilière chargée de construire la grande mosquée du Heyritz, qui était visé.
Le 27 janvier, jour anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, on découvre 18 croix gammées dans le cimetière israélite de Cronenbourg. Une inscription antisémite recouvre une tombe. Treize petites stèles ont par ailleurs été renversées.
Le 3 mars, le concierge d’un immeuble de la rue de Rome, découvre 77 croix gammées et le mot « con » inscrits au marqueur dans la cage d’escalier. L’auteur des faits, qui s’était disputé avec deux locataires de l’immeuble et le concierge, est interpellé quelques jours plus tard. Il assure qu’il ne s’agit pas de sigles nazis. Et indique avoir simplement tenté de dire sa haine du concierge et des deux étudiantes.
Vendredi 30 avril, un homme de confession israélite portant la kippa est agressé place de l’Homme-de-Fer par un déséquilibré. D’origine maghrébine et de confession musulmane, l’agresseur lui porte un coup de barre de fer avant de lui asséner un coup de couteau. Interpellé quelques instants plus tard, l’auteur présumé des faits indique avoir agi ainsi à la vue de « la kippa » – hospitalisé il y a quelques années sur décision d’un médecin israélite, il nourrirait depuis une haine des juifs.
Dans la nuit du 28 au 29 juin, 18 des 61 stèles que compte le carré musulman du cimetière Nord de Strasbourg sont dégradées – certaines brisées d’autres renversées.
Le 21 juillet, une personne âgée venue se recueillir au cimetière israélite de Wolfisheim découvre la dégradation de 27 pierres tombales. Le mode opératoire rappelle la profanation du cimetière Nord, trois semaines auparavant.
Dans la nuit du 10 au 11 septembre, la camionnette du gérant d’une société de distribution de viande halal est maculée d’inscriptions islamophobes. La police relève également sur le véhicule des croix gammées, des insultes et une tête de cochon.
Dans la première quinzaine de septembre, on découvre des inscriptions racistes et antisémites sur la façade d’une bâtisse à Schiltigheim et des croix gammées peintes à l’envers sur l’enceinte du cimetière juif de Haguenau.
Dans la nuit du 20 au 21 septembre, un ou plusieurs individus pénètrent par effraction dans le jardin de Faruk Günaltay, le gérant du cinéma l’Odyssée. Il(s) incendie(nt) ses deux voitures et recouvre(nt) sa porte de croix gammées et des nombres 14 et 88, nombres fétiches des néonazis.M. P.

L’inquiétude monte d’un cran

Trente-six stèles musulmanes ont été découvertes hier matin vandalisées au cimetière sud de Strasbourg. Plusieurs croix gammées ont été tracées au sol. La multiplication des actes racistes constatée depuis plusieurs mois dans l’agglomération inquiète les responsables politiques et religieux.

C’est le gardien du cimetière qui a fait la triste découverte, au matin. Trente-six stèles, situées dans différentes parcelles du carré musulman du cimetière sud de Strasbourg, ont été profanées, sans doute au cours de la nuit. Faites de marbre ou de bois, elles ont été renversées ou brisées, mais aucune inscription n’y a été laissée. Trois croix gammées ont été tracées dans le gravier.

« Une volonté de casser la concorde sociale »

Jusqu’en milieu de journée, les CRS ont gardé l’entrée du cimetière, situé dans le quartier de la Meinau, pour permettre aux agents de la police technique et scientifique de recenser le nombre de tombes touchées et de procéder aux premières constatations: des empreintes, des traces d’ADN ainsi que des mégots ont été relevés. Le directeur départemental de la sécurité du Bas-Rhin, Luc-Didier Mazoyer, s’était rendu sur place en compagnie du procureur de la République, Patrick Poirret.
Le maire de Strasbourg, Roland Ries, s’est rendu sur les lieux dans la matinée. Il dénonce un acte « inadmissible », un « saccage qui est l’expression d’une haine viscérale, contraire à toutes les traditions strasbourgeoises, ville humaniste et capitale des droits de l’homme ». « Il y a manifestement dans cette ville un ou des groupuscules qui s’en prennent aux morts, a-t-il ajouté. C’est la négation même de la civilisation. J’espère que la police les retrouvera et les mettra hors d’état de nuire. »
Depuis le début de l’année, l’agglomération strasbourgeoise voit se multiplier les actes antisémites, racistes ou islamophobes. Le cimetière israélite de Cronenbourg a été profané en janvier, celui de Wolfisheim en juillet, le cimetière nord de Strasbourg en juin. Une camionnette de distribution de viande halal a été la cible d’inscriptions racistes au début du mois.
Cette semaine, les voitures d’un responsable d’origine turque d’un cinéma strasbourgeois ont été brûlées et sa maison taguée. « Cela devient insupportable, estime Roland Ries. Il y a une volonté de casser la concorde sociale, mais il ne faut pas se laisser intimider, et continuer à promouvoir le dialogue entre les religions. »
Olivier Bitz, adjoint aux cultes, s’inquiète du « climat qui règne dans la ville. Des gens ont peur ou sont mal à l’aise. » Il vise ouvertement les « apéros saucisson-pinard » organisés à Strasbourg actuellement.

« Trop, c’est trop »

Dans sa ligne de mire : Patrick Binder, conseiller régional FN qui organise un rassemblement de ce type aujourd’hui, dans le quartier des XV. « C’est ce genre de provocation à l’égard du vivre-ensemble, estime Olivier Bitz, qui rend le passage à l’acte plus “facile” ».
« Trop, c’est trop », s’emporte Pierre Levy. Selon le délégué en Alsace du Conseil représentatif des institutions juives de France, « la question de l’interdiction de certaines manifestations haineuses » est désormais posée.
Le président de la Grande mosquée de Strasbourg, Saïd Aalla, appelle quant à lui « la communauté musulmane à garder son sang-froid ». « Ça commence à faire un peu beaucoup, soutient-il. Nous sommes dans une série d’actions de provocation. Les autorités doivent agir le plus vite possible. » En sortant du cimetière sud, Saïd Aalla s’est dit « triste ». L’enquête a été confiée à la sûreté départementale.

Aurélien Poivret