Quand la dirigeante du Parti socialiste veut développer la ville « la plus raciste » d’Israël
Electoralisme. Lundi, la première secrétaire du Parti socialiste et maire de Lille, Martine Aubry, s’est engagée devant le Crif à relancer le jumelage et le partenariat économique de sa municipalité avec la ville israélienne de Safed, pourtant qualifiée par le quotidien Haaretz de ville « la plus raciste dans le pays » à l’encontre des Arabes. 2012 vaut bien une messe d’un nouveau genre.
« Invitée d’honneur » : tel est le titre dont s’est retrouvé gratifiée Martine Aubry, à l’occasion du dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) qui s’est tenu lundi à Lille. Un qualificatif qu’elle n’aura pas démérité. Sous les bons auspices de Charles Salman, président du Crif régional et fervent partisan d’un rapprochement économique avec la bourgade israélienne de Safed, la dirigeante du PS a, tout d’abord, tenu à fustiger la campagne BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions) : « Je pense que ceux qui prônent le boycott se trompent de combat : au lieu de porter la paix, ils portent l’intolérance, ils portent la haine. Et quand on veut un chemin de paix, on ne commence pas par porter cela ».
Elle a également déploré que « deux, trois » élus socialistes puissent soutenir ce mouvement, également symbolisé en France par l’Appel à solidarité avec l’ancien résistant Stéphane Hessel et la sénatrice Alima Boumediene -Thiery, figures de proue dans ce combat. Michel Rocard, signataire du document, appréciera sans doute d’être ainsi pointé du doigt. Il est vrai qu’au PS, la tendance est plutôt à l’inverse parmi les notables de l’organisation : Bertrand Delanoë, Manuel Valls et François Hollande ont ainsi condamné, dans une tribune collective publiée par le Monde, le boycott des produits israéliens tandis que Julien Dray et Dominique Strauss-Kahn ont toujours fait preuve, chacun à leur manière, d’une certaine cohérence dans leur soutien indéfectible envers l’Etat d’Israël.
Un racisme à développement durable ?
La numéro un du PS, qui brigue de hautes fonctions pour 2012, s’est-elle rendue compte de la bévue commise en affirmant sa volonté de relancer le jumelage de Lille avec Safed ? « Nous avons signé il y a quelques mois un partenariat qui porte sur la santé, l’emploi des jeunes, le développement durable et sur des micro-projets », a-t-elle indiqué à l’assemblée réunie par le Crif. Son président local est ravi, lui qui milite pour une collaboration plus étroite avec les pôles technologiques et les universités de Safed. Pour Gideon Lévy, journaliste au quotidien israélien Haaretz, il s’agit là de la ville « la plus raciste dans le pays ». Pourquoi ? En raison des nombreux cas de discrimination, tolérés par le maire de la ville et le grand rabbin, à l’encontre des Arabes. Ceux-ci se voient, par exemple, fréquemment refuser l’accès à des lieux d’habitation en raison de leurs origines. « Vous pouvez répéter vingt fois le mot ‘raciste’, cela ne m’impressionne pas. Je ne fais que respecter un interdit de la halakha [Loi traditionnelle judaïque] : il est interdit de vendre ou de louer un logement à des Arabes. », s’est ainsi défendu le rabbin en chef de Safed, Shmuel Eliyahou. Même l’ADL, redoutable lobby ultra-droitier et pro-israélien aux Etats-Unis, s’est récemment fendu d’un communiqué pour dénoncer ces actes. Lundi, le quotidien de gauche, Haaretz, n’a pas manqué également de condamner, dans un éditorial, le silence du gouvernement israélien sur ces abus.
A défaut d’un lancer de chaussures
« Synchronicité » : de la coïncidence significative. Tandis qu’ Haaretz alertait ses lecteurs sur la dangerosité du statu quo à Safed et que Martine Aubry prétendait être une « amie exigeante » d’Israël devant les représentants du Crif, le même jour se déroulait un coup d’éclat singulier à l’autre bout de la planète. Ce lundi, dans la ville de La Nouvelle-Orléans , aux Etats-Unis : profitant d’une conférence donnée par le Premier ministre israélien, venu demander à la communauté internationale des « excuses » pour avoir-selon lui- cautionné le Hamas durant l’invasion de Gaza, des activistes israélo-américains ont perturbé son discours en accusant le régime de Tel Aviv de se « délégitimer » par sa politique d’occupation et d’implantation de nouvelles colonies. L’action, menée par cinq membres d’un groupe dénommé Young Leadership Institute of Jewish Voice for Peace, témoigne, par sa radicalité, de la vigoureuse résistance au sein même de la communauté juive à l’encontre des exactions commises par Israël. Une fracassante démonstration, téméraire et à mille lieues, au sens propre comme au sens figuré, de l’allégeance déployée par la dirigeante du Parti socialiste français envers un régime politique d’exception.
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